H&K

18~ Kira

          - Tu boudes encore ? Demande Hari.

          - J'aime pas tout ça. Et puis la connexion dérange. Les appels vidéos c'est de la merde.

          - Tu as dit un gros mot, dit-il d'un air amusé.

         Je lui fais un doigt d'honneur.

          - Et là, j'ai fait un gros geste ? Demandé-je agacé.

          - Tu me manques Kira.

          - Bah t'as qu'à rentrer. Ça fait déjà quatre mois !

          - Bientôt promis.

          - C'est ce que t'as dit il y'a un mois.

***************

        Ça va faire six mois maintenant. Six mois que mon meilleur ami est parti. On se parle de moins en moins. On est chacun très occupé et c'est pas facile de se joindre.

         J'en serais morte de tristesse s'il n'y avait pas tous ces enfants dont je suis fière de m'en occuper. Tout se passe pour le mieux à l'orphelinat. Je suis très proche des enfants. Je veille à ce qu'on prenne bien soin de chacun d'entre eux. Je suis fière de les voir heureux. J'aurais au moins fait quelque chose de bien dans ce monde.

         Je regarde les enfants jouer dans le petit parc de l'orphelinat lorsqu'une personne qui m'insupporte se place à côté de moi. Je devrais lui interdire l'accès à cet orphelinat.

       - Salut Kira! Belle journée ? Demande Adam.

        - Jusqu'à ce que tu arrives, oui.

      Il soupire. Je dois vraiment l'agacer. Peu importe le nombre de fois où il a essayé de bien se comporter avec moi, je l'ai toujours mal traité. Mais bon, je n'arrive juste pas à ne plus lui en vouloir. Qu'est-ce qui me prouve qu'il est sincère ? Il m'a trahi par le passé et je n'arrive pas à lui faire confiance à nouveau.

         - Bon, faudrait peut-être qu'on en parle une bonne fois pour toute, s'énerve t-il.

        Je le toise d'un air désintéressé. Il sait à qui il parle ? Je détourne le regard sans lui adresser un mot.

           - Kira, ça va faire sept ans maintenant qu'on ne se supporte pas. Chacun de nous est persuadé d'avoir raison mais si je dois te côtoyer j'aimerais bien qu'on éclaircisse les choses, dit-il plus calmement.

         J'essaie de garder mon calme. Me cotoyer ? Faut qu'il s'éloigne et vite avant que je ne m'enerve.

           - Je ne t'ai jamais demandé de me cotoyer. Je n'ai pas besoin de toi dans ma vie. Tu peux déguerpir quand tu veux.

            - c'est vrai, tu ne m'as rien demandé. Mais Harisson l'a fait. Il m'a demandé de veiller sur toi et c'est ce que j'essaie de faire depuis six mois. Et laisse moi te dire que ça ne me dérange pas.

            Je commence à m'ennuyer.  J'ai faim en plus. Je devrais aller me chercher à manger.

           Je tourne les talons prête à partir.

        - Il y'a sept ans je t'ai abandonné et je m'en excuse.

         Je m'arrête et me tourne lentement pour lui faire face. Il n'a jamais prit la peine de s'excuser. Pas que ça me tenait à cœur mais c'était la moindre des choses.

         - Mais comprends moi. Tu avais changé. Je ne reconnaissais pas la Kira que j'aimais.

          - Je n'avais plus rien. J'étais mise à l'écart. J'avais besoin de ton soutien. Je t'aimais. C'était près de toi que je trouvais refuge. Je pouvais être une véritable peste mais tu ne faisais rien pour m'aider. Tu n'as pas vu ma détresse, tu n'as pas vu que j'étais au bord du gouffre, tu n'as pas vu que j'étais en train de mourir de l'intérieur, tu n'as simplement pas cherché à m'aider. Tu m'as lâchement abandonné, tu me voyais et me traitait comme une parfaite inconnue. Tu n'as pas compris que ton attitude me tuait encore plus. Tu disais m'aimer mais au moment où j'avais le plus besoin de toi tu m'as tourné le dos. Et tu voudrais que j'essaye de te comprendre ?

          J'ai mes bras croisés sur ma poitrine. Je l'observe attendant une réponse. Je ne me suis pas emporté. Son attitude ne m'atteint plus désormais. Quand j'ai guéri, j'ai guéri de tout. Je ne lui en veux même plus mais je ne l'ai jamais vraiment pardonné. Je ne voulais plus de lui dans ma vie c'est tout. Il a été longtemps une personne toxique pour moi et désormais il n'a plus aucune valeur à mes yeux.

          - Tu as raison. Je n'ai jamais vraiment vu les choses comme ça et pourtant Harisson a essayé de me faire entendre raison. Je n'ai jamais vu ce qu'il voyait. Il a été là alors que je t'avais abandonné.

         Il soupire.

           - Je me suis toujours demandé pourquoi subitement il s'était intéressé à toi? Mais j'ai compris maintenant.

          Je fronce les sourcils. Je ne me suis jamais posé la question. C'est vrai, au lycée, quand tout allait encore bien, quand j'avais mes parents et mon petit ami Adam, Hari et moi étions de parfait inconnu l'un pour l'autre. Ou plutôt pour moi. À l'époque déjà il était l'ami d'Adam. Mais je ne connaissais pas tout ses amis. Il ne m'avait jamais présenté aucun d'entre eux. Ah mais on était pas dans la même école. On était dans deux lycées différents lui et moi. Hari est arrivé dans notre lycée l'année où j'ai tout perdu. Il était le seul à ne pas me connaître. C'était un parfait inconnu.

         - Je crois même qu'il ignorait que c'était toi m'a petite amie. Et vu comment tu avais changé, j'avais même honte de lui dire que c'était toi. Je le voyais à distance aller vers toi. Ton caractère enflammé lui plaisait bien je suppose. On avait beau lui dire que tu étais insupportable, il ne nous écoutait pas. Il me disait voir une fille qui avait besoin qu'on la traite comme n'importe qui, pas qu'on éprouve de la pitié pour elle. Il disait voir un être fragile et pourtant plus fort que n'importe qui. Tu sortais du lot pour lui mais pas pour moi. Je me disais qu'il fallait avoir ses yeux pour voir ce qu'il voyait.

          Je ne comprends même pas comment il a fait pour me supporter pendant tout ce temps. C'est certainement sur lui que j'ai déversé le plus ma haine et ma douleur. Je sens les larmes me monté. Voilà l'effet Adam, il m'affaiblit.  Je serre mes points.

          - J'ai été un vrai salop, ricane t-il. Pardonne moi Kira, s'il te plaît.

          - C'est fait ne t'inquiètes pas.

         Il me regarde les yeux exorbités. Bah quoi? Je ne suis pas constamment mauvaise.

           - Bon, c'est pas tout ça mais j'ai faim.

           - Je... t'invite à dîner ? Propose t-il.

           - Si tu veux. Mais j'espère que t'as suffisamment d'argent. Je mange beaucoup et bien, si tu vois ce que je dire.

          Il rit nerveusement. Je lui tourne le dos et me met à marcher. Il me rattrape et nous quittons l'orphelinat ensemble. Je me sens bien aujourd'hui.