Chapitre 1

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La voiture s'éloigna à grande vitesse sous les regards désemparés de Samuel Temple, Tressie Oxford et Edilio Escobar, tous les trois plantés au milieu de l'autoroute. Il était 23h passé en ce vendredi 2 mars de l'année 2013.

Edilio, une quinzaine de minutes plus tôt, avait reçu un SOS de ses soldats censés surveiller la supérette située sur la bretelle d'accès, à cinq-cents mètres de la ville. Après avoir rameuté ses deux collègues et amis, ils s'y étaient rendus le plus vite possible. Mais trop tard : leurs réserves déjà peu nombreuses avaient été pillées.

Avec sans doute l'impression d'enfoncer une porte ouverte, le Hondurien déclara :

– C'étaient ceux de Coates.

– Non, tu crois ? ironisa Tressie en tournant vers lui de grands yeux faussement surpris. Moi qui pensais que les coyotes avaient appris à conduire et étaient venus faire leurs petites courses, me voilà choquée ! Heureusement que t'es là pour nous éclairer de tes lumières, mon vieux...

– Tressie, la réprimanda Sam. Pas la peine de te montrer aussi désagréable. On est tous affectés par ces pertes.

Elle ouvrit la bouche pour répliquer, mais finit par pousser un profond soupir afin de se calmer. Son regard, plus doux, revint se poser sur Edilio. Ce dernier semblait blessé par ses paroles. Pourtant, si Sam n'avait fait aucune remarque, lui n'aurait rien dit non plus. C'était dans sa nature : il était beaucoup trop gentil. Surtout lorsque ça la concernait.

– Excuse-moi, Ed'. Je n'ai pas à te parler comme ça, t'y peux rien. C'est juste que... je suis sur les nerfs, ces temps-ci.

– T'en fais pas, c'est rien, assura-t-il en lui offrant un sourire hésitant. C'est déjà oublié.

– Génial. Merci.

– Bon, allons voir les dégâts, décida l'aîné.

À ces mots, il se dirigea vers l'entrée de la supérette. Ses deux compagnons, après un échange de regards las, le suivirent sans grande conviction. Les portes automatiques s'ouvrirent à leur approche. Après trois mois de Zone, l'électricité fonctionnait encore, ce qui était une bonne chose. Ils pouvaient donc toujours avoir accès à l'eau chaude, aux appareils électriques et, le plus important, à la lumière.

Ils ne mirent pas longtemps pour constater que l'intérieur du minuscule commerce était saccagé. Des rayons avaient été renversés et le peu de réserves qui n'avaient pas été emportées se trouvait éparpillé au sol, piétiné. Aucun doute que c'était purement intentionnel, fait dans le seul et unique but de les priver eux aussi de cette précieuse nourriture.

Les trois adolescents, face à ce spectacle, durent lutter contre leur envie de s'effondrer. C'était un désastre pour leur petite communauté qui affrontait déjà un sérieux manque de ressources. Comment allaient-ils annoncer aux enfants qu'ils allaient devoir encore plus serrer la ceinture ? Ça faisait plus de deux mois qu'une famine menaçait. Le grand repas donné en l'honneur de Thanksgiving n'était déjà plus qu'un doux rêve lointain. Ce pillage venait ni plus ni moins de leur mettre le coup de grâce.

Edilio, comme souvent, fut le premier à se ressaisir. Se dirigeant vers un étale retourné, il le saisit à deux mains et le redressa avec un grognement d'effort. Ensuite, il annonça :

– Ils n'ont pas trouvé les réserves destinées à la garderie. Elles sont tombées avec cette étagère et ont été préservées. C'est... déjà ça.

– C'est déjà ça, oui, approuva Tressie en se mettant à fouiner entre les rayons pour voir si autre chose avait survécu. D'ailleurs, tes gars ont vu qui faisait partie de notre joyeuse troupe de voleurs ?

Hunger [Gone T.2]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant