Chapitre 23

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Meng Yao se réveilla, tenaillé par la nausée et souffrant d'un mal de crâne lancinant. On lui avait sommairement lié les mains dans le dos, et la douleur de son poignet brisé irradiait jusqu'à son épaule. Il avait été jeté en travers d'un cheval qui galopait à vive allure, le ballottant comme un bagage de piètre valeur.

La nuit était sombre, et il peinait à relever la tête pour regarder autour de lui. Le cultivant qui menait sa monture avec fermeté s'aperçut de son réveil et le menaça d'une voix mauvaise.

— Reste tranquille. Pour l'heure, nous avons besoin de toi vivant, mais entre vivant et mort, il y a nombre de situations possibles. Et aucune de celles que je prévois ne te serait agréable.

— Que me voulez-vous ? interrogea Meng Yao sans obtenir la moindre réponse.

Il envisagea un instant de les menacer, de leur assurer que Zewu-Jun se lancerait bientôt à leur poursuite, qu'il viendrait pour lui... mais se retint de rappeler à ces hommes ce qu'ils savaient déjà fort bien, sans nul doute.

Le voyage lui parut interminable. Mais lorsqu'ils ralentirent l'allure pour s'engouffrer dans la cour d'une ferme, avant d'en rabattre les lourdes portes en bois, il ne se sentit pas soulagé pour autant. Le cavalier descendit prestement, puis le déchargea, tel un sac de grains. Il le reposa avec brusquerie et le poussa devant lui, en appuyant sur ses bras noués.

Ses jambes faibles peinèrent à le supporter, et la douleur n'aidait en rien, mais il parvint à arpenter les quelques mètres jusqu'à la bâtisse. On le jeta sans ménagement dans une pièce sans fenêtre probablement dédiée aux réserves, avant de refermer l'huis sur lui, l'abandonnant dans le noir, toujours ligoté.

Il lui fut impossible de savoir combien de temps on le laissa seul ainsi, mais il l'utilisa pour mettre en pratique les techniques que lui avait montrées Lan Huan, pour tâcher de recouvrer un peu d'énergie et soigner son poignet. Surtout, effectuer ce rituel lui donnait l'impression de maintenir un lien avec Zewu-Jun : en mettant à profit son apprentissage, il le sentait presque à ses côtés.

Lorsqu'on vint le chercher de nouveau, son état n'était pas encore des meilleurs, mais il ne se sentait plus sur le point de s'évanouir. On le poussa hors de la pièce, où il garda le silence, conscient que cette brutalité inutile dans les gestes de ces hommes démontrait leur désir profond de lui faire mal, et il ne tenait pas à leur donner des raisons supplémentaires d'y céder.

Il les étudia tour à tour en silence, se demandant s'il avait provoqué la mort d'un de leurs proches, ou suscité leur malheur d'une manière ou d'une autre... Leurs regards brûlaient d'une lueur mauvaise, promesse de mille tourments. Il eut alors la conviction que ces individus souhaitaient le voir souffrir, mais qu'au-delà de cela, ils avaient besoin de lui. Si tel n'avait pas été le cas, son sort aurait été plus douloureux encore. Il ne devait de rester en vie – et entier – que pour un projet quelconque, que l'un des hommes exposa succinctement :

— Nous voulons récupérer l'amulette.

Le cœur de Meng Yao rata un battement. Pour tout autre chose, il aurait pu négocier, menacer peut-être... ou juste attendre qu'on vienne le secourir. Mais le sort de l'amulette ne permettait rien de tout cela. Quoi qu'il lui en coûte, il ne pouvait tergiverser sur le sujet : cette amulette devait rester là où elle était, pour que Nie Huaisang et le Patriarche Yiling puissent la retrouver et l'emporter, afin de sauver Jin Ling !

Il aurait voulu ironiser, leur indiquer qu'elle se trouvait dans la troisième pièce, dernier tombeau à gauche, mais il n'avait pas l'aplomb d'un Wei Wuxian et se savait grandement diminué depuis son ancienne vie, sans compter les dernières heures endurées.

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