Le lendemain, j'entrai en salle des professeurs durant la récréation du matin. Je venais tout juste de commencer ma journée mais la fatigue se faisait déjà ressentir, j'avais passé une partie de la nuit à apprendre les cours que je devais faire à mes élèves. Certains professeurs me saluèrent, je fis de même avant d'aller m'asseoir sur la grande table qui trônait au milieu de la pièce. Je profitai de ces quinze minutes pour m'occuper de mon travail politique qui, bien que mit entre parenthèses, ne devait pas être négligé. Je travaillais sur un projet de loi concernant les emballages plastiques qu'il fallait absolument bannir avant l'année prochaine. Nous étions en novembre, cela faisait court. Mais des mesures, même radicales, devaient être prises.
Je fus bientôt rejointe par quelques collègues qui se tournèrent vers moi.— Vous nous racontez pas ?
Je relevai les yeux vers l'homme qui avait parlé. Lui raconter quoi ? Ma première journée de cours ? Je ne suis pas sûre que ça soit vraiment intéressant.
— De quoi parlez-vous ? l'invitai-je, poliment.
— De ce que vous avez dit à la Méchante Reine ! Tous les élèves n'ont que vos noms à leur bouche ! ajouta une autre professeure.Ah ! je me disais bien aussi...
Ils me demandèrent des précisions sur l'épisode de la classe, et aussi les petits suppléments que je pouvais leur apporter. Ils avaient soif de commérages, pire que leurs élèves, et réagissaient vivement à tout ce que je leur apprenais. Tout était étrangement semblable à ce que j'avais vécu, à l'époque où j'étais moi-même lycéenne ici. J'étais populaire, connue de beaucoup, dans tous les niveaux, sur mes quatre ans. Tous les profs, ou du moins quasiment tous, connaissaient mon nom et ma réputation. Elle était très controversée, d'ailleurs. Certains comprenant mon comportement, d'autres me voyant comme une gamine en quête d'attention.— Vous êtes entrain de devenir la star de ce lycée, Madame Rey.
— Vous pouvez m'appeler Emma.La porte de la salle s'ouvrit. Ils tournèrent la tête pour vérifier que ce n'était pas celle qu'ils redoutaient mais heureusement, il ne s'agissait que de l'une de nos collègues.
— Noelia, il faut absolument que tu entendes ça !
À l'entente de ce prénom, je me tournai immédiatement pour voir s'il s'agissait bien de celle que je pensais. Des cheveux dorés, un visage délicat, fin, jeune, des yeux en amande, cette même morphologie svelte, elle n'avait pas changé. Je sentis mon cœur se serrer douloureusement. Elle était arrivée au lycée durant ma deuxième année de terminale, et j'avais, ou du moins je le croyais, eu un gros faible pour elle. Il faut dire qu'elle sortait du lot, loin de tous ses vieux collègues. Elle était belle, magnifique même, comme une sirène au milieu de requins. Son regard se posa un court instant sur moi, m'interrogeant sur mon identité. M'avait-elle reconnu ? C'était peu probable, elle n'avait aucune raison de savoir qui j'étais.
Elle s'avança vers la tablée et choisit de s'asseoir en face de moi. Mes collègues, non sans exagérer certains détails, commencèrent à lui raconter mes péripéties pendant que j'observais ses réactions. Je remarquai aussi de nombreuses rides sur son visage autrefois lisse et parfait, ainsi que ses dents qui avaient jaunies à cause du café. Elle avait toujours ce charme singulier qui, lui, s'était renforcé avec le temps et même douze ans après, ne me laissait pas indifférente.— Ah, c'est vous la fameuse Emma Rey dont tout le monde parle ! s'exclama-t-elle, finalement.
— Enchantée, lui dis-je.Elle m'offrit son magnifique sourire.
La fin de la récréation ne tarda pas à sonner et on se mit en route pour aller en cours. Je pris mon temps pour ranger mes affaires, je n'étais pas pressée. Les groupes initiaux se reformèrent, et je fus dans les dernières à quitter la salle des professeurs. Je marchai dans les couloirs, me mélangeant à la foule d'élèves, passant devant les salles de langue où j'entendis qu'on m'appelait. Noelia s'avança vers moi.
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KALTER || 𝐬𝐰𝐚𝐧𝐪𝐮𝐞𝐞𝐧
ФанфикEmma Rey se voit devenir professeure pendant un mois pour remplacer un de ses vieux amis gravement malade. Ce dernier l'a prévenu que l'ambiance n'était plus la même qu'à l'époque où elle y était élève, à cause d'une certaine Regina Kalter, femme de...