Les Voeux du Sang/Dynastie

Chapitre 1 : Les Regrets du passé

Point de vue Amelia

Le ballon roulait. Il roulait, il dévalait la route bétonnée.

Il roulait toujours plus vite. Des petites jambes peinaient à le suivre. Parfois des petites mains s'avançaient dans un effort désespéré mais comme animé par le Malin le ballon rebondissait de plus bel et accélérait l'allure. La voiture aussi roulait, son vrombissement était encore lointain, l'enfant avait encore un peu de temps.

L'objet diabolique avait déjà quitté la petite allée et se précipitait vers le trottoir. Le petit garçon tenta sa chance à nouveau mais le ballon rouge lui échappa une nouvelle fois. Pourtant, son rire, semblable au tintement léger d'un grelot, résonnait dans la cour tandis que la brise fraiche de cette belle journée de mai effleurait les arbres aux fleurs encore bourgeonnantes dans un doux bruissement. Quelques fragiles pétales blancs se détachaient et partaient se promener, virevoltant au gré de vent. Ils tourbillonnaient un moment puis se posaient délicatement sur le sol. Le soleil rayonnait et ses fins rayons caressaient la peau satinée de l'enfant. La journée promettait d'être merveilleuse et pleine de vie. Pas un nuage ne tachait le ciel bleu, pas un malheur ne semblait menacer l'horizon...

Les rires de l'enfant s'élevaient toujours plus haut parmi le gazouillement des oiseaux. Rien ne le perturbait, pas même le grondement d'un moteur approchant. Son attention restait fixé sur le point rouge. Il avait désormais franchi le portail. Le ballon dévorait le bitume et s'éloignait peu à peu de la demeure. Cette dernière de briques blanches s'élevait sur trois étages ; au dernier, un balcon, au balcon une jeune fille. Elle aurait pu voir le ballon, le petit garçon, elle aurait dû voir leur course effrénée, peut-être aurait-elle réussi à les arrêter.

- Cody ? Une voix angélique s'éleva de l'allée.

Une magnifique jeune femme sortie de la haie, un sécateur à la main, un tablier vert à la taille. Anxieuse, elle réitéra sa question :

- Cody ?

Le ballon roulait. L'enfant riait et n'entendait rien ni les oiseaux, ni la voiture pas même sa mère.

- Cody ?

Cette fois, la femme cria. Sa voix était blanche, son visage effrayé, son corps tremblant. Alerté, un homme, une tasse de café à la main, passa la baie vitrée. Sans comprendre, il s'avança vers sa femme mais celle-ci s'était déjà élancée.

Elle avait compris.

L'homme, laissa tomber sa tasse dans l'herbe grasse et se précipita dans l'allée à la suite de son épouse.

Le ballon roulait toujours et le petit garçon riait aux éclats. Ses parents courraient toujours plus vite, peut-être pas assez... L'horreur se lisait sur leur visage, ils entendaient, ils voyaient, ils comprenaient.

Des rires. Des pas affolés. Des rires. Des cris. Des rires. Un rugissement de moteur. Des pleurs. Des cris. Des pas précipités. Un crissement de pneus. Une collision. Des pleurs.

Les oiseaux ne chantaient plus et le Malin souriait.

La jeune fille au balcon avait enfin levé la tête. Peut-être le regrettait-elle... Ses yeux se figèrent et aucune larme ne parvînt à monter. Elle hurla. Elle hurla aussi fort et aussi longtemps qu'elle le pu. Enfin ses yeux devinrent humides et des larmes perlèrent le long de ses joues. Elle ne voyait plus rien si ce n'est des formes floues. Son frère agrippait le cou de sa mère comme si sa vie en dépendait. L'homme était à genoux et regardait impuissant le corps gisant sur le pavé. La voiture s'était arrêtée et le conducteur téléphonait. Peu à peu une masse compacte de curieux, de voisins se forma autour d'eux. Le petit garçon tenait encore fermement sa mère contre lui et son père peinait à l'en détacher. À bout de force le petit renonça et noua ses bras et ses jambes autour de son père.