Chapitre 4

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- Bon, on t'accompagne, mais tu devras parler seul. Alors pas de folies, ok ?

Bokuto approuva du chef, le front moite et les mains tremblantes. A ses côtés, Kuroo lui administra une chaude accolade, la joue droite empaquetée dans une compresse cotonneuse, vestige de son précédent instant d'égarement. Son compagnon dans l'infortune - autrement dit Oikawa - non plus n'était pas en reste et payait amèrement son manque d'emprise sur lui-même ; le nez recouvert d'un hématome et l'arcade sourcilière encroûtée, il fulminait sur un des lits excessivement blancs de l'infirmerie. Leur petite rixe n'était pas sans conséquence, mais la « bêtise » de Bokuto allait très certainement éclipser leur jouxte amicale et faire passer à la trappe les sentences habituelles - ou du moins était-ce l'idée sur laquelle s'appuyaient avec une affliction mal dissimulée les deux fautifs. D'un autre côté, la droiture coutumière d'Iwaizumi scellait sans aucun doute  leur sort, d'autant plus qu'il n'avait pas digéré le coup de la bousculade. La balance penchait finalement en faveur du noiraud, qui leur avait fait la promesse muette de négocier le pire blâme dont ils écoperaient de leur misérable existence. Et peu importait qu'Oikawa soit son meilleur ami auto-proclamé, ou que Kuroo soit son fidèle camarade. A la guerre comme à la guerre.

- Ne t'en tiens qu'à l'essentiel, et évite de parler trop fort.

A l'aide d'un élégant crachat et d'un mouchoir en dentelle, Iwaizumi s'attela à lustrer l'épaulière gauche de son armure, ternie par une tâche d'origine boueuse. Kuroo réajusta sa cape violette raisin et sa combinaison en toile marron Meuse – il tenait à la précision du nom exact des déclinaisons chromatiques, sans quoi son habit ne véhiculait plus aucun charme mystérieux. Bokuto, vêtu d'un uniforme semblable à celui du noiraud - à la seule différence que sa combinaison était grise -trépignait sur ses pieds, plus par anxiété que par excitation.

 La grande porte sculptée en marbre, devant laquelle ils attendaient depuis plusieurs minutes, s'ouvrit brusquement en poussant un grincement tonitruant. Elle livra passage à un homme d'âge mure et aux vapeurs de fumée qui l'accompagnaient. Une longue et fine cigarette en équilibre précaire à laa lisière de ses lèvres gercées, il baragouina quelques mots incompréhensibles en avançant le menton, puis il tendit une de ses paluches en direction d'Iwaizumi, qui la serra avec un petit sourire.

En silence, ils entrèrent dans l'immense pièce où trônait un bureau central proportionnel à la taille des lieux. Cinq chaises avaient été disposées en rang d'oignons face à lui, et les trois garçons prirent place derrière les dossiers en attendant que l'homme finisse d'écraser le bout de sa cigarette dans le cendrier en céramique. Puis il se laissa lourdement choir sur son fauteuil en cuir noir, et, en parfaite synchronisation, Bokuto, Iwaizumi et Kuroo s'assirent à leur tour, les épaules plaquées contre les dossiers et les mains fermement encrées dans les accoudoirs. L'homme sortit lentement une nouvelle cigarette d'une des poches intérieures de sa veste et gratta une allumette contre la semelle de sa chaussure.

- C'est rare que vous veniez me rendre visite, lâcha-t-il finalement tandis que des vapeurs de fumée s'élevaient de nouveau dans les airs.

- Nous sommes ici pour une affaire urgente, déclara Iwaizumi.

- Qui est ?

- Bokuto.

L'homme éclata de rire avant que ses mains, trahissant sa véritable humeur, n'agrippent furieusement le rebord de son bureau. Il se reprit néanmoins rapidement, ses mains auparavant fiévreusement harponnées au meuble desserrèrent lentement leur emprise pour retourner se coucher sur les genoux de leur propriétaire, et leva son regard perçant vers le visage exsangue du gris, qui se dandinait nerveusement sur son assise. Du bout de la langue, il fit lentement rouler sa cigarette le long de sa lèvre inférieur d'une commissure à l'autre et prit un air pensif. Puis, saisissant un classeur à l'extrémité de son bureau, il se mit à tourner fiévreusement du pouce les nombreux polycopiés, jusqu'à s'arrêter sur une fiche protégée par une enveloppe bleue. Il la sortit délicatement de sa membrane  et la déposa en face de lui.

🌻 50 nuances d'évanouissement 🌻 || Atsuhina ||Où les histoires vivent. Découvrez maintenant