[first love — wander]
« le 12/01/22
coucou aramis, mon aramis,
je t'écris seulement quelques lignes ne t'emballe pas (je te connais je sais que tu t'es déjà emballé). j'écris à trois heures cinquante du matin, je fais une insomnie. comme toutes les nuits depuis que tu es parti. je vais être sincère avec toi, je te le dois bien. je sèche beaucoup de cours. je ne fous rien, je déprime. et j'ai peur de resombrer. si tu savais comme j'ai peur aramis. parce que oui tu es là mais pas tout à fait. et moi je suis instable. putain d'instable. alors je tremble devant la grandeur du monde et toute sa puissance.dis moi, suis-je désirable ? me désires-tu ?
tout mon corps te chuchote cette question et moi je reste planté là, au centre de moi-même mais à l'écart de tout. que s'est-il passé ? pourquoi je sens cette dégringolade de vie en moi ? redonne moi envie aramis, redonne moi notre vie.
- sacha »
quelques jours après, je sortis poster cette lettre et à peine je la lâchai dans la boîte aux lettre que je fus en proie aux regrets. je le savais bien ; je n'aurai pas dû. mais c'était définitivement trop tard et je n'avais plus qu'à me maudire en attendant que ce bout de papier destructeur lui parvienne.
c'était mercredi, il faisait beau et malgré le froid de janvier j'étais heureux de retrouver un bref contact avec la nature et l'extérieur. cela était comme un miracle que je sois de nouveau capable de sortir de mon intérieur démantelé et rempli de démons. je n'étais pas sorti depuis quasiment une semaine et cela me pesait si fort que je me sentais m'écrouler. et là, ainsi fugitif sous le tendre soleil, je sus instinctivement que si je me voyais mourir c'était parce que je creusais ma propre tombe. mes pensées étaient des pelles et mon corps ne savait plus résister à la tentation d'y céder. je devais à tout prix sortir la tête de l'eau, rien que la tête pour retrouver la sensation de l'oxygène dans mes poumons fêlés.
alors je fis quelque chose que je n'aurai pas eu le courage de faire depuis chez moi et que, pourtant, j'aurai voulu faire il y a bien longtemps. j'arrêtai la musique qui volait dans mes oreilles et appelait aramis. il répondit avant même la première sonnerie et inconsciemment cela fit naître un sourire niais sur mes lèvres. je me fis l'amère réflexion que je ne connaissais plus la niaiserie depuis bien longtemps et une part de moi s'étonnait même qu'elle soit de retour. c'était presque trop beau pour être vrai. mais pourtant aramis était bel et bien là et je ne pouvais plus le laisser s'échapper ; c'était notre premier appel depuis mes messages vocaux dans lesquels j'avais déraillé.
- « sacha ! cria mon aramis et sa voix transperça mes tympans si fort que je crus qu'ils allaient se fracturer.
- ça fait si longtemps qu'on s'est pas appelés. ta voix hurlant mon prénom avec euphorie m'avait manqué », soufflai-je doucement.
il était nonchalament assis à l'envers sur une chaise, accoudé sur le dossier et je le trouvai instantanément charmant. il avait ce petit sourire élégant et plein de fulgurance qui me faisait succomber. je ne résistai jamais à lui. mais alors pourquoi parvenais-je encore à douter de lui et de l'infinité de son amour ?
- « je suis désolé, je suis tellement occupé avec les cours. je galère un peu et ça me prend vraiment énormément de temps. mais t'appeler ça me manquait beaucoup, m'expliqua-t-il et je ne sus pas vraiment si j'étais convaincu ses mots.
- t'en fais pas c'est rien, je comprends totalement que tu n'aies pas le temps, dis-je tout en marchant d'un pas raide et rapide. j'avais le sentiment d'être stressé d'appeler aramis et je ne savais pas comment j'étais censé l'interpréter.
- toi ça va les cours et tout ? tu t'en sors ? »
à cet instant une voix dans ma tête éclata d'un rire profond et je résistai à la tentation de m'y enfoncer. néanmoins, je me demandai ce qu'il dirait s'il connaissait le contenu de la lettre que je venais de lui poster.
« d'ailleurs, enchaîna-t-il avant que je ne puisse lui ouvrir le cœur d'un nouveau mensonge, où vas-tu donc ?
- je rentre à l'appart, j'ai été poster un lettre pour toi mon cher. »
je lui offrais une touche de vérité à la place des mots les plus durs que je n'étais vraisemblablement pas capable de faire entendre. alors ils restèrent enfouis en moi et je voulais que leurs secousses au fin fond de mon ventre cessent. j'aurai tant voulu avoir le courage de déverser ma peine et mes maux par vagues d'émotion.
il me montra son enthousiasme à propos de ma lettre et je me sentis atrocement coupable. une boule se forma dans mon ventre et la seule chose que je souhaitais était de pouvoir la recracher et me débarrasser de ce surplus d'émotions nocives. nous parlâmes pendant tout le trajet et puis il eut l'idée soudaine de me faire visiter le quartier dans lequel se trouvait son petit studio dans les jours qui venaient. j'acceptai volontiers, sachant que cela allait me changer les idées et j'étais prêt à tout pour me sortir de la tête mes pensées les plus sombres.
et puis soudain, à travers les dérives de notre conversation il me balança en plein milieu du cœur l'espoir que j'aurai sûrement préféré ne jamais entendre :
« j'ai quelques jours de vacances, enfin si on peut appeler ça comme ça, dans deux mois environ. je vais essayer de choper un vol pas trop cher et venir te voir. j'ai tellement envie de te serrer contre moi sacha. tu me manques tant. »
je ne sus comment réagir et sans même que j'en sois conscient je m'arrêtai en plein milieu du trottoir et je me mis à pleurer. les larmes coulèrent si vite et si fort que ma tête me fit mal et mes yeux me piquèrent. et mes larmes dévalèrent mes joues et vinrent se réfugier dans mon cou comme si rien ne pouvait les en empêcher. je ne pouvais tout simplement plus résister.
« eh eh eh sacha. pourquoi tu pleures mon cœur ? »
et j'entendais sa voix qui me martelait, qui frappait l'air autour de moi. je la ressentais aggressive alors qu'elle ne devait absolument pas l'être. je délirais sûrement.
- « tu ne viendras pas, réussis-je à articuler encore deux sanglot.
- mais bien sûr que si, je vais chercher un avion dès ce soir tu vas voir, dit-il tout en se levant de sa chaise. et il commença à faire les cents pas à la manière d'un lion en cage.
- je ne te crois pas putain ! tu vas avoir trop de boulot, tu vas être trop occupé. comme toutes les fois où tu ne peux pas m'appeler. et puis je devrai même pas te manquer parce qu'on devrait être ensemble en ce moment putain. je veux pas te manquer et je t'interdis d'éprouver le moindre manque pour moi, t'as pas le droit. t'as pas le droit de me faire ça aramis. t'as pas le droit bordel. »
et je continuai d'hurler des mots douloureux qui firent perler des légères larmes aux coins de ses yeux à lui. je les vis ces putains de larmes. et je les ignorai tout comme il ignorait les miennes depuis des semaines. mais même avec tout la bonne volonté du monde il était impossible d'effacer de ma mémoire ces minuscules perles transparentes qui représentent la souffrance la plus forte. elles furent, pour moi, comme la révélation de toute la déception, tout le doute et tous ces maux qui nous envahissaient.
et sûrement trop tard, une fois mon souffle reprit, mon esprit en ébullition légèrement calmé et mon cœur ralenti, je murmurai :
« comment tout a autant pu dégénérer de cette façon ? »
et le silence me répondit.
VOUS LISEZ
les mots du bout des lèvres
Historia Cortales voix s'élevaient dans les airs, cherchaient-elles à se pendre ? - jeunesse amochée | avril > juillet 2021 | suite du soleil du coin de la fenêtre