J & L [M*M]

6- Boulot

Javier

─ Tu t'es fait cuisiner ? Il est déjà dix-sept heures quand même !

Nicolas se précipite aux nouvelles quand j'arrive.

─ On a travaillé tout l'après-midi.

Il ne m'a pas fait de câlin, mais j'ai adoré être près de lui, à l'admirer en douce.

─ C'est vrai ce qu'on raconte, il parait qu'il a viré Mona ? demande Corinne inquiète.

Les rumeurs vont vite dans cette boite !

─ Oui C'est horrible.

J'ai détesté et même si cette femme m'a mis souvent plus bas que terre, j'ai eu de la peine pour elle.

─ Je n'ai pas beaucoup plus d'informations, il se donne un mois pour réfléchir. Pour savoir qui ils vont garder, il m'a parlé de quelques postes.

─ Ce ne sera pas toi qui vas l'emporter ? insiste Ahmed.

─ Non ! C'est déjà plié ! Moi, je fais partie des licenciés ! Vous avez deux informations pour agir. Ils s'éloignent sans un mot de sympathie pour mon sort.

Léonard ne m'a pas dit franchement que j'étais viré, il ne l'a pas caché non plus.

Nous avions cru jusqu'à la semaine dernière, qu'il y aurait un combat entre les deux directeurs informatiques, que j'avais encore une chance si je daignais me battre. Cette perspective me glaçait et puis vendredi j'ai appris que je n'avais jamais eu aucune chance, parce qu'il n'est pas qu'un directeur informatique, c'est aussi un des patrons de la boite.

En même temps, quel soulagement de ne pas avoir à me battre, c'est plus rapide ! La certitude que c'est fini et que la coupure est actée va sans doute me permettre d'avancer. Dans tout ce tourbillon émotionnel, je réalise à peine que j'aie retrouvé mon L. Quel coup du sort incroyable, parce que quelle était la probabilité que ce soit un mec avec qui je sois amené à bosser ?

─ Ils nous font une fleur en nous accordant un mois. Ceux qui sont déjà passés avant ont eu leurs lettres de licenciement dans la semaine et d'ailleurs j'ai un autre scoop ! ajoute Corinne qui s'arrête pour ménager son suspense.

Si elle bossait autant qu'elle passe de temps à bavarder, elle serait une collaboratrice fabuleuse.

─ Lequel ? demandent les autres, tandis que je m'inquiète déjà de ce qu'elle a obtenu comme scoop.

Personne ne peut savoir pour nous deux ?

─ Il parait que Javier devait se faire virer aujourd'hui !

─ Comment tu le sais ? Je fais surpris, car Léonard l'a un peu évoqué, mais je n'ose croire à un reste de tendresse pour moi.

─ Un des gars de leur équipe est affirmatif, en théorie il comptait t'engueuler à la réunion et te virer dans la foulée, sauf qu'il a dû changer d'envie. Tu ne sais pas pourquoi ?

─ On se demande pourquoi d'ailleurs ! râle Jacquot agressif.

─ Allons boire un verre ! réclame Bruno, j'en ai marre.

─ Vous avez lancé les programmes de correction et mis en prod les dossiers ? je me dépêche de demander, alors qu'ils remballent leurs affaires.

─ Non ! Comment veux-tu qu'on ait la tête à travailler !

Ils se moquent de moi, ce n'est pas possible ! Je renonce, de toute façon à quoi bon s'embêter à bosser comme des fous, alors que notre sort est déjà plié.