[the dazzled — crystal stilts]
« novembre va bien se passer, c'est promis. je t'aime sacha, placarde cette phrase, cette vérité, cette philosophie, ce tout, dans toutes les rues de ton cœur. et accroche la bien, c'est important qu'elle résiste aux intempéries.
tu sais sacha, je vais tout faire pour qu'il y ait le moins de tempêtes, d'orages, d'inondations et de tsunamis possible. et je devine parfaitement que toi aussi :)
à très vite en appel, je l'espère (au pire, quand tu lis ça appelles moi, je répondrai c'est promis). je t'embrasse sacha, plein de bisous dans ton cou délicieux.
je t'aime <3
— aramis »
dans un mouvement las, j'éteignis mon téléphone et m'étalai sur mon lit, fixant le plafond avec attention. c'est reparti, pensai-je amèrement et je m'en voulus instantanément avec une acidité qui me fit presque pleurer. comment pouvais-je déjà autant sombrer ? je n'étais pas seul, je savais pertinemment que si j'envoyais à l'instant même un message à aramis, il me répondrait, il serait là pour moi. alors pourquoi ne le fis-je pas ? avais-je, malgré tout, besoin d'être seul ?
je ne savais tenir en place, alors je récupérai la feuille volante sur laquelle les mots d'aramis étaient étalés avec brusquerie. et je me mis les lire avec une férocité démente. je dévorai ces mots d'amour que j'avais déjà imaginé, plus tôt dans la soirée. j'avais peur du contenu de cette lettre dès la seconde où j'avais ouvert l'enveloppe, mais pourtant sa fin m'acheva aussi vite qu'elle s'acheva. elle fit naître, presque contre mon gré, toute la beauté d'un sourire sur mon visage tendu. et, étrangement, j'entendais sa voix me lire les mots déposés sur le papier. c'était d'une douceur inébranlable.
mon téléphone vibra à peine une seconde, me sortant de ma vile contemplation de l'encre sur le blanc de la feuille, et je bondis littéralement sur l'écran. aramis m'écrivait qu'il m'aimait et cela me fit chaud au cœur. j'aimais savoir qu'il pensait à moi et qu'il voulait que je le sache. je lui répondis à la seconde près, transmettant dans mes quelques mots tout l'amour que je lui accordais. je restai un instant le regard figé sur l'écran de mon téléphone, dans l'espoir de voir apparaître un autre message furtif. mais rien. et je retombai immédiatement dans une nouvelle morosité floutée par l'amour.
je ne savais où me situer, je ne savais pas où me mettre — bien que j'étais seul —, je ne savais pas quoi ressentir ni même si j'avais le droit de ressentir quoique ce soit. depuis son départ, je passai des sourires aux larmes dissimulées en un rien de temps. allais-je bien ? pouvais-je aller bien dans ces circonstances ? en avais-je le droit ? j'étais heureux pour aramis, heureux que l'ont puisse s'appeler mais était-ce suffisant pour palier à ma tristesse ? avait-il le droit de me manquer ?
je regardai l'heure, il était presque vingt et une heure, je n'avais pas mangé et je n'avais pas faim. je songeai quelques instants à tenter de m'endormir tout de suite, histoire de ne pas m'infliger de pensées inutiles. et puis je repoussai cette idée, je devais me vider la tête et le sommeil n'arriverait pas avant, j'en étais certain.
alors je me forçai à me lever, avec une certaine retenue dans ma motivation dérivante. d'un pas titubant je marchai jusque devant mon clavier et déposai avec une légère timidité mes doigts tremblants. j'inspirai et jouai la première note de friend, please. j'étais submergé par une vague de malaise qui se transforma vite en tsunami d'une transe fracassante. comme pendant ce soir de novembre, il y a deux ans.
soudain, je fis une fausse note et m'arrêtai brutalement de jouer. ma vue se brouilla subitement et je ne vis plus que mes mains tremblant violemment. je crus même les sentir se détacher de mon corps, avec une déchirure énorme qui me tordait de douleur. et puis une larme tomba sur ma main droite et je me figeai ; je pleurai donc ? mais pourquoi ?
cependant, je fus sûr d'une chose ; je ne voulais pas pleurer. alors j'essuyai mes larmes du revers de ma manche et me leva, d'un pas faussement déterminé. je déambulai tel un fantôme, lévitant pour empêcher le monde de me toucher, jusque dans ma cuisine où je me servis un verre d'eau. je bus une gorgée avec difficulté, sentant le liquide glisser en moi au ralenti, presqu'à reculons. apparemment j'avais besoin de plus fort que de l'eau.
je saisis donc une bière dans mon frigo, l'ouvris et bus une première gorgée en grimaçant. à chaque fois que je buvais la premier gorgée d'un alcool j'en étais repoussé, dégouté. mais, par des excès de curiosité — ou alors juste un besoin maladif — je finissais toujours par en avaler de nouveau. et l'alcool avait tout autre goût, une saveur d'étoile qui éclatait en bouche avec brusquerie.
j'aimais l'alcool dans ses dérives les plus dangereuses, le goût du risque tout contre mon palais et la sensation écarlate de sentir mon cœur au beau milieu de ma bouche. l'alcool était un peu comme un baiser avorté qui s'écrasait, livide, sur des lèvres gercés. dans quel but ? celui de rendre fou à s'en crever les yeux, me répondis-je intérieurement.
étais-je fou ? étais-je un fou ? y avait-il une réelle différence ? au fond de moi je le savais, l'alcool dans mon corps y faisait battre la vérité ; j'étais fou de chagrin.
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les mots du bout des lèvres
Short Storyles voix s'élevaient dans les airs, cherchaient-elles à se pendre ? - jeunesse amochée | avril > juillet 2021 | suite du soleil du coin de la fenêtre