Chapitre 7

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Meng Yao était tiraillé entre la nécessité impérieuse de se réveiller pour fuir et sauver sa vie, et celle de se blottir dans cette étreinte réconfortante, protectrice. Son corps, son esprit et son cœur, se livraient une bataille acharnée, et il se mit à trembler. Il se sentait accablé, même dans l'inconscience, totalement désorienté par son incapacité à contrôler son propre corps.

Durant les quelques heures écoulées depuis son réveil, il avait connu la faim, la peur, la fatigue, mais rien ne lui était plus désagréable que de se sentir impuissant. Il cessa de respirer quelques secondes en se sentant serré contre un torse puissant, entouré par des bras dont la chaleur irradiait contre lui, puis reprit une respiration plus apaisée.

Il releva des paupières lourdes en sentant l'étranger l'allonger pour s'éloigner, et gémit un « non » implorant. Pas la solitude ! Mais l'homme revint et entreprit de soigner sa blessure au ventre, estimant sans doute que les choses avaient été faites de manière incorrecte, ce qui était plus que probable vu son état. La tête tournée sur le côté, il fixait la pampille qui tanguait doucement au gré des mouvements de son propriétaire. Il la saisit et la lissa du bout des doigts, sentant de nouveau sa gorge se serrer et ses yeux brûler.

Le cultivant venu à son secours se concentrait sur sa plaie sans croiser son regard, et il devinait que c'était volontaire. Il observa les doigts agiles de l'homme défaire le bandage et appliquer les onguents. De longs doigts fins, et des mains qui lui donnaient l'impression de pouvoir tout briser, mais surtout de pouvoir tout guérir. Il aurait tant voulu que ces mains se posent sur son visage. Il grimaça sous le picotement du remède et sentit la sueur couvrir son front. Enfin, l'homme replaça le bandage et lui accorda un regard. Meng Yao aurait pu mourir en contemplant ce visage rassurant, ces yeux qui ne pouvaient masquer un certain trouble.

Xichen s'attacha à nettoyer la plaie et à la soigner le plus délicatement possible. Il dut appliquer quelques points de suture, inquiet de constater que l'énergie spirituelle de Meng Yao ne parvenait pas à résorber le saignement, encore moins à enclencher de processus de guérison. Il travaillait le plus doucement possible, affligé à chaque frisson qui parcourait la peau d'A-Yao sous l'effet de la douleur. Il ne put s'empêcher de se demander si l'ancienne blessure dont il était responsable pouvait expliquer cette fragilité. Jamais son ami n'avait eu un corps de guerrier, cependant, son excellent niveau de cultivation lui avait toujours permis de gérer des blessures telles que celle-ci. Mais aujourd'hui, ce corps dont il avait aimé la gracilité et la délicatesse avait été trop malmené pour guérir sans soutien.

La culpabilité revint le hanter à cet instant, comme elle l'avait fait de si nombreuses fois ces sept dernières années. Jamais il n'avait pu se pardonner d'être celui qui lui avait porté le coup fatal. Jamais. Pourtant ils avaient été nombreux, les proches ou les inconnus sûrs de leur bon droit, qui à chaque visite à YunShen Buzhi s'étaient acharnés à lui démontrer qu'il n'avait rien à se reprocher, en lui ressassant encore et encore les crimes de Jin GuangYao.

Paradoxalement, ces incessants rappels n'avaient fait que conforter son malaise : comment avait-il pu ne rien voir ? Quelle solitude avait dû être celle de celui qu'il considérait comme son meilleur ami ? Son âme sœur... Il n'ignorait pas que bon nombre de cultivants trouvaient ces considérations totalement inappropriées. Mais il en avait toujours été ainsi avec A-Yao. Toujours il avait pris son parti, avait tenté de se mettre à sa place, non pas de lui trouver des excuses mais de le comprendre. Et si pour cela on devait le juger crédule, eh bien, tant pis, qu'il en soit ainsi !... Perdu dans ses sombres pensées, il mit longtemps à accepter d'affronter le regard du malade.

Lorsque l'homme épongea son front avec un linge doux, avant d'y poser sa main pour évaluer son état, Meng Yao soupira de bien-être et ferma les yeux. Il les rouvrit brusquement, quand l'homme se leva pour reposer le matériel qu'il avait utilisé pour le soigner, et serra le bas de sa tenue dans son poing. Xichen s'assit sur le rebord du lit et lui sourit avec un pincement au cœur. Un sourire qui manqua le faire de nouveau chavirer dans l'inconscience tant l'espoir l'envahissait. Un homme avec un tel sourire ne pouvait pas être un ennemi.

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