Chapitre 10 (enfin !)

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 Sortir Bokuto de la salle de classe adjacente fut une mission d'un tout autre calibre. Atsumu n'aurait jamais cru que le gris pouvait être un élève si studieux, qui, armé d'un stylo rose pailleté recouvert d'une étiquette du même gabarie signée Oikawa, couchait avidement les moindres paroles du professeur sur sa copie grands carreaux. Lorsque la petite bande entra dans la grande pièce, il ne leur lança pas même un regard et le stylo continua sa course effrénée sur le papier, renversant uniquement la nuque pour adresser quelques mots rapides à son voisin de derrière. L'indifférence du gris ne fit cependant pas l'unanimité, car une myriades de paires d'yeux assaillirent les nouveaux venus sitôt eurent-ils franchi le seuil de la porte.

- Vous désirez ? Demanda une jeune femme au doux sourire en s'avançant à leur rencontre.

- Bokuto, et un mot pour l'infirmerie.

- Je suis navrée, mais nous sommes en plein cours. Repassez dans une demi-heure.

- Bon, puisque vous ne coopérez pas.

Mika enfonça d'un coup sec son épée dans le sein de son interlocutrice. A peine son regard horrifié sombrait dans l'abîme du renfoncement béant creusé dans sa poitrine voluptueuse, qu'elle tomba à genoux. Ses forces  englouties par la plaie, les yeux roulant fiévreusement dans leurs orbites, à l'instar d'une toupie, la jeune femme heurta lourdement le planché. Atsumu, mortifié, se précipita à son chevet pour pincer son poignet, le pressant sans vergogne ; enfin, la pointe de ses doigts vibra sous un fébrile battement de cœur, qui se confondit aussitôt avec le silence.

- Saperlipopette, Mika ! Je t'ai déjà dit que mes pouvoirs ont une limite, qui ne tardera pas à être franchie si tu continues à tuer des gens à la pelle.

Yachi fulminait, dégageant la fautive de son passage d'un brusque coup d'épaule. S'accroupissant délicatement près du visage de la victime, elle amorça le tendre geste de venir farfouiller dans sa chevelure brune... pour arracher violemment un des nombreux cheveux bouclés. Sous les yeux effarés des étudiants, et en particulier de Bokuto, qui tentait désespérément de se remettre au goût du jour, la blonde déposa le cheveu sur une poupée de paille aux membres, proportionnellement parlant, démesurés, et aux lambeaux de vêtements roses précairement soudés par un bout de scotch pailleté – décidément, Oikawa semblait mettre un point d'honneur à laisser sa marque un peu partout, y compris dans les endroits les plus improbables. 

Consultant du coin de l'œil l'envergure de la blessure, Yachi pointa sa baguette en bois de sureau sous le bras de la poupée, positionnant la pointe au millimètre près pour que les blessures concordent au maximum. Le bout de sa langue rosée se fraya un passage entre ses fines lèvres, soulignant d'autant plus son extrême concentration. Puis elle sourit et, sans crier gare, de petites étincelles bleues naquirent du parfait terreau qu'était la paille jaunie et légèrement humide, nota Atsumu en avisant la caractéristique reluisance des brins. Les flammes bleues crépitantes dévorèrent le moindre centimètre carré, complètement incontrôlables. Par mesure préventive, Atsumu recula d'un bon mètre, maîtrisant admirablement la peur qui venait sournoisement lécher le rivage de son sang froid prédestiné à l'agitation, le menaçant davantage que le feu lui-même.

Enfin, Yachi écrasa sans le moindre signe de douleur sa paume contre le feu. Jugeant son œuvre d'un œil critique, ses oreilles fumèrent soudainement et son teint de porcelaine tourna au cireux lorsqu'elle sentit le poids de dizaines de regards sur ses épaules. La cadence s'accentua d'autant plus et c'est d'un geste empressé qu'elle fit disparaître les dégâts et tapota sans douceur l'épaule de la femme.

Atsumu la dévisagea tandis que ses paupières cessaient d'entraver le rayon azur qu'était son regard et qu'elle relevait lentement le buste, déboussolée.

- Nous allons emmené Bokuto, et vous continuerez votre cours comme si rien ne s'était passé. Et vous certifierez à l'administration qu'il est parti à l'infirmerie à cause d'une blessure bénigne, mais qui l'obligera à s'absenter aujourd'hui et demain.

Tel un parfait petit robot obéissant, la femme se releva avec une agilité déconcertante compte tenu de son état antérieur et, s'adressant à Oikawa :

- Oh, tient ! Vous tombez à pique. Voulez-vous bien accompagner Bokuto à l'infirmerie ?

Le châtain sourit et, jouant son rôle à merveille, acquiesça d'une manière dès plus naturelle. Bokuto, contraint et forcé, rassembla ses affaires et descendit amèrement l'escalier jusqu'à la porte, qu'il franchit sans daigner jeter un regard à ses amis. Yachi prit congé de sa main malencontreusement enduite de suie, mais la professeure s'en détourna comme si de rien n'était, reprenant son cours là où on l'avait violemment   interrompu.

Dans les couloirs mal insonorisés, la tempête Bokuto se déchaîna tour à tour sur eux. Ainsi, chacun se vit attribuer une remarque sanglante, y compris Atsumu, pour qui le gris dut déployer son imagination sans borne afin de trouver la meilleur remontrance - qui laissait malgré tout ses efforts un arrière-goût de tiré-par-les-cheveux. 

- Vous me désespérez, tous autant que vous êtes !

Relevant tout particulièrement l'ironie de la situation, Iwaizumi gonfla les joues pour contenir son éclat de rire. Oikawa, qui était moins touché par l'importance de préserver l'harmonie entre paire, et dont, à plus grande échelle, le caractère était moins forgé par les années d'expériences que son meilleur ami, signala aussitôt son courroux – maniant lui-même l'ironie comme personne, il n'avait pourtant jamais été capable de discerner cette flexion singulière dans le ton de qui que soit – par un claquement de langue dédaigneux.

- Ecoute-nous Bokuto, au lieu de t'emporter ! Râla Kuroo qui témoignait sans cesse une patience inouïe envers son « bro' ».

Le gris soupira et, fléchissant de plus en plus, se tut pour la première fois depuis leur sortie.

- Allons d'abord chez Kenma, comme ça on fera d'une pierre deux coups, fit astucieusement remarquer Atsumu.

- Il ne va pas être content, répondit Hinata en triturant pensivement l'une de ses plumes de jais.

- On va avoir besoins de lui, et surtout de ses talents.

Iwaizumi calcula, dans un recoin de sa tête, le nombre de jours restant jusqu'à l'apparition tant attendue de l'astre lunaire dans sa globalité

- Pas tant que ça, Hinata. Il reste deux jours avant la pleine lune, ça devrait le faire. Et puis, il est tellement prévoyant et organisé qu'il a déjà du tout préparer il y a de cela une semaine.

Le rouquin conserva le silence. C'était donc décidé.  


Note :

Je tenais encore une fois à m'excuser pour ce retard colossal. Ces derniers temps, la motivation m'a fait défaut dans plusieurs domaines. Ce chapitre est court, mais le suivant est déjà en route. Permettez-moi de vous remercier à nouveau pour votre fidélité et votre patience.

Prenez soin de vous, et profitez bien de vos vacances ! 

🌻 50 nuances d'évanouissement 🌻 || Atsuhina ||Où les histoires vivent. Découvrez maintenant