Eva

Chapitre 16

- Mais dîtes-moi, Quincy : qu'avez-vous ressenti en contemplant notre cité pour la première fois, du haut du mur d'enceinte?

Elle regarda le journaliste sans comprendre la question, ayant seulement compris qu'il s'adressait à elle. Partison lui chuchota quelques mots à l'oreille, et elle haussa un sourcil en direction de son intetprète. Ses sentiments? Elle n'avait aucune envie de confier à ces exhibitionistes de bêtes de foire qu'elle avait vraiment pensé que ce pays serait le pays de la libération.

Elle se retenait depuis plus d'une heure de se lever et de leur lancer une bordée d'injures, à eux, ces idiots qui croyaient toutes les absurdités qu'on leur servait. Ils pensaient bien la connaître, tout savoir de ses aventures, de ses sentiments et de ses aspirations. Le pire, c'est qu'ils avaient raison. Elle s'était livrée à la caméra sans savoir que des millions de personnes l'observaient nuit et jour. Et maintenant, sa personnalité ne lui appartenait plus. Ce n'était pas un personnage crée de toutes pièces mais une véritable identité qui lui avait été volée.

Ces éléments étaient passés dans son esprit en quelques secondes, l'audience attendait le moindre de ses mots. Des coups sourds firent tressailler l'assemblée. Effie, au premier rang, un peu troublée par le bruit, encourageait cependant Quincy à parler d'un moulinet de la main.

- Eh bien, commença-t-elle, je...

Un brusque vacarme l'intérompit; une vitre avait explosé non loin de là. Le journaliste se leva de sa chaise. Des cris se firent entendre, des cris de guerre, de motivation de troupes. Personne ne comprenait ce qu'il se passait. Bientôt, des hurlements provenant, cette fois, du personnel de l'Agence terrifièrent les individus présents dans la pièce.

Tandis que le chaos s'emparait de l'endroit, Quincy et Partison, eux, restaient bien calmement sur leurs chaises, bien que se demandant ce qu'il se passait. Une jeune femme qui n'avait pas du tout l'air de faire partie du public monta sur la scène et se rua vers eux.

- Allez, il faut partir! Ne vous faîtes pas remarquer, surtout, et restez derrière moi.

Cette femme était là lorsque Quincy avait rencontré Luc. C'était la petite brune qu'elle semblait croiser partout depuis qu'elle était arrivée à l'Agence. Une secrète intuition lui soufflait cependant qu'il fallait lui faire confiance; peut-être était-ce le fait qu'elle l'avait vu avec Luc, même s'ils étaient en désaccord à ce moment là. Ces deux-là semblaient se connaître, et par solidarité avec Luc, Quincy choisit de la suivre. Partison la suivit. Le public commençait à quitter la salle, affolé. Les cris menaçants ne cessaient pas et plus ils augmentaient en sonorité, plus l'on sentait qu'ils se rapprochaient dangereusement.

Ils traversèrent les salles et virent les premiers envahisseurs courir vers les riches invités, les menacer, leur arracher leurs somptueux effets, les secouer en tous sens. Quincy glissait et se faufilait entre les corps en furie comme elle aurait plongé dans l'eau. Elle ne perdait pas des yeux la fine silhouette de son garde du corps et tachait de ne pas se faire distancer. Ils se ruèrent à travers de petits couloirs sombres, se retrouvèrent dans une cour intérieure, puis dans un jardin très touffu aux petites allées. Laura s'arrêta là.

- Bon, ici, vous serez en... merde, où est le garçon?!

Elle balaya l'endroit du regard d'un air professionnel avant de repartir.

- Toi, tu reste ici. Si des gens arrivent, tu te cache pas loin.

Sur ce, elle courut retourner là où la masse d'envahisseurs semait le désordre et la confusion. Quincy se retrouva seule. La tempête semblait loin, l'endroit calme. Mais elle ne comprenait pas. L'avait-on ammené ici pour la protéger? La meute d'enragés faisait-elle partie de ses alliés? Ou la réservait-on à un autre sort ? Allait-on lui faire du mal ? La notion d'ami et d'ennemi restait floue dans son esprit, elle n'était même plus sûre du camp qu'avait choisi Partison.