Chapitre 26

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Aveuglé par la bâche qui recouvrait sa prison mobile, Meng Yao trouva dans ses résolutions une nouvelle force. Il laissa filer ses quelques larmes traitresses et se ressaisit. Il ne donnerait à personne l'occasion de rire de lui. Ses ennemis, passés ou présents, pouvaient tous aller moisir en enfer, lui se chargerait de réhabiliter son âme, s'il en avait l'occasion. Il sentit malgré tout son cœur battre plus vite, au fur et à mesure que leur allure ralentissait, annonçant leur arrivée prochaine.

Meng Yao se demanda si les cultivants qui avaient tenté de le retenir il y a quelque temps de cela, lorsqu'il fuyait ce temple lugubre, seraient encore en faction. Sans doute pas, maintenant qu'ils avaient un enterré de moins à surveiller.

Nie Huaisang et Wei Wuxian seraient probablement déjà sur place, à moins que quelque chose ne les retienne en chemin, mais cela ne le rassura que moyennement. Il se doutait qu'en le voyant ici, ni l'un ni l'autre de ces deux hommes ne lui accorderait grand crédit. Ils le jugeraient sans doute rapidement complice de ceux qui l'avaient kidnappé, et coupable de trahison.

Il ne pouvait compter que sur lui-même, mais il possédait un atout dont ses ravisseurs n'imaginaient pas la puissance : il n'avait rien à perdre et n'éprouvait aucune crainte à l'idée de mourir ! Il y avait pire destinée que celle de mourir pour sauver un être cher.

Lorsque la carriole s'arrêta, quelqu'un retira la bâche d'un geste ample. On le sortit sans ménagement de la cage, avant de le bâillonner et de ligoter ses mains dans son dos, avec un peu plus de force que nécessaire. Meng Yao observa autour de lui l'épaisse forêt que, sans surprise, il ne reconnut pas. Sa dernière visite dans les parages, bien que récente, ne lui avait guère laissé l'occasion ni l'envie de jouer les touristes.

Une main entre ses omoplates le força à s'agenouiller entre d'épais taillis, et on le maintint ainsi en enserrant son bras d'une poigne ferme, presque douloureuse. Le message était clair : le moindre mouvement, la moindre tentative de fuite, seraient fermement réprimés. Tandis que les criminels observaient les alentours, Meng Yao fit de même, guettant les bruits autour d'eux par-dessus les tambourinements de son cœur.

Un homme se faufila à leur rencontre, à travers les branchages, et murmura à l'intention des cultivants en embuscade des paroles que Meng Yao ne put entendre. Il devina au sourire mauvais de son geôlier que les nouvelles lui paraissaient bonnes, et on le poussa pour le remettre debout et le faire avancer. Le malotru derrière lui tenait sa tunique si fort entre ses poings, que Meng Yao avait parfois la sensation d'être soulevé du sol.

Son corps se tendait de plus en plus, chaque fibre de son être reconnaissant d'instinct le danger, comme si lui et le cadavre enfermé là étaient encore liés d'une quelconque manière. Alors qu'ils émergeaient de la forêt dans la clairière maudite, un rugissement féroce retentit, assourdi par les murs du temple, et il en éprouva autant de répulsion que ses tortionnaires du plaisir, à en croire leur rictus. Il eut malgré tout la satisfaction d'en voir certains marquer le pas et échanger des regards indécis.

La bile remonta dans sa gorge, lorsqu'on le força à enjamber des corps allongés au sol. Les hommes censés garder le tombeau ne gardaient plus grand-chose à l'heure actuelle, et il fouilla les sous-bois du regard en espérant y découvrir des combats, n'importe quelle activité pouvant suggérer que tout n'était pas perdu.

— Personne ne viendra. Et si quelqu'un devait venir, on le recevrait.

Meng Yao ne répondit rien et continua d'avancer, contraint et forcé, vers le temple.

— Bien ! fit Zhang Min, le dirigeant de leur groupe. Nous y voilà.

Il récupéra Meng Yao, en le tenant de la même manière que son complice, par le dos de sa tunique, comme s'il était une sorte d'animal nauséabond et irritant. Il balaya d'un regard les cultivants regroupés autour de lui, avant de reprendre :

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