Chapitre 11

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C'était une furie. Une battante. Les écrans ne mentaient pas. Luc regarda les longs cheveux de Quincy flotter derrière elle tandis qu'elle marchait vivement vers l'escalier. Ses grands yeux remplis de colère, des tempêtes bleues. Luc savait bien ce qu'elle ressentait. Et il savait qu'elle voudrait en savoir plus, comme il aurait voulu à son époque. Sauf qu'à son époque, il n'y avait personne. A son époque, il n'y avait même pas son père. Il avait du se frayer un chemin seul, franchir les fossés et les barrières que tous s'évertuaient à mettre sur son chemin avec seule aide son esprit.

Le jeune homme se laissa tomber contre le dossier du sofa en souriant tandis que Laura s'avançait vers lui.
- Tu ne l'as même pas retenue dix minutes. Tu dois être insupportable.

- Parce que tu continue à penser que je ne suis comme ça qu'avec toi, mon ange. Or elle est partie d'elle même. Tu n'aurais pas tenu plus que ça.

- Je tiens toujours. Mais je pense que je suis bien la seule.

Laura s'assit en face de lui, à la place qu'avait tenu Quincy une minute plus tôt.

- Tu voulais quoi? La dégoûter? Lui faire comprendre qu'elle n'a que des ennemis partout? Tu te rends compte que ce n'est qu'une gamine? Elle cherche de la douceur, un foyer, une famille. Et surtout pas toi et tes si précieuses paroles.

- Tu pense vraiment que je l'ai blessée? rétorqua Luc en haussant la voix.Tu pense que je ne sais pas ce que je fais?

Il savait ce qu'il faisait. Du moins, il savait ce qu'il voulait faire. Laura ne comprenait pas. Personne ne comprenait jamais. Il était seul contre deux armées opposées, essayant vainement de se ranger d'un coté ou de l'autre.

- Tu te crois maligne. Tu ne comprends pas.

- Bien sur que si. Mais je ne sais pas ce que tu trame. Et crois-moi, même si je ne suis qu'une simple soldate et surtout qu'une simple conquête, et que ça ne me regarde pas, tu m'inquiète, Luc.

Luc fronça les sourcils. Il n'aimait pas que Laura essaie de s'incorporer dans ses affaires. C'était ce qu'elle faisait depuis le début, depuis le premier jour, jour où il l'avait rencontrée. C'était d'ailleurs ce qui lui avait plu chez elle. Elle ne se contentait pas de suivre ses fonctions sans ciller. Elle pensait, elle tiquait, elle s'efforçait de rester intègre quoi qu'il arrive. Luc soupira. Ces temps-là étaient passés. À présent, le fait qu'elle le réprimande pour un rien l'agaçait plus qu'autre chose.

- Comme tu l'as si bien dit toi-même, ça ne te regarde pas.

La pilule était passée. Même si elle n'était toujours pas convaincue de la sainteté des actions de Luc, elle comprenait qu'elle ne pourrait rien y faire. Il l'avait toujours menée à la baguette, sans s'en rendre compte.

Laura pinça les lèvres et se leva. Elle secoua la tête de gauche à droite, et lâcha d'une voix légèrement tremblante :

- J'espère que tu ne me décevras pas, Luc. Je l'espère vraiment.

Puis elle partit. Un sacré brin de soldat. Elle avait vingt-et-un ans, mais lorsqu'elle se mettait dans ces états, elle semblait être une pauvre adolescente perdue. Elle semblait chercher de la protection en Luc, et il le savait. Et avait trouvé du réconfort en elle. Autrefois. Plus maintenant.

Il se rappelait encore de leur première fois. Pour eux deux. Il se rappelait lorsqu'elle avait habité quelques mois chez lui. Il se rappelait de ses rires, de ses cris. Il se rappelait de leur rupture. Mais ce n'était que des souvenirs tristes. Tout n'avait jamais perdu sa texture fade, la vie n'avait pas quitté son goût amer, cette amertume qui reste dans la bouche bien après qu'on l'eut testée.

À présent il était coincé entre l'Agence et le peuple et ne pouvait rien faire autrement de ce qu'il faisait. Il n'avait pas le choix. Son portable vibrant le fit sursauter. C'était eux.

- Luc, il va falloir agir, lança la voix au téléphone. On a tout prévu pour dans deux semaines.

- Quel jour?

- Le soir du pot. Ça nous fera un coup de pub, avec tous les journalistes amassés à l'intérieur.

- C'est ok. À dans deux semaines.

Le bip sonore annonçant la fin de la conversation fit frissonner Luc. Il avait du mal à croire qu'ils allaient enfin passer à l'action. Mais ils le feraient. Et il était déjà prêt.


EvaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant