27- Le château de Benoit

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Javier

Léonard est au volant de sa Lamborghini, il conduit trop vite !

J'admire le paysage, depuis un moment nous avons quitté l'autoroute pour rouler sur des petites routes de campagnes désertes et les bois s'épaississent, tandis que nous passons de temps à autre un hameau.

Le coin semble de plus en plus isolé, difficile de croire que nous ne sommes qu'a deux heures de Paris.

Nous sommes partis tard, j'ai eu une urgence à mon travail et ensuite il m'a fallu faire ma valise. Léonard m'a dicté ce que je devais emmener, dont un survêtement, un maillot de bain, un costume.

Je suis inquiet, car je ne suis pas un inconnu pour ses copains. Pour eux je suis le directeur nul qu'ils ont viré l'automne dernier. Leur boite marche bien.

Moi je suis heureux dans ma petite entreprise pépère et pourtant nous bossons beaucoup, et même avec l'étranger. J'ai aidé mon collègue qui s'occupe de l'Asie, car nous avons dû négocier avec les instances chinoises, nous avons obtenu l'accord pour travailler en Chine.

J'espère que je pourrais faire une petite balade en arrivant, Léonard est plutôt silencieux, songeur et pas très câlin ce soir, il me glisse juste à un moment que nous sommes inscrits à une course demain matin.

─ Je n'aime pas les couses !

Il sait maintenant ce que je veux dire par là.

─ Ce sera entre amis, je t'ai inscrit pour que nous restions ensemble, mais nous pourrons nous arrêter avant la fin, pas de pression.

─ Dans ce cas OK !

─ Tu ne t'inquiètes pas de la distance de la course ?

Je secoue la tête, nous venons de passer un village avec moins d'une dizaine de maisons il y a un moment, puis il tourne au milieu des bois, sur un chemin de terre, avec sa voiture de luxe, il exagère !

─ J'ai vu un sanglier là dans les bois.

─ Il y en a beaucoup.

Nous roulons ainsi quelques kilomètres, pour arriver dans un château éclairé comme un cristal au milieu des bois. Il éclaire un peu les alentours, dans la pénombre, je ne distingue pas grand-chose, mais je devine un étang au loin, dans lequel la lune se reflète. Une verrière immense, éclairée, permet d'apercevoir les piscines, c'est magnifique.

Quand nous sortons de la voiture, un groupe de personne sort du château, ils ont tous des verres à la main, le moment de vérité est arrivé.

Benoit me regarde en souriant, Tanguy est juste derrière. Je les salue d'un hochement de tête intimidé.

─ Ça alors Javier ! s'exclame Benoit, manifestement surpris.

Léonard m'avait dit qu'il n'a jamais parlé de nous, mais je n'y croyais pas vraiment. On dirait pourtant, qu'en effet, il ne leur a jamais avoué la vérité. Est-ce qu'il avait honte de moi ?

Je m'efforce de ne pas trembler, de rester impassible.

─ Laisse-moi le présenter, rigole Léonard qui me tire vers lui et m'attrape par la main.

Il s'approche de ses amis, me remorquant derrière lui, horriblement intimidé.

─ Vous vous rappelez tous que je vous ai emmerdé avec mon J ?

Ils approuvent tous, moqueurs.

─ Bande de traitres, râle Léonard

Ils sont une dizaine, ils ont l'air de bien se connaitre et connaissant le caractère de trois d'entre eux, je pense que je vais faire complètement tache.

Qu'est-ce qu'il m'a pris de l'accompagner ?

Le gars que nous avons vu en Visio, son ex, qu'il a l'air de toujours aimer d'ailleurs, arrive avec deux coupes de champagne, bousculant tout le monde comme s'il était chez lui. Il enlace Léonard sans s'occuper de moi, je me sens invisible face à ce gars solaire. Il est aussi beau en vrai qu'à l'écran, je n'ai qu'une envie c'est partir.

Il dégage une énergie, une présence, on ne voit que lui. et il me fait passer pour un crétin fini.

Pourquoi mon père a-t-il présenté Léonard à la gendarmerie ! Que va-t-il dire maintenant ? Non désolé ce n'était pas le bon mec de mon idiot de fils.

Ils restent enlacés un long moment tous les deux.

Je m'efforce de rester stoïque alors qu'ils boivent en croisant leurs bras, odieusement proches. J'ai l'impression pour ma part qu'ils sont seuls au monde, tout le monde les admire.

Leonard ne m'a toujours pas lâché et après quelques instants dans leur monde à eux, il se tourne vers moi, comme s'il se rappelait que j'existais et me fait boire à mon tour.

J'ai l'impression d'être l'enfant dont il se rappelle.

─ Donc voilà mon J, je l'ai retrouvé : Il s'appelle Javier Jallabert.

─ Ça alors, je suis sur le cul. C'était lui ? s'exclame Tanguy.

─ Toujours élégant, se moque Gaspard.

─ Javier, tu connaissais Léonard d'avant ? insiste Benoit incrédule.

─ Oui.

Je ne suis pas très disert, j'ai l'impression de voir mon prof de communication, qui secoue la tête de frustration, en se mettant la main devant les yeux. Un seul petit mot, c'est tout ce que j'arrive à sortir.

La pression m'étouffe. Les bois nous entourent, si nous étions en ville, je serais déjà partie, pour rentrer chez moi. Les autres continuent de deviser sans s'occuper de mon étrange mutisme. Ils n'ont pas l'air choqués par mon imbécillité.

─ Vous n'avez rien dit, vous avez caché votre secret un moment ! ricane Tanguy.

─ Je ne suis pas resté très longtemps non plus !

C'est sorti tout seul. Un reste de colère, parce que toutes ces charmantes personnes, pleines de pognons, le gagnent en virant des gens, mine de rien ! Ce qu'ils oublient allègrement dans leur château au fond des bois.

J'ai gardé le contact avec mon ancienne équipe, ils vont tous bien et ils ont tous retrouvé quelque chose, mais ce n'est pas grâce à ces gens. La plupart vivent dans des HLM ou des cités, pour la plupart des T2 ou des T3 loin du luxe du château de Benoit. Certains se sont reconvertis et ont arrêté l'informatique.

Léonard ne le sait pas, mais j'ai encore des relations avec Alexandra et Sébastien qu'il a embauché dans son staff.

─ Rentrons, décrète Benoit, nous allons mettre Javier sur le gril !

Je sursaute, décidé à me défendre, à ne pas me ridiculiser. Je croise le regard de Léonard quelques secondes, il est neutre, puis déjà retourne vers Gaspard qui l'accapare.

Je soupire silencieusement.

J & L [M*M]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant