Chapitre 15

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- Atsumu, tout doux, par pitié, n'abîme pas ces belles mèches rousses...! Se joignirent au chœur effrayé du train aux trois vaguons les plus atypiques de l'univers, les sanglots d'Hinata secoué de soubresauts.

- Ne me dit pas de me calmer ! Cracha le blond en réaffirmant sa prise sur l'arme, dont la lame, à l'horizontal, vint recueillir les perles de sueur sécrétées par le front moite du rouquin. A mesure qu'elle se pressait un peu plus contre la trachée d'Hinata, les fronts devenaient plus moites, les yeux s'écarquillaient davantage et roulaient crescendo dans leurs orbites, les pupilles elles-même étaient atteintes par les tressautements, points de couleurs tressaillants sur un fond blanc. Alors le ravisseur, gagné on ne sait pour quoi par l'agitation générale, et agissant comme s'il n'en était point la cause, fut parcouru de long en large par des spasmes. A peine si Oikawa n'ouvrait pas une parenthèse entre ses élans dramatiquement épouvantés pour contempler la première crise d'épilepsie jamais exécutée verticalement. Une performance qui eut le don de capter l'attention d'autres paires d'yeux roulantes, clignotantes et débridées.

Parce que deux autres Atsumu étaient apparus au détour de l'imposant buste de Kuroo, formant une bifurcation à lui tout seul, la fourchette d'un couteau suisse pressée contre la jugulaire du plus petit d'entre ces deux allèles d'un même modèle.

- Arf ! S'écria Hinata, soudain plus du tout intimidé. Plan I ! Akaashi, à toi !

- Mais vous êtes si désespérés que ça ? S'écria Oikawa juste avant qu'un homme saucissonné dans une cape noire de jais ne les évacue en poussant des feulements humanoïdes, les mâchoire serrées, postillonnant et jurant entre ses dents du bonheur.

Hinata, s'extirpant sans mal de l'emprise ramollie de son ravisseur factice, claqua des doigts et tripla parallèlement de volume, mesurant une fois le processus achevé plus d'un mètre quatre-vingt-dix, et décoiffant d'une main aux articulations rouillées ses cheveux noirs. Le troisième Atsumu – premier arrivé sur les lieux – se métamorphosa en un Kenma aussi placide qu'une planche de marbre. Notre protagoniste échappa la fourchette tout en un, qui se scratcha sur le carrelage, fissurant un carreau. En parfaite synchronisation, deux ailes corbeaux se déployèrent, s'essorèrent et s'étirèrent pour finalement battre la cadence sur un rythme binaire, décollant du sol.

- Kageyama, Sakusa, à vous !

Feu-Hinata se dévissa la nuque, dans l'intention de plonger ses prunelles dans celles d'Atsumu de ce monde. Il ne reçut qu'une aimable invitation pour aller « se faire voir », message jugulé par un second jeune homme qui abaissa fermement ce doigt outrageux.

- Il est majeur, il fait ce qu'il veut ! S'étrangla Atsumu en se sentant pris au piège.

- Il y a des lois à respecter ! Répliqua Sakusa, qui resserra son emprise sur le corps de son homologue.

- Celles de la bienséance ont périclité il y a des siècles !

Sakusa plaqua sa paume contre la bouche libertine – et catin – de sa victime. Kageyama dressa en sa direction un pouce reconnaissant, l'articulation creusée, courbant son doigt vers l'arrière à la manière d'une danseuse moyennement souple en plein échauffement. L'accusé de réception fut bref, et se résuma à un battement de cils circonspects.

Les ailes ré-apparurent dans leur champ de vision, et un faciès déterminé surmonté d'une touffe poile de carotte remit pied à terre. Il délogea la paume-baillon de Sakusa et cloua son regard dans celui noisette d'un Atsumu au bord de la syncope.

- Ça t'a fait mal, quand t'es tombé du ciel ? Dit-il pour unique défense, son venin habituel incrusté dans les gouttelettes de salive qui portèrent ces douces paroles jusqu'aux oreilles du rouquin.

- Ne te fatigue pas avec ces périphrases ; Satan, c'est plus court.

Notre protagoniste, écarté un peu plus tôt d'une violente secousse, se défraîchissant à présent dans une marre d'incompréhension, vit cette dernière atteindre son paroxysme. Leur Saint Paul devait très certainement se prénommer Saint Oikawa.

- Mika, maintenant ! Cria une voix encore étrangère de leur précédent dialogue.

Et la silhouette de Yachi se dessina derrière le rideau de pétales qu'elle jeta dans les airs. Et Mika emprunta son sillage. Et Satan déposa un genoux à terre. Et sortit un écrin de velours du néant. Et prononça des syllabes auxquelles Atsumu ne put attribuer aucun sens. Et son sosie fondit en larmes, en hoquets, en cris aigus. Et ils se passèrent mutuellement la tondeuse dans leur jardin buccale. Et Kenma leva haut les bras. Et Oikawa applaudit, puis demanda où l'on avait caché le corps de son cher et tendre. Et chacun se serra la main.

- C'était la plus endiablée batellerie de râteaux que j'ai jamais vu ! S'exclama Bokuto, pendu au bras d'Akaashi.

- On dit roulage de pèles, le corrigea ce dernier.

Lorsque la nuit tomba, Hinata, enfin, parut apercevoir Atsumu. Il poussa un glouglou à mineur surprise et dominante scandalisée.

- Tu étais là ! Tout ce temps je t'aies cherché !

Il lui prit en coupe le visage.

- Je n'ai pas bougé, répliqua Atsumu d'une voix pateuse. Je ne comprends rien, tout est flous.

- C'est normal. Respire bien, et tends l'oreille : merci pour tout.

Il avisa le monde derrière ce visage lumineux, et reconnu son homologue, rouge et souriant. Il articula une parole, qui probablement franchit le mur du son, car Atsumu ne l'entendit que bien après ces adieux déchirants.

- Est ce... est ce que quelqu'un peut aller chercher Oikawa ?

Hinata écarquilla les yeux, puis s'exclama :

- Que quelqu'un nous mande Oikawa, tout de suite !

Nouveau bond temporel. Atsumu rouvrit les yeux.

- Atsumu... non ! Gémissait sur un ton larmoyant Oikawa, telle une pleureuse de la Rome Antique, les mains fourragées dans ses cheveux.

Le petit être intérieur d'Atsumu s'empressa de colmater les rides de tristesse qui creusèrent son faciès, et fit couler une bonne benne de ciment qui figèrent ses traits au moment critique où ils allaient croqué une de ces expressions de mauvais acteur, avec une mineur d'ennui et une dominante d'embarras, voilant sa véritable réaction comme la cape de son sosie voilait son odeur de brûlé.

- Oikawa... Je sais que c'est toi, depuis le début...

Oikawa, pour toute réponse, effleura ses lèvres d'un mystérieux indexe.

- Oikawa...

Atsumu poussa un vagissement, à la frontière de l'étranglement et du borborygme. Le châtain comprit aussitôt. Oikawa,emplie de confiance et de certitudes, se mit à haleter, suant comme un bœuf devant évacuer le jus de son melon gonflant. Et le melon conservait sa structure épaisse, striée de bandes plus foncées, et le jus était une sorte de legs, de geste magnanime envers le tinté, qui, il l'avait bien vu, se refuserait à mendier une bouffée d'oxygène. Il voulut lui transmettre un peu de se jus en secouant comme un prunier son avant-bras aux poils clairs perlés de cet élixir juste au dessus de ses lèvres entrouvertes.

- Mais tu fais quoi là ? S'époumona le blond, jetant par la fenêtre ses dernières forces.

Et nouveau tumulte : Oikawa se transforma en une barre chocolatée criant à tout va « O-lait ». Et la clarinette qui l'accompagnait poussa un terrible canard.

Atsumu s'était évanouis.


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Avant dernier chapitre, absolument du grand n'importe quoi !  Demandez-moi si vous ne comprenez pas, ou bénissez moi simplement d'avoir précisé avec des "-" de quel Atsumu je parlais hahahahahahaha. Que voulez-vous, c'est très dur pour moi de traduire les évènements d'un monde parallèle si éloigné du notre !

🌻 50 nuances d'évanouissement 🌻 || Atsuhina ||Où les histoires vivent. Découvrez maintenant