𝐈𝐕

2.1K 142 54
                                    

Je fermai la porte de ma salle à clef puis je me dirigeai vers la salle des profs. Il faisait froid aujourd'hui. Si froid que même les couloirs du lycée pourtant chauffés étaient quand même bien frais. Je marchais d'un pas décidé, mes talons claquant sur le sol carrelé. J'arrivai au bout du couloir qui donnait sur l'agora. Je m'apprêtais à esquiver une foule d'élèves qui s'attardait là, lorsque je sentis une masse me cogner. Mon corps jusque-là gelé devint bouillant au niveau de mon torse.

    — Putain ! jurai-je.
    — Langage, Miss Rey !

    J'oubliai un instant mon chemisier tâché par du café brûlant pour me concentrer sur la personne que je venais de percuter. Je vis Kalter, les sourcils froncés, prête à me faire la morale pour avoir osé toucher à sa personne sacrée. Cependant, un rire moqueur passa la barrière de ses lèvres rouges. Je sentis la même colère que j'avais ressenti durant le weekend m'envahir.

    — Ça donne un style, ajouta-t-elle avant de ricaner à nouveau.
    — Vous pourriez au moins vous excuser !

    Mon chemisier blanc était désormais marron et me collait à la peau. Ça m'apprendra à ne pas fermer mon manteau. La chaleur de mon estomac causée par la colère surpassait désormais celle du café. Je n'avais jamais été aussi proche de la frapper. Je remarquai à peine les élèves autour de nous qui nous regardaient comme si nous étions des bêtes de foires. Kalter finit par se reprendre.

    — J'ai du linge de rechange, ça sera plus utile que de fausses excuses.

    Elle fit demi-tour pour regagner les bureaux administratifs. Je l'entendis rire encore une fois, visiblement ravie de cette malchance. Je la suivis malgré moi jusqu'à son bureau qui n'avait pas changé par rapport à la semaine dernière, excepté que le stock de pommes n'était plus aussi conséquent. Elle ouvrit un tiroir de son bureau et en sortit un chemisier bleu en satin. Elle me l'apporta pendant que je commençais à me déshabiller. Ma peau était elle aussi couverte de café, je sortis un mouchoir pour l'éponger.
    Le regard insistant de Kalter sur mon corps bien trop nu me fit rougir. Je relevai les yeux et je vis les siens se détourner immédiatement. Était-elle entrain de me matter ? Ne me dites pas que cette femme était attirée par les femmes !

    — Pourriez-vous vous dépêcher ? me pressa-t-elle, visiblement gênée que je l'ai prise la main dans le sac.

    Un petit sourire carnassier s'invita sur mes lèvres pendant que j'enlevai complètement mon chemisier. J'attrapai son vêtement et l'enfilai, surprise qu'il soit parfaitement à ma taille. Kalter se retourna et alla à son bureau où elle prit place. Je terminai de me rhabiller, je rangeai mon haut sale dans mon sac à main et je m'avançai face à son bureau. Elle avait un stylo à la main, lisant un document, sa main gauche dans ses cheveux. Son visage était fermé, concentré, imperturbable.
    Et sous cet angle je remarquai un détail que je n'avais pas vu jusque-là. Une fine ligne verticale juste au-dessus de sa lèvre supérieure. Elle semblait vieille, provenant sûrement de son adolescence ou de sa jeunesse. Je me surpris à l'imaginer, vers ses seize ans, en tant que rebelle populaire du lycée. S'était-elle battue pour avoir cette marque ? La Méchante Reine usait donc vraiment de la violence ? Je n'avais aucun jugement à émettre, je n'étais moi-même pas une sainte. Il n'y avait qu'à jeter un coup d'œil à mon dossier scolaire pour le savoir.

    — Miss Rey, le fait que vous me regardiez ainsi me dérange beaucoup.

    Je me ressaisis. Son regard sombre se détacha du document pour venir rencontrer le mien. Mon cœur loupa un battement tant ses yeux me subjuguaient.

    — Je... Hum... Merci pour le haut, bégayai-je.

    Elle retourna dans son papier, mes paroles ne lui ayant fait ni chaud, ni froid.

KALTER || 𝐬𝐰𝐚𝐧𝐪𝐮𝐞𝐞𝐧Où les histoires vivent. Découvrez maintenant