Chapitre 3

373 25 10
                                    

Un rayon de lumière aveuglant traversa les fines paupières d'Atsumu, qui entrouvrit les yeux contre son gré. A travers sa vue brouillée de cils, il distingua les contours d'un visage humain à seulement quelques centimètres du sien. La surprise mêlée d'effroi qui lui serra subitement le cœur s'extériorisa par un petit cri aigu - dont il rougirait très certainement par la suite. Deux grands yeux dorés le dévisageaient avec inquiétude et il se recula tant bien que mal sur son assise, prit d'une soudaine panique.

- Ah oui effectivement, t'as bien dégusté !

Mais Atsumu ne ressentit qu'à peine la douleur qui irradiait son nez, trop occupé à remettre de l'ordre dans son esprit. Où était-il, au juste ? Et qui était cet homme dont l'haleine chaude s'écrasait encore sur son visage, malgré la distance qu'il avait instauré ? Il se souvenait encore fraîchement de son frère le tenant par le col, alors qu'un filet de sang s'écoulait de son nez et sucrait ses lèvres. L'image vague des sourcils froncés de Kita se rappela également à son bon souvenir, ainsi que la myriade de gouttes de sang qui s'écrasait sur le carrelage - et de ses chocapics du matin qui lui avaient paru d'autant plus savoureuses qu'elles étaient les rares rescapées du passage d'Osamu le glouton ; puis plus rien. Le vide, le néant, un véritable trou, de ceux qui vous obsèdent et vous forcent à fouiller désespérément dans chaque recoin de votre mémoire, jusqu'à ce que la frustration vous consume et que la morosité hante vos cendres.

- Qui êtes-vous ? Demanda-t-il après un long échange de regard.

La mâchoire du mordoré heurta le sol alors que ses yeux s'écarquillaient de plusieurs centimètres. Atsumu ne sut que dire pour briser le silence pesant qui s'en suivit, mais il se ravisa bien vite, car, tout bien considéré, le mutisme de son vis-à-vis lui offrait un sympathique instant de calme où il pouvait tranquillement réorganiser ses idées. Il s'empressa donc de saisir cette chance qui s'offrait à lui, l'employant à se pincer violemment un carré de peau, ce qui n'eut pour conséquence qu'accroître son désespoir et lui arracher un gémissement de douleur. Mais par dessus tout, lorsque son taiseux interlocuteur esquissa un mouvement et recouvrit pleinement ses esprits, il se mordit férocement les doigts d'avoir effectué un geste si peu considéré.

- Tu m'épateras toujours, Tsum ! J'ai bien failli y croire !

Atsumu n'eut pas le temps de répliquer, ni même de se demander comment cet inconnu connaissait son prénom. Non, la seule pensée qui lui traversa l'esprit, d'un registre plus outré, fut la suivante : « Comment ose-t-il m'appeler Tsum ?». Il baragouina dans le vide durant plusieurs secondes, complétant sa non-parole par des gestes sans queue ni tête. Son vis-à-vis l'observait avec un profond intérêt, et tout son être semblait contribuer au décryptage de l'indéchiffrable – et néanmoins mystérieux – charabia gestuel.

- Une chouette ? Nan, nan, attend, je sais ! Un pingouin ! Non, toujours pas ?

Le gris se mit à formuler toutes les pensées qui lui venaient à l'esprit, sans se soucier de leur cohérence entre elles. Ainsi passa-t-il d'un pingouin à une fée, et d'une fée à une casserole. L'expression « passer du coq à l'âne » - et, en l'occurrence, du pingouin à la fée – prit tout son sens en cet instant précis, alors qu'Atsumu faisait tout bonnement une crise de panique ; mais ses gestes d'affolement étaient interprétés d'une façon on ne peut plus erronée – et cocasse, avouons-le tant qu'Atsumu ne peut pas nous lire - par son interlocuteur, qui, pendu à ses lèvres, semblait follement s'amuser à ce qu'il pensait être des devinettes.

Soudain, un petit « ploc » retentit à quelques pas d'eux, et un jeune homme aux cheveux épineux apparu sous leurs yeux brillants – de larmes, pour ce qui est Atsumu. Le nouveau venu les dévisagea d'un air perplexe, puis soupira en se pinçant l'arrête nasale.

🌻 50 nuances d'évanouissement 🌻 || Atsuhina ||Où les histoires vivent. Découvrez maintenant