Chapitre 11

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Meng Yao n'avait aucune idée du temps qui s'était écoulé, depuis le départ de Lan Huan, il savait juste que c'était depuis longtemps. Beaucoup trop longtemps ! Les nuits et les jours se succédaient, sans qu'aucun d'eux ne lui apporte jamais de nouvelles de celui qui avait promis de revenir le chercher.

Au début, il avait trouvé l'attente amusante. Il s'était beaucoup occupé de lui, comme Lan Huan lui-même le lui avait discrètement suggéré, en lui faisant couler un bain avant de partir. Ce jour-là, il s'était assuré de voir sa silhouette élancée disparaître derrière la colline, avant de se glisser tout doucement dans l'eau tiède, en prenant soin de ne pas mouiller ses bandages.

Il eut alors l'idée de se mirer dans l'eau du bain, et vit pour la première fois à quoi il ressemblait.

C'est donc ainsi que tu es ?

Tout aussi trouble et imparfait que fût son miroir, il trouva agréable son reflet. Un visage aux trait fins et aux pommettes saillantes, les joues trouées de fossettes. Il le caressa du bout des doigts, comme s'il s'était agi de celui d'un autre. Il parcourut ses tempes, les arêtes de son nez, ses lèvres minces, son menton pointu...

Tu es plutôt beau garçon, je me demande ce que tu pouvais bien faire dans la vie...

Bientôt, son imagination s'envola à la recherche d'une autre physionomie. Et en fermant les yeux, il s'aperçut qu'il pouvait voir celui qu'il n'osait encore appeler « son bien-aimé ». Son front large, signe d'intelligence. Son nez fort et droit. Et surtout, ses lèvres pulpeuses...L'image qui lui vint juste après le remplit de honte, et il décida d'interrompre là ses ablutions !

Le jour suivant, Meng Yao versa un peu de lait d'ânesse, trouvé dans un flacon en jade, dans l'eau de son bain. Les dernières rugosités qui marquaient encore sa peau se délayèrent dans la puissante lotion animale, et au sortir de l'eau, son épiderme avait la douceur du satin. Le jour encore d'après, ou peut-être le précédent, toutes ses écorchures avaient fini de cicatriser. Et même la plaie qui défigurait son ventre était en train de se refermer.

À partir de cet instant, Meng Yao dans sa hutte commença à piaffer. Il ouvrit le coffre en bois, qui contenait des vêtements, et choisit une robe blanche en mousseline de soie bordée de passementerie pourpre, qui lui plaisait particulièrement. Il avait découvert qu'il était coquet, et une fois qu'il eut enfilé sa tenue du jour, il se coiffa avec soin, retenant ses longs cheveux noirs avec des peignes en écaille. Il s'employa ensuite à repriser tous les hanfus endommagés qu'il trouva. Hélas, il n'y en avait pas tant, apparemment leurs propriétaires étaient plutôt soigneux.

L'heure d'après, la maison avait été briquée du sol au plafond, et Meng Yao commença à trouver le temps vraiment long... Il ignorait encore qu'à plusieurs lieues de là, au-delà des collines, de la rivière et des rochers, Xichen et son neveu s'apprêtaient à entreprendre leur voyage.

***************

— Alors, demanda l'aîné au jeune novice. Prêt ?

— Bien sûr, Zewu-Jun ! certifia Sizhui. Il me tarde d'y être !

Xichen plongea la main dans sa bourse qiankun et en sortit un talisman bleu foncé, qu'il tendit au jeune homme.

— Voici notre sauf-conduit pour l'aventure ! annonça-t-il gaiement. Souviens-toi de rassembler le plus d'énergie spirituelle que tu peux. Nous nous reposerons, une fois arrivés à destination.

— C'est entendu, Zewu-Jun ! fit Sizhui, au comble de l'excitation.

Ils se rapprochèrent tous les deux. Puis Sizhui jeta le talisman au sol comme Xichen le lui avait appris, et ce dernier se mit à s'embraser, émettant de grandes flammes bleutées qui les engloutirent, les transportant à la vitesse du son, vers un lieu inconnu...

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