Chapitre 11

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19h. Le soleil s'était couché sur la Zone, laissant place au calme d'une nouvelle nuit étoilée. Tressie, le dos calé contre un mur frais, rêvassait en observant le parking désert et faiblement éclairé. Le silence était apaisant, ponctué par le ronronnement des turbines discernable depuis le vaste bâtiment sans fenêtres se trouvant un peu plus loin. Sa mitraillette reposait à ses côtés, prête à être saisie en cas de nécessité.

Rien d'anormal ne défigurait le paysage, ici. Rien n'avait été touché depuis les disparitions. À tel point que parfois, en se trouvant là, la jeune fille pouvait se bercer de la douce illusion d'attendre ses parents qui auraient oublié quelque chose dans leur bureau après leur journée de travail, comme ça leur arrivait fréquemment. Voilà pourquoi elle aimait tant y faire des tours de garde : c'était un endroit préservé, presque... hors du temps. Hors de la folie de leur univers.

La centrale nucléaire de Perdido Beach l'avait malgré tout toujours intimidée. Elle lui faisait penser à une bête monstrueuse qui, tapie dans l'ombre, attendait le moment propice pour passer à l'attaque. Sa taille était impressionnante, sa superficie pratiquement égale à celle de la ville qu'elle alimentait en électricité et ses deux tours de confinement représentaient la taille de petits gratte-ciels. Quelques lumières servaient à marquer son emplacement, juste là, au bord de l'océan.

Assis à ses côtés, sur une chaise qu'il avait traînée là depuis la salle de contrôle, résidait un garçon athlétique aux longues mèches châtain clair sur lesquelles reposait une vieille casquette kaki. Au moins aussi décontracté que sa collègue, il lisait une BD cornée en sifflotant un air de jazz. Michael Horn, qui fêterait ses 15ans à la fin du mois de mars, faisait partie des plus proches amis de Tressie depuis son arrivée en ville.

Il fut un temps où ils formaient avec Stessie Donovan et Mikey Dylan's, un rouquin de leur âge accro au rugby et aux jeux vidéo, une petite bande très soudée. Hélas, même s'ils servaient tous dans l'armée, une distance s'était créée entre eux depuis l'apparition de la Zone. Pas par choix, mais par obligation. Les quatre amis étaient très occupés à cause de leur travail et de leurs diverses responsabilités.

De plus, aucun d'eux n'avait la tête à s'amuser, ou tout simplement à traîner sur la plage, ou dans le square de la place centrale, à se chamailler et à plaisanter des heures durant. Ils n'avaient plus assez de temps. C'était compliqué de trouver une minute pour soi, lorsque l'on servait dans l'armée de Perdido. Les effectifs étaient si peu nombreux et il y avait tant de choses à faire, tant d'enfants à protéger...

Les rares occasions où ils se réunissaient, c'était le temps d'une garde à la centrale nucléaire. Comme cette nuit, par exemple. Ils en profitaient pour renouer leurs liens et discuter avec nostalgie de la bonne époque. Celle où ils étaient de simples collégiens et pas des soldats à peine sortis de l'enfance.

Mais il n'empêchant que Tressie tenait toujours beaucoup à Mike et Mikey, d'où sa demande auprès d'Edilio pour les avoir avec elle ce soir. Même si Stessie n'était à l'origine pas comptée dans ses plans, au final, ça lui allait très bien qu'elle soit venue. Ainsi, ils reformaient, le temps d'une nuit qui se promettait riche en rebondissements, leur joyeuse bande de pitres. Ça ne pouvait que lui porter chance.

Les deux soldats surveillaient cette entrée depuis une heure et quelques. Avec le reste de leur équipe, ils avaient quitté la ville à 17h, comme convenu. Après s'être établis dans la salle de contrôle, le cœur de la centrale nucléaire, Tressie et Michael s'étaient proposés pour prendre le premier tour de garde. Leurs quatre collègues, en attendant, demeuraient à l'intérieur. Ils avaient pour interdiction de pointer le bout de leur nez s'ils n'en avaient pas reçu l'ordre formel. Inutile de risquer plus de vies que nécessaire.

Hunger [Gone T.2]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant