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Je ne reprends mes esprits que une heure et demie plus tard. Au départ, je sens une légère houle, comme si j'étais bercée par les vagues. Puis j'entendis des bruits de pas, des voix. La lumière était perçante, même à travers mes paupières. Quelle chaleur...
—Elle se réveille. Hey, Kat.
C'est à moi qu'on parle ? Sûrement. J'ouvre doucement les yeux pour tenter de m'habituer à la lumière rouge du ciel, mais je ne fais que me brûler la rétine. Il fait humide en ce moment. Où suis-je ?
—Tu nous entend ? me demande une voix. Fronce les sourcils si oui.
Je vais suivre ce que me dis cette voix agréable. Je fronce le front.
—Cool. On est bientôt arrivés à la place du Bifröst. Heimdall va pouvoir nous récupérer, tu vas retrouver...
—Loki !
Son nom était sorti sans que je n'ai pu y réfléchir. Comment j'ai pu l'oublier ? J'ouvre les yeux en prenant une grande inspiration. Ce sont Thor et Steve qui portent mon brancard de fortune. Une goutte tombe sur mon front.
—La bête...
Les souvenirs reviennent. Quel cauchemar c'était... Des gouttes écarlates tombent du ciel. La pluie. On dirait du sang. Le sol devient boueux. C'est fou, je n'aurais jamais cru que ce monde pouvait connaître l'eau. C'est si sec...
—On arrive dans les saisons humides, me dit Crâne comme s'il lisait dans mes pensées.
Ce sont maintenant des trombes d'eau carmin qui tombent des nuages de la même couleur. Les garçons s'arrêtent. Je descends du brancard.
—Ça va aller ? me demande gentiment Barnes.
Je souris.
—Oui, merci, Bucky.
Je me mets à marcher doucement dans la boue orangée en reprenant mes esprits. Au loin, nous voyons la trace des runes laissées par le passage du Bifröst. Je n'en reviens pas.
—On est si proches ! je m'exclame.
—Oui, fait Crâne. Je vais vérifier l'état de Loki, et nous allons chercher l'ingrédient dont nous avons besoin. Il est sur Asgard, de l'autre côté du monde.
Thor fronce les sourcils. Il n'est pas d'accord avec Crâne ? Je lui parlerai plus tard. Je hoche la tête.
—Au fait, pas de blessés depuis l'attaque de... la bestiole ?
Clint sourit tristement.
—Si, Nat' c'est faite mordre.
Je regarde la concernée. Elle a le bras bandé par de grandes feuilles, sûrement trouvées par Crâne de Cerf pour calmer la douleur.
Je ralentis l'allure pour marcher à sa hauteur.
—Ça va, Natasha ?
—Oui, ne t'en fais pas pour moi. J'ai connu pire tu sais !
Je souris en me rappelant les supers moments que l'on a passé ensemble il y a un peu plus de deux ans. Quand elle m'avait dit au revoir, j'avais senti que nous étions de vraies amies. Je pose ma main sur son épaule valide.
—Merci Nat', d'être venue.
—Tu n'as pas à me remercier, c'est normal. Je ne veux que ton bonheur.
Je souris en allant répondre mais Bruce nous dit :
—On y est ! On va pouvoir appeler Heimdall.
Toute l'équipe est épuisée. Nous avons tous besoin d'une pause à Asgard. Nous nous plaçons au centre du cercle de sceaux. Je m'exclame d'une voix forte (et tremblante, me dire que je vais revoir Loki me fait stresser) :
—Heimdall ! Ouvre le Bifröst !
Une seconde s'écoule puis je sens la vague d'énergie nous toucher. Nos sens sont en ébullition, nos cheveux se dressent sur nos têtes. C'est parti.
Le pont nous frappe de plein fouet, nous faisant monter en lui, tout droit vers le monde pilier de Yggdrasil. La lumière fait toujours aussi mal aux yeux, je ne sais pas si je m'y habituerai un jour. Nous arrivons, tous secoués, devant le gardien du pont arc-en-ciel.
—Heimdall !
Je me jette vers lui et lui prend la main. Il a l'air surpris par mon contact.
—Votre voyage s'est bien passé ?
Il regarde Crâne de Cerf et lui fait un signe de tête pour le saluer.
—Oui, euh... peu importe ! Natasha est blessée, il faut l'emmener à l'infirmerie.
—Loki.... comment va-t-il ? lui demande Thor.
Heimdall nous regarde, sans plus d'expressions que d'habitude. Cependant, son regard est étrange. Son silence est bien trop long.
—Heimdall... ?
—Écoutez, il le fallait, sinon...
Ni Thor ni moi ne le laissons finir. Je me retourne brusquement vers les Vengeurs.
—Amenez Natasha avec l'aide des gardes à l'infirmerie !
Je saute et m'accroche sur Thor, qui, sans un mot, me comprenant, fait tourner Mjolnir et s'envole. Je m'agrippe à son armure, la vitesse et la pluie restée sur lui me font glisser. Loki !? Que lui ont-ils fait ?
Tout le Royaume défile à toute allure tandis que la cape rouge de Thor claque avec le vent. Nous atterrissons en catastrophe ; je finis accroupie. Nous courrons dans le palais, bousculant des gens sur notre passage. Nous devons être en plein milieu d'une réception du Roi. On fait un peu tâches, Thor et moi, sales, mouillés par l'eau rouge et revêtus d'armures puantes, au milieu de cette bourgeoisie. Thor prend un garde par l'encolure, hors de lui.
—Où est mon frère !?
Le garde, paniquant, indique une grande porte vers la droite. Le dieu du tonnerre murmure :
—Oh non, je connais ce chemin...
Nous cavalons dans les escaliers en colimaçon, puis les couloirs s'élargissent, des gardes armés apparaissent petit à petit. Les prisons.
Nous courrons à en perdre haleine, tandis que les prisonniers ricanent ou nous toisent à travers les parois dorées magiques. Je crie :
—Il est là !!!
La cellule du fond est plongée dans le noir, mais je sens qu'il est là. Je le ressens.
—Loki !
Je tape sur la paroi qui me brûle les mains. Je reprends mon souffle en remettant bien mes cheveux, le cherchant des yeux dans cette obscurité totale.
—Nous avons éteint sa lumière, il en souffrait, ainsi que de la chaleur, fit le garde derrière nous qui surveillait la zone.
—Allumez ! fit Thor.
—Nous ne pouvons pas nous permettre cela. Il est incontrôlable, sinon.
La dernière phrase me fait un choc. Incontrôlable ?
Je me concentre pour faire venir l'énergie dans mes mains, jusqu'à créer une boule d'énergie jaune pour nous éclairer. Je réussis de mieux en mieux. Loki sera fier de moi.
Je lève la tête. La cellule est entièrement vide, mis à part les murs noirs de traces de griffures. Non, elle n'est pas vide. Un corps est assis dans le coin à notre opposé, dos tourné de notre côté. Ma bouche tremble. Son dos, bleu comme l'océan, est labouré de griffures. Ses cheveux sont si longs... ils lui arrivent en bas du dos. Il est seulement revêtu d'une sorte de kilt en cuir. Une larme m'échappe. Je murmure :
—Loki... ? C'est moi...
Aucune réponse. Thor fait un pas en arrière, choqué. Je fais se propager la lumière entre mes mains. Soudain, il se lève d'une vitesse ahurissante et approche, dangereux, les crocs sortis. Ses yeux sont rouge sang, ses dents et ses ongles pointus. Il rugit et se jette sur la paroi comme un lion en cage. Je recule, tremblante, puis je me reprends, furieuse contre moi-même et l'animal que j'ai en face de moi. Ce n'est pas Loki.
—LOKI ! Écoute moi maintenant ! C'est moi, bordel !
La bête en face de moi rugit et fait des allers retours dans sa prison. Ma colère se transforme en désespoir. Je me mets à genoux sur le dallage. Les larmes dévalent mes joues, je gémis en sanglotant.
—Qu'est-ce qu'ils t'ont fait... ? Mais qu'est-ce qu'ils t'ont fait ?
Loki se prend la tête entre les mains et crie en se griffant. Je mets la main sur mon coeur, comme pour l'empêcher d'éclater. La dernière fois que je l'ai entendu hurler comme ça, c'était il y a deux ans. Le plus horrible de mes souvenirs.
—Arrête de te faire du mal !!! Stop !!!
Je pose mon front sur le sol et ne demande qu'à m'endormir à jamais. Le silence reprend sa place petit à petit. Je renifle.
—Regarde, Kat, me dit Thor d'une voix qui se veut normale.
Le pauvre, il est aussi triste que moi. Je lève doucement la tête en essuyant mes larmes. Loki est assit au milieu de la cellule et me détaille comme si c'était la première fois qu'il me voyait. Ses prunelles sont toujours carmin, mais toute l'horreur que j'ai vu deux minutes avant est partie. Il articule :
—Kat ? C'est... toi ?
Nous nous approchons à genoux l'un de l'autre. Nous ne sommes qu'à quelques centimètres derrière le champ d'énergie.
—Loki...
Il cherche ses mots.
—Je me déteste... je ne peux plus me contrôler. C'est bientôt fini.
—Non, ne dis pas ça. Quelqu'un est là pour t'aider.
Il me regarde dans les yeux. Je fais de mon mieux pour ne pas frissonner.
—Je t'aime Kat. Peut-être que je n'aurais plus jamais l'occasion de te le dire.

ℑ𝔱'𝔰 𝔊𝔬𝔬𝔡 𝔗𝔬 𝔙𝔢 𝔙𝔞𝔡. [𝔏𝔬𝔨𝔦] {𝔗𝔬𝔪𝔢 2}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant