Hunger [Gone T.2]

Chapitre 21

Tressie, les dents serrées, était agrippée à la poignée au-dessus de sa tête. Elle tentait d'ignorer les vagues de douleur qui la submergeaient à chaque cahot de la voiture, à chaque mouvement, à chaque respiration. La souffrance était telle qu'elle se demandait comment elle tenait encore le coup, de même que Brianna, qui lui lançait des regards inquiets toutes les cinq secondes afin de vérifier qu'elle était toujours en vie.

La réponse lui vint en tête comme une évidence : la colère. La soif de vengeance. Son incapacité à s'éteindre tant qu'elle ne serait pas sûre que celui lui ayant fait ça la suivrait dans la tombe. Il y avait les radiations, certes, mais elle jugeait que c'était une mort trop douce pour Drake. Elle voulait lui arracher la vie de ses mains...

Une irrégularité sur le petit chemin de terre les menant jusqu'à la mine secoua les deux occupantes du véhicule. Le flanc de la blessée effleura la portière. Il n'en fallut pas plus pour lui arracher un geignement étouffé.

– Désolée, la route est pourrie, s'excusa aussitôt Brianna.

Tressie, occupée à inspirer de toutes petites goulées d'air dans l'espoir d'endiguer la douleur, ne répondit pas tout de suite. Elle n'avait plus assez de souffle, pour ça. Ce n'est qu'au terme d'une trentaine de secondes qu'elle parvint à répliquer, les doigts crispés sur le tableau de bord :

– Fais pas attention à moi, Brise. Je... Je vais bien.

– Permets-moi d'en douter, ma vieille...

– Doute autant que tu veux du moment que tu roules. Si ça continue, on va finir par rater la petite sauterie organisée par le Gaïaphage...

– C'est quoi ce truc, au juste ?

– Je t'expliquerai tout si on s'en sort, c'est promis. Mais pas maintenant. Je dois économiser mes forces.

Son amie ne répondit pas. La brune réussit à lui jeter un regard et remarqua qu'elle était plus pâle qu'à l'accoutumée. Pas autant qu'elle-même, certes. Mais pâle quand même. Et alors qu'elle s'apprêtait à lui demander si elle se sentait bien, elle distingua un mince filet de sang s'échapper de l'une de ses narines pour dégouliner à toute allure jusqu'à son menton, puis tomber sur son short déjà en piètre état.

– Merde, jura-t-elle en y portant une main.

De l'autre, elle continuait de manœuvrer la jeep le long du sentier. Leurs regards se croisèrent. Une seconde. Une seule seconde. Avant que la cadette ne reporte son attention sur la route.

– Ce sont les radiations, pas vrai ? devina-t-elle, la voix tendue.

– Je ne sais pas, admit Tressie. Ça fait peu de temps que tu as été exposée. Ça me semble... trop rapide.

– Par rapport à quoi ?

– Par rapport à ce que... à ce que j'ai lu sur le sujet.

Brianna esquissa un sourire crispé, avant d'essuyer d'un revers de main son nez sanglant. Une traînée écarlate décora sa joue. Sa narine, tel un robinet mal fermé, n'en cessa pas pour autant de goutter. Mais elle ne s'en souciait plus.

– Ces personnes dont tu as lu l'histoire : elles ont été exposées à des radiations à l'intérieur même d'un réacteur nucléaire ? Juste au-dessus du bassin où se trouve l'uranium ? Alors qu'un dégénéré venait de presque réussir à provoquer une fusion du cœur ?

– Non.

– C'est bien ce qu'il me semblait, ouais. Les choses qui se passent dans la Zone ne figurent dans aucun livre, Tressie. Pas plus que des statistiques gribouillées par un abruti dans son bureau pourri ne sont fiables. Accroche-toi bien. On doit trouver Lana.