15- Doute

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Javier


Léonard m'a écrit pour me dire qu'il avait une urgence à Londres. Il en a déjà assez de moi et c'est une excuse pour me fuir. C'est moche et lamentable, mais ça m'étonne qu'il ait besoin de ce genre de subterfuge pour me larguer.

Je ne me sens même pas trahi, juste triste. Il n'est pas redevable de quoi que ce soit, nous avons couché ensemble quelquefois, il n'y a jamais eu de promesses.

Mon chagrin d'amour est douloureux. Les journées sont interminables à la boite et je corrige et lance des programmes sans réfléchir comme un automate, limitant au maximum mes interactions avec les informaticiens de la boite de Léonard. Le désespoir me gagne et je lutte contre la dépression.

L'automne est arrivé d'un coup, il fait froid, c'est déprimant et je n'ai pas une seule proposition d'entretien pour un nouveau job. Le spectre du chômage se profile à l'horizon, ce qui n'arrange pas mon humeur. Je regarde sur les réseaux mon CV qui n'a pas suscité de réaction pour l'instant. L'angoisse me tenaille. Je ne sais pas ce qui me peine le plus entre la trahison de Léonard et la perspective de ne pas retrouver de travail. Je suis inquiet pour certains de mes collaborateurs, qui eux ont des bouches à nourrir.

La seule bonne surprise, c'est que l'ambiance du service a radicalement changé, elle est plus joyeuse, plus détendue, sans la clique de grincheux. Nous sommes moins nombreux, mais les programmes tournent mieux. Les démissions s'enchainent, ils quittent tous progressivement le navire en négociant des accords de départ. Je suis content pour eux, c'est qu'ils ont trouvé autre chose.

Le pire c'est que Léonard a confié les pleins pouvoirs à Julien en son absence, ce qui prouve bien qu'ils sont en couple.

Julien menace de me virer tous les jours.

Les remarques mesquines de Julien portent sur tous les domaines, sur mes équipes, les programmes, mes horaires. Je suis venu avec une tenue conçue par Ira : un pantalon bleu et une chemise bleue avec des étoiles, il a pété un câble, enragé.

─ Mais c'est quoi ces fringues !

─ De quoi je me mêle ! C'est un ami à moi qui est styliste, si tu veux je pourrais te donner son adresse.

En fait, il est gonflé de critiquer mes choix vestimentaires, car lui porte une veste orange étriquée, qui le boudine.

─ Il a voulu t'imiter, sauf que sur lui c'est une catastrophe, rigole Louise.

Je n'ai pas le cœur à rire, car même s'il est mal habillé, il a le mec que je veux, et cela me tue.

Je suis parti prendre un sandwich dépité pour ne pas manger avec lui quand Anet m'a rejoint à la cafète.

─ Ça va Javier ? Tout se passe bien.

Je grimace gêné, je compte les jours jusqu'à mon départ et ne suis même pas sûr de tenir jusqu'à la fin du mois.

─ Je ne voudrais pas me mêler de ce qui ne me regarde pas Javier, et je ne suis pas dans la tête de Léonard, mais malgré ces menaces Julien ne t'a toujours pas viré, à ton avis ça veut dire quoi ?

─ Qu'il a la flemme ? Qu'il aime me gueuler dessus ?

─ Peut-être qu'il n'a pas ce pouvoir.

─ Un oubli fâcheux

Elle éclate de rire et me dit qu'elle me laisse méditer. J'ai envie de tout envoyer promener.

Julien nous rebat les oreilles de Léonard, son amoureux.

─ Vous êtes ensemble alors ? demande Alexandra.

─ C'est marrant, la semaine dernière tu ne voulais rien dire et maintenant tu en parles sans arrêt ? ajoute Louise, qui décidément ne peut pas le voir.

Le vendredi est arrivé, une semaine sans lui et pas un message.

L'après-midi n'est pas cool, puisque nous subissons une nouvelle attaque informatique. Je travaille comme un fou pour prendre de vitesse le virus qui inversait les lignes. Nous avons eu de la chance de le détecter avant qu'il ne fasse des dégâts. J'ai convaincu mon patron de nous parer de logiciel antivirus sérieux et ils se sont révélés efficaces. Après avoir isolé les codes du virus, je le supprime, puis il est temps de récupérer les sauvegardes faites, en fait nous allons recommencer le travail de la journée. Pendant que je m'active, les autres ont tout stoppé. Julien et ses acolytes restent insupportables à vouloir appeler des experts. Ils vont nous couter une fortune et arriveront bien trop tard.

Malgré ce que je leur ai dit, ils ont décidé d'appeler Léonard en panique. Je suis surpris de leur attitude, car des attaques comme celle-là, nous en avons une par mois.

Julien nous fait savoir que son chéri Léonard leur donne l'accord pour prendre des experts. Je note malheureux qu'il n'a pas demandé à me parler. Je devrais ne plus m'impliquer et les laisser raquer à fond, puis finalement ma conscience me pousser à poursuivre ma course contre le virus.

─ Attendez deux minutes, j'ai presque réparé.

Quelques instants plus tard, j'ai stoppé l'attaque et remis les pare-feux en sauvant les données. J'ai des vrais automatismes et quelques petites astuces antipiratage que j'ai développées et que je suis content d'utiliser.

Julien et Chang vérifient un long moment que tout est rétabli, ensuite ils hésitent à rappeler Léonard pour lui demander son accord pour ne pas prendre la société extérieure. Ils sont ridicules !

─ Ne l'appelez pas ! C'est réparé et vous lui avez fait économiser de l'argent, il sera forcément content.

Ils continuent leur réunion entre eux.

─ Ils vont se faire mousser à ta place, râle Alexandra.

─ Aucune importance ! Je suis parti dans moins d'un mois.

Peut-être même plus tôt, si Julien me vire en mettant à exécution ses menaces.

Léonard veut sans doute se débarrasser de la preuve vivante de sa tromperie.

─ Si tu trouves un poste, tu penses à nous ? demande Sophie.

─ Si je peux, oui bien sûr, mais je suis comme vous j'ai déposé mon CV et pour l'instant, aucune réponse.

Tous les soirs, je pars tôt, malgré les remarques nauséabondes de Julien. J'ai besoin de me défouler en faisant du sport, c'est la seule chose qui m'aide à tenir.

Si moi je vais mal, je suis heureux pour Zoé qui vit son histoire avec un Romain qui est passé outre sa séropositivité. C'est si rare.

Zoé revit et nous raconte ses dates comme un gosse. Il n'y croyait plus. Ira a lui rencontre son copain et c'est le coup de foudre, le gars est génial. Je me réjouis pour eux et je pleure sur mon sort.


J & L [M*M]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant