CHAPITRE 10 : Quitte ou double

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TW : violence physique.

La plainte aigu dans ses oreilles s'estompe au fur et à mesure de l'effort déployé pour gravir la pente. De retour sur le sentier abrupt et le fusil en bandoulière, Jenny s'engouffre sans hésitation dans le fameux raccourci. Ce dernier s'encastre dans la falaise avec, d'un côté le ravin, et de l'autre la paroi rocheuse à la perpendiculaire. Transcendée et faisant fi de toute rationalité, elle poursuit l'itinéraire qui se rétrécit à peau de chagrin. De toute manière, c'est la seule option valable afin de prendre son ennemi à revers, sans garantie d'y parvenir.

Sa respiration se bloque face au tableau invraisemblable qui lui fait face. D'infimes flocons virevoltent et l'absence de vent donne une sensation glauque. La queue de Poésie se balance à l'excès, signe d'un danger.

— Coucou, ma puce. Je suis là, reste tranquille.

Sa main lui caresse l'arrière-train, la jument hennit. Coincée et les oreilles aplaties, l'équidé n'ose plus bouger d'un cil. Jenny enlève son long rifle et l'enfonce par l'arrière dans son fourreau. Ni une, ni deux, la voilà en train de ramper sous le ventre de l'animal. Une fois aux antérieurs, la peur la tétanise. L'espace d'un instant, son sang se glace d'effroi. Mais la cavalière se renfrogne, s'accroche fort aux rênes pour se tracter debout, puis lui tapote l'encolure et la rassure.

— Chuuut...

Un éboulement a emporté le sentier sur une section d'environ trois mètres. Le vide, spectaculaire et vorace, déploie son attraction hors-norme. Mâchoire serrée, Jenny grimpe sur l'herbivore. S'ensuit une grande inspiration. Ses phalanges pressent le cuir et elle fait reculer Poésie sur une dizaine de mètres, puis l'immobilise.

— Ouf, bravo ma belle. Tu vas me détester, je sais, mais on a pas vraiment le choix.

Les deux grands coups de talons dans les côtes surprennent la jument, qui détale pleine bourre.

— Yaaaa !

S'ensuit un saut par-dessus le précipice, à couper le souffle. L'obstacle franchi, Poésie s'ébroue et la coupable gonfle ses joues face à l'imprudence de sa jeunesse. N'en déplaise, la monture avance droit devant, sous la houlette de deux, trois flocons en bataille. Un problème en amène un autre et celui qui se dresse tel un rempart, ferait pâlir les meilleurs destriers. L'entrave creusée dans la roche pointe sa macabre révérence, en une pente n'allouant aucune erreur.

La monture hésite cette impossible confrontation. Pleine d'abnégation, Jenny se lance à l'assaut de cette dangereuse opération. La jument, oreilles dressées, passe en mode sacrifice total et se jette corps et âme dans ce chemin de croix. Debout sur les étriers, la cavalière se tracte par les rênes, son buste parallèle à la pente. Le flux sanguin à son paroxysme et la mâchoire serrée à bloc, elle se cramponne à son destin. L'animal exécute une partition virtuose. Ses sabots glissent, mais s'ancrent à chaque fois in-extremis dans la surface rocheuse instable. Force et dextérité s'allient en symbiose et la prestation les poussent au-delà des limites de l'inimaginable. La rage au ventre, Jenny se cramponne aux crins de l'encolure pour une chevauchée épique qui lui coupe la respiration. L'impossible parcours passé, elle explose de joie et entoure Poésie de toutes ses forces.

— Oh, merci beaucoup ma belle, c'est énorme ce que t'as fait là. Énorme !

Cette décompression reste de courte durée, en raison des récentes traces de sabots dans la neige. Sa tentative d'interception a échoué, qu'à cela ne tienne, son tortionnaire va payer le prix fort. La clarté du jour décline déjà et annonce la couleur d'un règlement de compte morbide. Munie de son long rifle, elle quitte la jument, désormais attachée à un arbre. Ses pas craquent dans le manteau blanc et le froid cingle son visage meurtri. La chasseuse opte pour les coteaux, à l'écart du sentier originel. Une fois allongée, le déclin de luminosité impose une fenêtre de tir réduite à peau de chagrin, mais la ligne de mire est idyllique. Sa respiration devient lente, un impératif pour crucifier son adversaire d'une seule balle. Mais si son attente s'éternise, le froid glacial jouera en sa défaveur et diminuera ses facultés en terme de précision.

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Cow-boy Jenny, Les Larmes De Washita, Tome 1 (En Réécriture)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant