𝐈𝐈𝐈

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 Je garai ma voiture sur le parking de l'Assemblée Nationale. J'attrapai ma pochette cartonnée sur le siège passager et je m'empressai d'entrer dans l'immense édifice parisien. J'empruntai le chemin habituel pour débarquer dans le grand amphithéâtre ou une bonne partie des députés et sénateurs étaient déjà rassemblés. Je pris place dans les premiers rangs, au centre de l'estrade, sachant que je devrais me lever dans peu de temps pour faire la présentation de mon projet de loi. J'étais légèrement angoissée, même si je savais que ça allait bien se passer.
On attendit quelques minutes que la salle se remplisse encore, puis on inaugura la séance de la matinée. Je fus rapidement appelée, alors j'allai au micro, face à plus de huit cents personnes. J'ouvris la pochette et sortis mon dossier d'où je pris mes notes, même si je savais parfaitement de quoi je devais parler. C'était toujours rassurant d'avoir un support, au cas où je perdais le fil.

— Comme la plupart d'entre vous le savent, le réchauffement climatique est devenu l'une des principales préoccupations du peuple et surtout de la jeunesse. C'est donc pour cette raison que je...

Je fus coupée par la porte qui s'ouvrit dans un grincement dérangeant. Habituellement, personne n'osait se présenter lorsque ses grandes portes étaient fermées, mais quelqu'un avait choisi que je le déteste. C'est en tournant la tête que je compris que ça ne faisait que me rajouter un tiret sur la liste des choses qui rendait cette personne détestable. Des cheveux noirs, des yeux chocolat maquillés de nuances sombres, des lèvres rouges sang, une mâchoire marquée, un corps de déesse camouflé sous un chemisier assorti à ses lèvres et une jupe crayon, eux-mêmes dissimulés par un long manteau d'hiver.
La Méchante Reine avait fait son entrée.

— Vous êtes en retard, Madame Kalter, la modéra le Président de la Chambre.
— Toutes mes excuses, monsieur, répondit-elle en me regardant, un sourire diabolique sur ses lèvres. J'ai eu un léger contre-temps...

Je la suivis de regard pendant qu'elle prit place à côté de moi. Qu'est-ce qu'elle faisait là ? Et surtout comment avait-elle réussi à rentrer ? Pourquoi le Président du Sénat la connaissait-elle ? Elle avait une démarche féline, prenait bien tout son temps pour qu'on la remarque, testait ma patience. Je crois que je n'ai jamais autant détesté quelqu'un.

— Reprenez, Madame Rey.

Je me reconcentrai sur mon projet de loi après avoir bien fait comprendre à Kalter que je ne comptais pas en rester là.

— Donc, je disais...

Je repris ma présentation tout en essayant de ne pas me laisser distraire par la brune qui enlevait son manteau avec plus de temps qu'il n'en fallait. Je jetai un coup d'œil à l'auditoire composé majoritairement d'hommes qui louchaient sur son décolleté prononcé. Cette salope était entrain de gâcher l'entièreté de ma prestation et de mon travail, et elle allait me le payer.

— Excusez-moi, je peux avoir votre attention ? m'indignai-je.

Ils se tournèrent vers moi, même si leur regard glissait de temps à autre vers Kalter. Je lui lançai un regard glacial, prête à lui refaire le portrait à la fin de la séance. Je repris une seconde fois ma présentation. Cette fois-ci fut la bonne, je pus enfin proposer mon projet de loi sans être dérangée davantage. À la fin de ma prestation, les élus me posèrent des questions, tentèrent de prouver la tangibilité de mon projet, comme ils le faisaient à chaque fois. Je répondis à toutes leurs questions avec des arguments pertinents et, pour la plupart, indémontables. On procéda ensuite aux votes à mains levées. Le Président de la Chambre demanda aux élus favorables à l'adoption du projet de lever leur main. Une grande majorité s'exécuta. Il demanda quand même à ceux contre de se proclamer, quelques mains se levèrent, mais Kalter ne fit rien.

KALTER || 𝐬𝐰𝐚𝐧𝐪𝐮𝐞𝐞𝐧Où les histoires vivent. Découvrez maintenant