[achilles come down — gang of youths]
« le 14/01/22
euh coucou aramis
oui c'est encore moi, deux lettres en moins d'une semaine je pense que ça te surprend (j'en suis étonné moi-même). à l'heure où je t'écris ça il est quatre heures du mat et je ne dors toujours pas. je ne me fais pas d'illusions, je ne vais sûrement pas dormir tout court. alors autant mettre mon temps à profit.j'écris ça le quatorze janvier. c'est une journée qui a bien commencé mais elle a mal fini. à cause de moi. c'est toujours à cause de moi. je ne sais pas si quand tu liras ça tu te souviendras de notre dispute, de toute cette merde. je ne sais pas non plus si ça ira mieux entre nous. je l'espère tellement. je vais tout faire pour crois-moi.
je suis assis sur le balcon et comme chaque soir j'espère te voir traverser le ciel pour me rejoindre. je repense à tout à l'heure, lorsque tu m'as dit que tu allais pouvoir venir me voir dans un mois et demi. et j'essaie de me souvenir de ce qu'il s'est passé dans ma tête à cet instant précis. et je n'y arrive pas. j'ai peur de devenir fou. ou alors de redevenir comme avant. depuis que tu es parti j'ai comme une peur permanente qui me colle partout où je vais. j'ai peur de replonger aramis.
mais, je ne suis pas là pour parler de ça. je suis là pour te présenter des excuses, d'importantes excuses. je suis désolé d'avoir douté de toi et du fait que tu viendrais me voir (tiens d'ailleurs on en profitera pour refaire ma couleur, je veux refaire du vert, j'en peux plus du rouge). je me rends compte que je ne suis plus du tout énervé, juste très triste et déçu de moi-même. si tu savais comme je m'en veux. j'ai suréagi, j'ai perdu le contrôle, j'ai pété un câble. et je m'en excuse.
c'est dingue comme c'est tellement plus simple de dire tout ça dans une lettre. mais bon c'est pas ça qui changera les choses parce que cette lettre tu la liras que dans plusieurs jours. et d'ici là il peut se passer une multitude de choses.
je suis désolé pour les insultes, les hurlements, mes larmes, ma colère, mes coups envers moi-même. je suis désolé de t'avoir raccroché au nez et puis de ne t'avoir répondu qu'une heure après. je crois que j'avais besoin de temps pour être seul. c'est une drôle de chose la solitude, parfois ça tue et parfois ça sauve. moi j'ai surtout besoin de toi, mais je ne sais même pas me l'avouer. ou alors si, je me l'avoue mais j'ai remarqué que ça faisait trop mal. alors j'arrête.
il fait froid sur le balcon et puis j'ai mal au poignet. je vais rentrer. voilà, je suis sur mon lit, assis en tailleur. je sais, c'est pas très confortable et pratique pour écrire mais j'ai envie d'être comme ça. j'ai envie de sentir les crampes qui se font sentir dans mes jambes, les fourmis qui parcourt mon corps et de voir les rougeurs de ma peau. je veux faire tout mon possible pour me sentir vivant et en ce moment la douleur me tient compagnie.
il y a beaucoup de nuages cette nuit dans le ciel et toi ? y a-t-il beaucoup de nuages là où tu es ? j'ai une hâte immense de te voir aramis. tu sais, le genre de sursaut incontrôlable et imprenable qui habite tout ton insignifiant corps et qui le fait danser. je te promets que lorsque l'on se reverra on dansera tout au long de la nuit. et comme cette soirée et cette nuit d'il y a plus de deux ans, on s'amusera à en faire éclater nos rires, on s'aimera à en faire exploser nos cœurs, on vivra jusqu'à faire éclore des milliards de vies en nous. et on les vivra toutes, c'est promis. c'est écrit. ici et dans les cieux.
et toutes nos retrouvailles seront ainsi.
j'espère avoir réchauffé un froid, fait fondre la glace, détruit les maux. je ne sais pas si les mots peuvent tout réparer, je ne pense pas. mais si les fondements des nouveaux murs sont posés c'est grâce à eux. alors voilà. je t'offre mes mots en guise d'excuse, en preuve d'amour. et j'espère de tout cœur que tu les comprendras, que tu les aimeras, qu'ils te feront du bien.
j'espère que tu me pardonnes. sache que moi je te pardonne. je pardonne tes mots cruels, tes tripes sorties par ta bouche et venues massacrer mon visage. je pardonne tes cris et tes moments où tu ne regardes pas. je te pardonne tout.
je t'aime aramis. je t'aime et c'est la seule chose qui importe. je serai toujours à tes côtés <3
- sacha »
je laissai tomber mon stylo sur le lit et regardai mon poignet avec une légère fierté. j'avais vaincu la douleur et j'en étais désormais satisfait. j'aimais cette sensation libératrice d'avoir accomplit quelque chose de précieux. j'aimais la vérité et la sincérité que mes mots faisaient refléter. et j'étais prêt à parier qu'aramis les aimerait aussi, avec une certaine retenue au départ et puis d'un amour sans limite et inconsumable. cette pensée me vola un sourire, le premier depuis plusieurs heures, mais il disparut vite ; la réalité était toujours là pour venir briser les lèvres. et elle détruisit aussi mes rêves, sans même que je parvienne à comprendre comment et pourquoi.
écrire cette lettre eut un effet inespéré sur moi, telle une bouée lancée peut-être un peu trop tard mais à laquelle se rattacher était encore possible. alors j'en vins à m'accrocher comme si ma vie en dépendait. j'aimais le son du stylo sur le papier, une plume tendre mais pourtant si irrégulière et brisée par la douleur. et j'entendis cet onctueux son plus fort encore que la musique qui tournait sur la platine. il dépassait tout et je regrettais déjà amèrement son absence.
et sans même me le demander à moi-même, sans même y réfléchir une seule seconde, j'arrêtai la platine et pris mes écouteurs. j'avais besoin de musique dans mon monde intérieur, pour tenter de remplacer le bruit du stylo sur la feuille et celui de sa voix me criant qu'il me détestait. j'éteignis la lumière mais ne fermai pas les volets ; mon désir de voir les étoiles filantes ne s'était toujours pas estompé.
je m'allongeai ensuite sur mon lit, d'abord sur le dos, les membres écartés, comme écartelé. et puis bien vite, je me tournai sur le côté droit, enserrant mes genoux de mes bras. et puis je me mis à pleurer des torrents de larmes âpres qui me désarmèrent immédiatement. je ne connaissais pas la raison des pleurs sur mes joues mais elle devint rapidement la dernière de mes préoccupations. je pleurai mon être entier et je savourai cet intense gouffre d'émotions comme s'il était l'ultime, comme s'il pouvait me happer à tout moment.
les chansons s'enchaînèrent à la vitesse de la lumière et en un fragement de seconde je ne me souvenais déjà plus de celle qui précédait. mais cela n'avait aucune importance et peu à peu je me laissai bercer par les chansons. je n'offrai plus aucune résistance et lorsque que drown de tyler joseph s'invita dans mes oreilles j'eus la sensation lourde et pensante de me noyer dans mes larmes. et ce fut avec une déchirure immense et béante au niveau du cœur que je sombrai dans un sommeil agité. je rêvais de noyade et de l'échec cuisant d'aramis qui tentait de me sauver.
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les mots du bout des lèvres
Historia Cortales voix s'élevaient dans les airs, cherchaient-elles à se pendre ? - jeunesse amochée | avril > juillet 2021 | suite du soleil du coin de la fenêtre