18 - Après la tempête, le calme

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Lorsque Lucas ouvrit les yeux, il ne comprit pas tout de suite où il était. Il avait froid, mal au dos, et ne sentait même plus son bras, sur lequel Baptiste était allongé. Il voulu rire de cette situation improbable, mais en regardant le visage de son ami, les souvenirs lui revinrent avec une violence telle qu'il en eut le souffle coupé. Ces hématomes, qui salissaient le visage de son ami, étaient de son fait. Incapable de gérer ses sentiments pour le brun, il en était venu à frapper quelqu'un, lui qui n'avait jamais fait de mal à un chat. Et ce n'était pas n'importe quel quelqu'un, c'était Baptiste, son Baptiste. Il en eu le tournis. Comment avait-t-il pu faire une telle chose ? Ses émotions l'effrayaient, il s'effrayait, en entier.

Il se remémora les paroles qui lui avaient fait perdre son calme : "Pourtant c'est pas toi qui m'a embrassé, prêt à en redemander même quand je t'ai recalé, comme une petite pute ?"
Le pensait-il ? Amer, il songea à quel point il avait aimé ce baiser, même s'il avait tourné court.
Il ne pouvait plus se le cacher : il aimait Baptiste, et pas seulement amicalement. Mais était-ce seulement réciproque? Instinctivement, il voudrait répondre non ; sinon pourquoi aurait-il réagit de la sorte? Il aurait du être heureux, non? Mais c'était sans compter la fragilité explosive de son ami... Cela n'aurait pas été la première fois qu'il agissait impulsivement par peur de ses émotions. 

Tristement, il caressa son visage encore endormi, évitant soigneusement les zones bleuies. Baptiste papillonna des yeux :

"- Bonjour marmotte.
- Lucas ?
- C'est moi, sourit-il.
- Je suis désolé, je voulais pas te faire de mal.
- Non mais t'es sérieux ?"

Le brun eut peur de ce ton grave. Honteux, il se dit que ses excuses étaient bien vaines; Lucas serait idiot de lui pardonner après ce qu'il leur avait fait.

"- C'est moi qui suis impardonnable. Regarde ce que je t'ai fait... Si tu savais comme je m'en veux ! Ça n'aurait pas du arriver, mais ça arrivera plus jamais, je te le promets.
- Je sais Lu', c'est bien pour ça que je t'en ai pas voulu une seule seconde. Je suis allé trop loin, je t'ai poussé à bout comme personne avant.
- Tu te rends compte que cette phrase ferait un très bon spot contre les violences conjugales, pas vrai ?
- Non mais tu te prends pour qui tête de nœud ?"

Le brun asséna une tape sur la tête d'un Lucas surpris, qui protesta :

"- Hé !
- C'est pas avec tes petits bras que tu vas pouvoir me battre, maigrichon. Crois moi que la prochaine fois que tu te prends pour Mohammed Ali ça ne se passera pas comme ça."

Le benjamin vit bien comment il essayait de dédramatiser la situation par l'humour, comme toujours, mais cette boule qui lui rongeait la poitrine ne voulait le laisser tranquille.

"- Je suis tellement désolé Bapt'...
- Moi aussi. On est vraiment des idiots, pas vrai ?
- Je te le fais pas dire !"

L'aîné se releva, et l'autre avait le bras tellement engourdi qu'il ne réagit pas lorsqu'il commença à le chatouiller. 

"- C'est pas du jeu, tu- tu m'as paralysé avant d'attaquer !"

Le blondinet riait tellement qu'il peinait à articuler ses supplications, bien vaines face à un bourreau hilare. Au bout de longues minutes, Lucas réussit pourtant à se libérer de cette torture. Assis à califourchon sur le petit, Baptiste le dévisagea avec douceur. Gêné, il détourna le regard.

"- Tu as détesté notre baiser à ce point ?
- Lucas...
- Je sais pas Baptiste ! Je pensais que tout allait bien, que notre relation évoluait, alors je tente des trucs et je me fais traiter de pute, tu crois que je l'interprète comment ?"

La douche froide. Le plus grand savait qu'il reviendrait dessus à un moment ou à autre, mais il aurait voulu profiter du calme un peu plus longtemps. Il se décala pour laisser Lucas se redresser, et ils s'écartèrent, froidement.

"- Je le pensais pas. Et je regrette tout ce que je t'ai dit, sincèrement. Tu le sais ça quand même ?
- Mais alors qu'est ce que tu voulais ? À quoi d'autre ça aurait pu nous mener ?
- Je sais pas Lucas, je sais pas ! J'ai jamais ressenti tout ça, je me suis jamais posé ce genre de questions ! Tout ça parce qu'un idiot est arrivé et a tout chamboulé. Normalement je tombe pas amoureux des garçons, merde ! Tout ça c'est tellement nouveau, tellement perturbant. Je tombe pas amoureux, et jamais avec autant d'intensité. Tu remets tout en question, et tu t'en rends même pas compte ! T'es là avec ta putain de gueule d'ange tombé du ciel, et je me dis que je mérite pas ta rédemption, c'est...terrifiant."

Le blond se radoucit, comprenant que la raison de toutes leurs insécurités pouvait être résumée en un tout petit, imbécile mot : la peur. Mais il n'avait plus envie d'être tragique à présent, il avait bien l'impression de passer son temps à être dramatique et cela ne collait pas vraiment à la manière dont il souhaitait vivre. Tous ses sentiments, noirs, intenses, débordants, n'étaient pas faits pour lui, tout ce qu'il voulait en fait maintenant était de s'attarder sur une petite partie de son discours qui lui paraissait bien plus importante que Baptiste ne voulait se l'avouer :

"- Tu ne tombes pas quoi ?
- Ne me fais pas répéter tête de nœud.
- Moi aussi idiot va. N'aies pas aussi peur d'être heureux.
- T'es devenu philosophe pendant la nuit ?"

Il pouffa en secouant la tête, avant d'ajouter :

"- Me refais plus ça Baptiste. Parle moi, on peut avancer ensemble je le sais, mais tu dois m'aider à t'aider.
- Je te le promets."

Lucas appuya sa tête contre l'épaule de son ami. Il ne savait pas trop où ils en étaient : leurs sentiments étaient réciproques, et quoi maintenant ? Ils restaient ces mêmes empotés, perdus dès qu'il s'agissait d'amour. La seule chose que notre blondinet espérait était que cette soirée cauchemardesque resterait dans le passé. Car, à son tour, il avait peur : et si pour un dérapage, tout venait à changer ? Leur relation si simple, si naturelle, pouvait-elle devenir compliquée à cause d'un seul baiser ? Secrètement, il rêvait déjà de goûter à nouveau aux lèvres de son aîné qui ne lui rendait vraiment pas la tâche aisée.
Il ferma les yeux et prit une grande inspiration, respirant son odeur, aspirant à une résolution magique qui ne viendrait jamais.

Avant que nos étoiles n'explosentOù les histoires vivent. Découvrez maintenant