Chapitre 8

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Partison ne s'en remettrait jamais. Comment avait-elle pu s'en aller? Les quitter tous, lui et les oranges? Tout ça lui paraissait tellement invraisemblable qu'il se disait que peut-être, par il ne savait quel artifice, l'avait-on manipulé. Après tout, n'était-ce pas ce que l'Agence faisait depuis le début?

Car oui, Partison se rappelait maintenant tout, dans les moindres détails. Son enfance."L'accident". Sa condamnation, la mort de ses parents... Tout était arrivé si vite que quand on lui avait proposé le rôle, il avait accepté d'emblée.

Grave erreur.

Lorsqu'on l'avait ramené à l'Agence, il avait eu... comme une impression de déjà-vu. Il connaissait ces murs, ces couloirs, et certains employés. Et par dessus tout, il reconnaissait cette langue qu'employaient les habitants de cette ville lorsqu'ils ne s'adressaient pas à lui.

Bien sur, il ne leur avait rien dit. Mieux valait qu'on le croie ignorant et faible. Mais pouvoir comprendre ce qu'on disait dans son dos était plus que pratique, il fallait l'avouer. On lui avait expliqué ce qu'il savait déjà mais il avait aussi appris quelque détails de la société actuelle, du changement qu'avait apporté la série au monde.

Certes, ils n'avaient été absents que durant un peu moins de deux ans. Mais ce qu'il avait vécu avant lui semblait flou, incompris. Il était jeune, immature et inconscient à l'époque. L'épreuve l'avait changé à tout jamais, c'était sur.

Les agents chargés de son accueil avaient placé pour la nuit Partison dans une grande suite avec lit à baldaquin, dressing de dix mètres carrés et salle de bain avec baignoire. Plutôt confortable.

Il ne fallait pas croire que les évènements avaient perturbé son sommeil. Épuisé, il s'affala sur son lit et s'endormit comme une souche.
Quand il se réveilla, il mit du temps à comprendre pourquoi il n'était pas dans la forêt avec Quincy et les oranges, sur un matelas de feuilles. Puis il se rappela.

- Putain de merde...

Maudissant tout ce qui était à l'origine de ce cauchemar, il s'étira et se frotta les yeux. L'horloge indiquait sept heures trente-six. Ses habitudes de lève-tôt ne l'avaient pas quitté. Mes le jour pointait déjà. Coupé du monde, il ne pouvait pas le voir mais la ville s'éveillait peu à peu.

Il se leva, vérifia un instant que son aspect ne soit pas trop effrayant dans le miroir, ce qui n'était pas le cas, et posa la main sur la poignée de la porte qui donnait sur le couloir.
Immobile, il s'accorda un moment pour essayer de deviner qui allait le trouver derrière. Le médecin de la veille? Il n'avait vu que lui et l'équipe qui l'avait amené ici.

Mais ce qui l'attendait était tout autre chose. Quincy. C'était comme s'ils s'étaient quittés il y a une éternité. Elle ne leva même pas la tête, car elle savait que c'était lui. Pourtant, leur familiarité commune ne le rassurait pas. Il y avait comme une barrière entre eux.

Ses vêtements propres donnaient une effet étrange à Partison, comme s'il ne la reconnaissait pas. Adossée contre le mur, les bras autour des jambes, elle avait le regard vide et la bouche légèrement entrouverte. Pas de trace du petit pli contrarié entre ses sourcils qui lui rappelait si bien Le premier jour.

Partison ne savait que dire. Mais c'est elle qui prit la parole, comme si elle avait oublié qu'un simple regard pourrait les faire se comprendre. Comme si elle avait peur de plonger ses yeux sombres dans les siens.

- Tu sais pour tout, j'imagine.

Son regard, perdu dans la vague, ne dévia pas. Peut-être Partison avait-il perdu sa confiance. Peut-être Quincy n'arrivait pas à supporter d'avoir été dupée. D'avoir vécu aux cotés d'un meurtrier. Non. Ce n'était pas sa faute. Pas la première fois.

- Tu te rappelle d'avant ça, n'est ce pas? Il faudra que tu m'explique. Comment j'ai pu croire un seul instant qu'on ne jouait pas un jeu?

Partison se demanda si elle jouait encore. Il avait lui-même assimilé le tout comme si ça n'avait été qu'une blague, un épisode. Il comprenait les raisons qui l'avaient poussé à accepter le rôle.

Mais il lui était impossible de deviner ce à quoi pensait Quincy. Sa chère camarade d'aventure et lui avaient tout simplement perdu leur connectivité. S'il y avait des caméras dans le couloir, il était sur que leurs examinateurs seraient contents de ce retournement de situation. Mais si elle pensait ce qu'elle disait?

Encore une fois, il se sentit mal. C'était pire que de la torture, on le considérait comme une héro, un gamin, un traître et une source potentielle de gain à la fois, c'en était trop. Vraiment trop.

Mais qu'ils aillent tous se faire foutre! Il n'avait jamais voulu causer de tort à personne, et pourtant il était là, victime de tous ses mots qui l'accablaient sans cesse de blessures qui ne sauraient cicatriser. Était-ce lui qui avait abandonné les oranges aux portes d'Anouk? Non. Il n'avait jamais voulu quoi que ce soit.

Même ce stupide accident aurait du se passer autrement! Son ami, son seul ami, mort sous ses yeux. Il ne l'avait pas tué. Mais il en avait prit la responsabilité. Il avait endossé le rôle de meurtrier. Il avait même accepté de se faire manipuler, de quitter son rôle de maître de son destin, de perdre ses souvenirs. Il avait prit ses décisions, il devait assumer. Mais tout ce qu'il avait envie de faire maintenant, c'était de crier sur Quincy qui osait de plaindre de ne rien savoir.

Ne valait-il pas mieux de ne rien savoir? De ne pas savoir qu'il était victime de sa seule volonté? Il en avait plus que marre de tout ce merdier. Mais comme sortir de ce labyrinthe? Comment sortir de ce monde dont il était désormais dépendant?

- Tu ne comprends pas, Quincy. Merde, comment tu pourrais comprendre? Tu sais quoi? Tu as cette qualité d'aller de l'avant quoi qu'il arrive, de foncer tête baissée et d'ignorer les risques. C'est super. Mais maintenant, on est plus à Anouk.

Quincy leva les yeux vers lui, un profond regret se lisant dans ses iris. Elle semblait à bout. En tant normal, elle aurait crié à son tour, s'opposant de toutes ses forces à l'avis qui n'était pas le sien. Partison élevait si peu souvent la voix, d'habitude... Mais cette fois-ci, elle ne dit rien. Ne se défendit même pas. Vidée. Mais Partison s'en fichait désormais.

- Et tu vas avoir du mal à garder ta liberté ici parce que tu ne vois rien du monde qui t'entoure! Tu es aveugle, Quincy, et c'est ce qui fait ta force. Tu n'es pas courageuse, juste téméraire. Et stupide !, il cracha ces derniers mots. Puis il continua avec un rictus frustré: Mais tu sais quoi, Quincy? C'est pas ça qui va t'aider ici. Alors essaie de changer tant qu'il en est encore temps. Parce que tu débute vraiment mal.

Il la fixait de ses yeux emplis de colère, les bras croisés. Attendant. Mais la jeune fille ne répondrait pas. Sa lèvre inférieure tremblait tellement que sa bouche tout entière semblait secouée de spasmes violents. Ses mains étaient à présent enfouies dans ses cheveux hirsutes, malaxant son pauvre crâne. Elle avait le visage enfoui entre ses genoux mais Partison pouvait deviner ses yeux se remplir de larmes, car ses épaules tressaillaient légèrement.

Dans un élan de pitié, Partison s'accroupit à son niveau. Mais les mots qui sortirent de sa bouche ne furent pas bienveillants.

- Tu es égoïste. Tu ne pense qu'à ta pomme, et c'est tant pis pour toi. Parce que mignonne comme tu es, tu aurais pu t'entourer. Tu pourrais prendre les bonnes décisions et gagner. Mais tu ne cherches même pas à réfléchir. Et tu finiras seule, crois-moi.

Puis il se leva et retourna dans sa chambre, où il prit une douche avant d'enfiler les nouveaux vêtements contenus dans son dressing.


EvaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant