Chapitre 17

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Trois heures du matin. Tressie, à dix mètres du bâtiment des turbines, se préparait à vivre son baptême de l'air. Les autres enfants réunis à la centrale nucléaire observaient la scène à une distance respectable de leur meneuse de substitution, à la fois inquiets et curieux de voir si ça allait fonctionner. Selon ses ordres, le cadavre de Brittney avait été transporté dans un coin tranquille du parking et une bâche avait été posée dessus.

Howard, très réticent face à ce plan, avait remis à la secouriste improvisée un très beau couteau de chasse à la lame tranchante. Il lui avait expliqué qu'il lui venait de son père, qui lui-même l'avait hérité de son propre père, un vétéran émérite de la guerre du Vietnam. Mr. Bassem en avait fait cadeau à son fils le jour de ses 12ans, comme le voulait leur petite tradition familiale. Et aujourd'hui, il confiait cette arme d'une qualité exceptionnelle, probablement porteuse d'une histoire à la fois sanglante et glorieuse, à son ancienne camarade de classe.

Cette dernière, bien que très touchée, avait eu pour premier réflexe de refuser son présent. Mais le jeune homme avait insisté en le glissant lui-même dans sa ceinture, aux côtés d'un 9mm et d'un talkie-walkie que lui avait dénichés Dekka. « Mon père me l'a donné parce qu'il m'aimait et me pensait capable d'en faire bon usage. Exactement comme mon grand-père l'a fait avec lui. Je ne fais que perpétuer la tradition ». Tressie, ne trouvant rien à répondre, avait donc fini par accepter en lui promettant d'en prendre grand soin.

La conseillère du maire, désormais armée et fin prête à accomplir sa mission, avait donné la consigne à ceux restant à l'extérieur de continuer à agir comme si de rien n'était. De cette façon, si ceux de Coates jetaient un œil sur le parking, ils ne se douteraient de rien.

– Tressie, sois prudente, lui dit pour la énième fois Mike, toujours frustré de ne pas pouvoir l'accompagner. S'ils t'attrapent à nouveau...

Il laissa sa phrase en suspens. Ce n'était pas nécessaire d'aller au bout de sa pensée. Tous, et en particulier la concernée, savaient ce qu'elle risquait en cas d'échec. Mais à l'heure actuelle, seule la perspective de se retrouver suspendue dans les airs l'inquiétait. C'est pourquoi elle répondit avec beaucoup de flegme, les yeux scotchés sur le toit cible :

– T'en fais pas pour moi, Mike. Je gère. puis, orientant son regard vers Dekka, elle demanda, la voix soudain plus fébrile : Tu me lâches pas, hein ?

– Disons que je vais faire de mon mieux.

– Dekka, c'est pas ça que je veux entendre ! Assure-moi que tu vas pas me laisser m'éclater sur le sol.

– Le risque zéro n'existe pas, désolée.

Avec sa mine austère habituelle, impossible de savoir si elle plaisantait ou non. Dans le doute, Tressie décida d'insister :

– Je rigole pas, ok ? Si je tombe par ta faute, je t'électrocute.

– T'auras du mal à lancer des éclairs avec les deux bras cassés, répliqua son interlocutrice avec un sourire belliqueux.

– Déconne pas, j'ai pas envie de finir tétraplégique !

– Relax, va ! Tout va bien se passer ! Je crois.

Ne laissant pas le temps à la brune de protester, elle la visa de ses paumes et activa son pouvoir. Tressie décolla du sol. Elle ressentit la même chose que percevaient les astronautes placés en apesanteur. C'était plutôt agréable, aussi se détendit-elle. Du moins jusqu'à ce qu'elle s'arrête à deux mètres de la terre ferme.

– Bon, je vais devoir te lancer ! l'alerta Dekka, concentrée. Je vais te réceptionner à temps, t'en fais pas. Évite juste de gigoter, ou de paniquer. Je risquerais de te louper.

Hunger [Gone T.2]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant