Chapitre 9

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Meng Yao le fixait, de ce même regard empli d'intelligence qu'il avait si souvent vu chez lui. Il attendait patiemment que Xichen se décide, conscient des enjeux, et suffisamment respectueux pour ne pas en faire état et tenter d'influencer sa décision.

— Je vais devoir les rejoindre, A-Yao. Mon absence risque d'être perçue comme un signe de défiance, et cela te desservirait.

Meng Yao baissa les yeux, et Xichen vit les quelques couleurs qu'il avait pu regagner déserter son fin visage.

— Mais même si je ne suis pas là, garde à l'esprit que je t'aiderai, quoi qu'il m'en coûte. Tu dois me promettre de rester ici, c'est l'endroit où tu es le plus en sécurité.

Bien qu'il soit silencieux, Meng Yao n'attendait pas passivement : il réfléchissait. Il détestait cette sensation d'impuissance, son incapacité à prendre des décisions puisqu'il ignorait tout de ce monde, de ces gens, des « amis » de Lan Huan qui étaient à n'en point douter ses ennemis. Pouvait-il lui faire totalement confiance ? Même si tout son être l'espérait, il ne pouvait en avoir la certitude. Une fois hors de cette maisonnette, loin des souvenirs de leurs moments communs, loin de lui, Lan Huan ne se laisserait-il pas convaincre par les autres cultivants ? Ceux avec qui il avait continué sa vie sans lui, tissé de nouveaux liens ?

— Combien de temps suis-je resté dans ce tombeau ? demanda-t-il à brûle-pourpoint.

Xichen fut désemparé par cette question venue de nulle part, et il y répondit sans vraiment réfléchir.

— Sept ans.

Sept longues années à essayer de passer à autre chose... Sept années qui lui semblaient noyées dans le brouillard. Xichen, qui avait commencé à se redresser pour quitter son ami, réalisa ce qui le perturbait et se remit en position près de lui avant d'enchaîner :

— Et si après sept ans je suis encore là, à me soucier de toi, sept heures ou sept jours de plus n'y changeront rien.

Il lui sourit, essayant de lui transmettre un peu de chaleur et d'espoir.

— Promets-moi que tu resteras ici, que tu m'attendras.

— Promets-moi que tu reviendras, répliqua Meng Yao, souhaitant malgré tout que cet homme, qui représentait son seul espoir, comprenne quelles pouvaient être ses inquiétudes.

— Je reviendrai ! certifia le Jumeau de Jade, le visage marqué par l'incrédulité à l'idée que quiconque puisse en douter.

Puis il se releva, sortit de sa manche qiankun l'en-cas qu'il avait prévu pour lui-même et le déposa sur la table derrière eux. Il prit le temps de remplir d'eau chaude le grand bac de bois qui tenait lieu de baignoire et se dirigea vers la porte avec un sourire presque complice.

Meng Yao rougit jusqu'aux oreilles et remonta les couvertures sur lui, comprenant fort bien le message derrière l'installation de cette cuve. Mais quel homme, après sept ans de sommeil dans un cercueil lugubre et mal fréquenté, plusieurs heures de course à travers bois, soumis à une telle peur, pouvait garder une allure présentable ? Sa rapide toilette n'avait pas pu tout résoudre, et il resta muet de honte tout le temps du processus.

Il se redressa néanmoins au départ de Xichen, le cœur battant.

— Je reviendrai, assura ce dernier, une nouvelle fois.

Xichen referma doucement la porte derrière lui et resta immobile quelques instant, son corps refusant tout simplement de bouger, mortifié d'inquiétude et de doute. Il inspira profondément, avant de se remettre en route pour rejoindre ceux qui l'attendaient.

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