ℑ𝔱'𝔰 𝔊𝔬𝔬𝔡 𝔗𝔬 𝔙𝔢 𝔙𝔞𝔡. [𝔏𝔬𝔨𝔦] {𝔗𝔬𝔪𝔢 2}

.19.

—On arrive bientôt ? demande Nat', penchée, son regard plongé dans l'eau claire d'Asgard, où on peut voir des poissons à nos côtés.
Après s'être préparés mentalement et avoir mangé un bout rapidement, nous avons sauté sur un voilier, gentiment « prêté » par Asgard... bon, j'avoue qu'on l'a emprunté à la garde. On le rendra plus tard, quand on aura ce dont on a besoin. Je n'ai pas pris le temps de demander l'avis d'Odin. Parce que, justement, le temps est devenu un luxe trop cher pour nous. Je me tourne vers Thor, à la barre. Celui-ci crie, pour se faire entendre au dessus du vent :
—Nous serons à La Fin dans pas longtemps ! Accrochez-vous bien !
La Fin est le nom donné par les Asgardiens pour la limite de leur monde ; l'eau tombant en cascade dans le néant de l'espace. Vu du Bifröst c'est magnifique, mais maintenant que nous y allons, je ne peux m'empêcher d'avoir la boule au ventre. Je me tourne de l'autre côté, les cheveux me fouettant le visage, pour observer Bucky qui a la tête par dessus bord, en train de rendre le peu qu'il a avalé tout à l'heure. Steve, qui lui tape gentiment sur le dos, me regarde et me sourit, les sourcils arqués. Je ne savais pas que Barnes avait le mal de mer, trop drôle ! Je lui rend son sourire et porte mon regard sur l'horizon, dont nous nous rapprochons vite. Quelqu'un s'assoit à côté de moi, à la proue du bateau ; Bruce. Il se tourne vers moi et s'exclame :
—Sacré soleil, hein ? C'est magnifique !
L'eau reflète les rayons dorés de l'astre, le pont brille de mille feux à notre gauche, Asgard resplendit dans notre dos, l'air marin nous fouette le visage. Ça pourrait être une belle journée si... tout allait bien.
—Oui ! C'est superbe.
—Ça doit être sacrément étrange de vivre dans un monde autre que le nôtre, non ?
Je penche la tête, le regard perdu dans l'eau.
—Pas tant que ça. Par contre, mon père me manque parfois.
Un silence s'installe, bruyant à cause des bourrasques.
—Mais tu sais, c'est Loki mon monde, pas la Terre. Pour moi, le soleil se lève et se couche avec lui.
Banner me couve du regard, avec un léger sourire sur les lèvres. Je lis de la peine pour moi dans ses yeux. Il allait répondre quand une main se pose sur mon épaule. Je lève la tête et voit Tony, dernière moi, qui regarde en face.
—T'en fais pas, gamine. C'est plus qu'une question d'heures avant qu'on règle ça. Tu vas le retrouver.
Banner hoche la tête. Je pose ma main sur celle de Tony. Ça me touche venant de lui, il était sceptique au début, mais maintenant il a comprit pourquoi on fait tout ça.
Je ne dois plus laisser le doute m'envahir, il m'a trop secouée. Maintenant, je dois garder la tête droite et avancer coûte que coûte. Tony a raison ; nous touchons au but. Crâne de Cerf, aux côtés de Thor, pointe l'horizon du doigt en s'écriant :
—Nous y sommes presque !
—Pas trop tôt ! grommelle Bucky plus loin.
Je vois Clint sourire. Au moins, cette balade en bateau a allégé un peu les cœurs et détendu le groupe. Il faut dire qu'on n'a pas beaucoup mangé, ni dormi, et nous étions il y a encore peu de temps dans un monde vraiment hostile.
Thor donne la barre à Crâne et court lâcher la voile principale du bateau. Nous ralentissons.
—Ok tout le monde, écoutez-moi bien c'est important ! On arrive à La Fin. À mon signal, vous allez activer les armures gravitationnelles. Compris ?
Tout le monde fait un signe et acquiesce en signe de compréhension du message. Avant de partir, Thor et moi sommes allés dans les caves du palais pour trouver ces armures, dont il m'avait parlé. Elles étaient couvertes de poussière, entassées derrière une caisse de vieux glaives datant d'avant l'époque d'Odin. Je vous laisse calculer les siècles ! Ça c'est de la vieille technologie asgardienne. Nous avons eu la chance de trouver assez de cuirasses pour toute l'équipe. C'est notre seul moyen de descendre de l'Autre Côté, maintenant, il faut prier pour qu'elles fonctionnent.
Le bateau avance doucement, et maintenant nous sommes tous à l'avant comme des touristes à fixer du regard la ligne d'horizon qui se rapproche dangereusement.
—Venez vers moi, ça va secouer ! crie Crâne de Cerf.
On se déplace vers lui, tous à l'arrière du voilier, sauf Thor toujours à l'avant pour nous donner le signal. La proue du bateau atteint maintenant bientôt l'eau bouillonnante des cascades. Je m'accroche solidement au bois du bateau. Le dieu du tonnerre, toujours penché par dessus bord, lève lentement le bras. Soudain, le bateau penche lourdement vers l'avant avec un bruit sourd, comme si nous allions tomber dans l'espace infini en dessous d'Asgard. Je retiens un cri.
—Maintenant !!!
Thor court vers nous. Tous sans exception, nous déclenchons nos armures gravitationnelles. La pierre sur notre torse s'éclaire d'un jaune foncé, clignotant pour certaines. Le bateau est maintenant en entier dans le vide. Je baisse la tête et découvre avec horreur que mon armure ne fonctionne pas. Le bateau commence à se retourner tandis que je pousse un cri. J'ai l'impression que mon estomac descend dans mon ventre.
—Kat ! hurle une voix.
Je n'entends plus rien tellement tant tout est confus à cause du fracas de l'eau sur nous. Je m'accroche au bois à ma gauche de toutes mes forces. J'écarquille les yeux et presse ma main libre sur la gemme de l'armure. Le bateau est presque entièrement retourné, je suis les pieds dans le vide, retenue par ma seule main accrochée au bord du voilier.
—Allez, putain !!
Avec le mauvais pressentiment que ces mots seront mes dernières paroles, je concentre toute mon énergie sur ma main droite qui encercle la pierre jaune. Ma main, qui me maintient au bateau glisse. Mes ongles grincent sur le bois. Une lueur dorée jaillit de la gemme, poussée par ma magie. L'armure clignote faiblement et enfin, je sens mon corps être soulevé par sa force. Lentement, je sens me retourner et mes pieds toucher le plancher du navire. Nous sommes maintenant de l'Autre Côté. Je me précipite au bord le plus proche et vomit les restes de mon maigre repas de tout à l'heure. Je reconnais la voix de Thor dans mon dos :
—Kat, tu vas bien ?? On a eu super peur ! Quelle merde, ces armures !
Plusieurs personnes sont derrière moi en s'exclamant, puis je sens une main me taper amicalement l'épaule.
—Eh oui Kat, chacun son tour ! fanfaronne le propriétaire de la main, Bucky.
Toujours la tête par dessus bord, je lève lentement les yeux. L'eau est noire comme de l'encre et brille telle de l'huile, percée par des rochers pointus comme des piques. La voix de Crâne de Cerf résonne dans le silence menaçant :
—Bienvenue de l'Autre Côté.