Chapitre 8

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- Premièrement, tu t'en vas sans rien me dire pour te perdre dans les couloirs de l'Aile nord – même moi je ne suis jamais venu ici ! Secondo, tu dors ici, à même la pierre, sans te demander si ça ne pourrait pas nous alarmer de ne pas te voir rentrer de la nuit. Tertio... bon, il n'y a pas de troisième point, mais jamais deux sans trois, donc je vais bien finir par trouver. Dans tous les cas, tu es une vraie brêle.


Atsumu, accoudé contre le mur, retroussa la commissure de ses lèvres en un rictus irrité. Il avait été arraché des bras de Morphée par un Oikawa furibond, qui lui tapotait frénétiquement l'épaule du bout de sa baquette, s'enlisant à chaque fois un peu plus dans sa peau tendre et délicate. Après une brève introduction où Oikawa le semonça comme un polisson, il fit montre de sa faconde sans borne. Durant plusieurs minutes, et sans répéter deux fois de suite le même adjectif, il décrivit dans les moindres détails la colère qui l'habitait et la stupidité dont avait fait preuve le blond en disparaissant sans prévenir de la sorte. Il le chapitra une seconde fois. Une phrase, malgré tout, fut prononcée du bout des lèvres avec un brin de réticence pour exprimer la part de culpabilité qui lui revenait dans cette affaire, autrement dit, pour s'excuser.

Le blond ne put malheureusement pas savourer cet instant, car depuis son réveil subit, les souvenirs de la veille ressurgissaient tels une nuée de lucioles clignotantes, en une avalanche d'incertitudes, et il avait à présent l'esprit saturé par un un régime de questions. Une odeur de mandarine flottait dans l'air, se mélangeant avec le parfum de brûlé qui émanait du châtain. Ses glandes olfactives avaient déjà eu l'occasion d'expérimenter cette senteur, mixée avec les désagréables relents  médicinales qui collaient aux draps de l'infirmerie – en plus de sa sueur.

- Tu sens cette odeur de brûlé ? Questionna-t-il en relevant légèrement la tête pour inspirer profondément.

La réaction d'Oikawa ne se fit pas attendre. Il rougit furieusement, enterrant son visage sous son aisselle droite. Lorsqu'il refit surface, ce fut pour pousser un gémissement pathétique et se saucissonner dans sa cape verte, étirant chaque pan vers l'arrière.

- Est ce que... Est ce que ça sent encore ? Balbutia-t-il

- Non, c'est bon, mentit Atsumu dans un élan de pitié.

Le châtain se détendit, mais ses mains continuèrent de froisser le tissu.

- Pas un mot, c'est clair ?

Sa voix bourrée d'assurance souligna d'autant plus la panique qui l'avait envahi antérieurement.

- A la condition que tu m'en dises plus sur Atsumu Miya.

- Tu veux que je t'en dise plus sur toi ? Ricana mauvaisement Oikawa, mais ses mains qui se resserrèrent autour des voiles trahissaient la perte de son sang froid.

- Ne t'enfonce pas plus. Alors ?

Le châtain tenta d'esquisser un sourire, qui s'effaça aussitôt qu'il eut fleuri sur ses lèvres. Son regard parcouru l'espace tandis qu'il semblait peser le pour et le contre d'un pacte mettant en jeu sa dignité. Cette simple pensée fini tout compte fait par le décider, et il serra à reculons la mains moqueuse que lui tendit Atsumu.

- Bon, je t'écoute.

- Maintenant ?

- Oui.

Oikawa jeta un rapide coup d'œil à sa montre et soupira. Il s'assit en tailleur, démontrant son assentiment, et le sourire du blond s'élargit.

- J'ai rencontré Atsumu Miya la première semaine de ma rentrée en deuxième année. A l'époque il n'avait pas cette horrible teinture bon marché – un peu comme la tienne – qui occulte totalement le peu de charme qu'il a. Il avait un an de moins que moi mais il se pavanait déjà comme s'il savait tout. J'appréciais un peu plus son frère jumeau qui était en apparence plus calme et moins futile. Rapidement, Atsumu fit preuve d'un – ça se voit tant que ça que j'ai du mal à le dire ? - charisme à toute épreuve, accru par ses capacités indéniables . Je peux me permettre de dire ça car nous ne travaillons pas sur la même branche, donc je reste quand même le meilleur de mon secteur – même si je suis sur que je le battrai à plat de couture y compris sur son domaine. Il était le favori dans à peu près toutes les matières, du moins pendant les premiers mois ; car bien vite, les professeurs et les élèves prirent conscience de son air pompeux et de ses manières un peu trop confiantes. Toute l'attention se détourna alors vers Osamu, et Atsumu retourna à l'ombre des projecteurs. Étrangement, ça ne sembla pas l'affecter, car il continua à se surpasser, admiration ou non. Hinata Shouyou a, quant à lui - et c'est important -, fait son entrée deux ans après la mienne, soit un an après Atsumu. Il rayonnait de bonne humeur, et même s'il échouait quasiment partout, il avait un pouvoir véritablement incroyable. Une rareté qui attisait la concupiscence de certains. Il était un animorphe doué de pouvoirs, comme un magicien – quoique moins développés. Dans l'histoire de la magie, chaque animal à un symbole qui lui ait associé. Une propriété, disons. Shouyou-kun peut se transformer en corbeau, et le corbeau, d'après nos ancêtres, symbolisent la mort et la destruction. Mais rares sont ceux qui apprennent leurs cours d'histoire, et personne ne s'en rendit compte, mis à part moi, bien entendu. C'est là que tout se corse, alors accroche-toi. Shouyou-kun a un pouvoir, comme je te l'ai dit précédemment. Il sécrète l'odeur que l'on déteste le plus. Par exemple, moi, je sens une odeur de lavande – je hais la lavande – quand il est près de moi. C'est comme si, pour nous protéger du corbeau qui sommeil en lui, la nature l'avait entouré d'un barrière répulsive, propre à chacun. Au début ça l'isolait, mais il s'est rapidement fait des amis qui ont su faire fi de cet handicape. Atsumu l'a rencontré en même temps que moi, lors du banquet de bienvenu. En tout cas je l'imagine, car il ne lui accordait aucun regard. Shouyou-kun non plus d'ailleurs. Ils étaient tous les deux dans leur monde, sans se soucier de l'autre. Et puis le jour vint des épreuves magiques de fin d'année, une sorte de petite fête où on montre ce que l'on a appris. Shouyou-kun a brillé lors de ces épreuves, quasiment plus que moi – tu vois le niveau. Atsumu l'a regardé pour la première fois, et il semblerait qu'il ait été victime d'une espèce de coup de foudre. Il s'est mis à se rapprocher de Shouyou-kun, et à reprendre double portion de mandarines à la cantine – ça je ne saurai l'expliquer. A la fin, Hinata aussi s'est intéressé à lui, et finalement on pouvait les voir tous les jours collés par la hanche à se faire des messes basses. Plusieurs années passèrent, durant lesquelles Shouyou-kun déclina toutes les offres d'équipier magicien. C'est un cas particulier, alors il avait l'excuse de pouvoir très bien se subvenir seul avec ses propres pouvoirs – on pourrait dire qu'il était deux en un. Tout bascula il y a un an jours pour jours, quand Atsumu lui demanda de devenir sa paire. Je ne connais pas les détails, à vrai dire je l'ai appris comme tout le monde au moment où Shouyou-kun a perdu le contrôle de ses pouvoirs et a manqué de tuer Atsumu. On a ensuite compris qu'il avait refusé, qu'Atsumu s'était un peu emporté et que Shouyou-kun avait tiqué à la provocation. Cette épisode à mis fin à une amitié de plus de cinq ans, et depuis ils s'évitent comme la peste – ou du moins Atsumu, qui a commencé à déconner avec ses conquêtes. Voilà, fin de l'histoire.

Le châtain ponctua sa tirade d'un raclement de gorge mélodieux. 

- Ils s'aimaient ? Murmura le blond au terme de plusieurs secondes.

- A ton avis ?

Oikawa soupira en calant ses mèches rebelles derrière son oreille gauche.

- Quand as-tu dit qu'il revenait ?

- Ce soir, normalement.

Atsumu hocha la tête. Puis, avec la plus complète indifférence pour le récit corsé que lui avait servit le châtain sur un plateau d'argent, il se leva, dépoussiéra ses vêtements et se mit en marche. Il sentait le regard ahuri d'Oikawa lui picoter les muscles du dos. Lorsqu'un martèlement de pas retentit derrière lui et qu'une main s'abattit sur son épaule, il maintint admirablement sa placidité. 

- Attends, attends. Qu'est ce que tu fais ? Où est ce que tu vas ?

- Il faut que je trouve Kuroo et Bokuto. Et Iwaizumi aussi.

- Ils sont en cours à l'heure qu'il est.

Atsumu haussa un sourcil en lui dédicaçant une œillade significative, qui ajouta une nouvelle tinte aux pommettes du magicien.

- J'ai été dispensé, juste pour toi.

- Qui t'a autorisé ?

- Moi. Je suis mon seul maître. De toute manière je suis en avance sur le programme.

- Tu ne penses pas que tu pourrais également leur délivrer une dispense ?

Cette phrase à elle seule sembla planter une graine d'excitation sur les lèvres du châtain qui dut les pincer pour avorter son sourire naissant.

- Peut-être, ça dépend de ton plan. Tu penses à quelque chose non ?

- Tu penses sincèrement que je suis ici par hasard ?

Le sourire germa finalement et le châtain rit en avisant l'air déterminé de son voisin.

- Pourquoi veux-tu faire ça ? Ce ne sont pas tes affaires.

Il ne répondit pas et Oikawa eut l'air d'approuver, car il n'insista pas et tourna vers les fenêtres défilantes un regard pensif. L'odeur de brûlé avait disparu.

🌻 50 nuances d'évanouissement 🌻 || Atsuhina ||Où les histoires vivent. Découvrez maintenant