𝐗𝐈𝐗

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TW : suicide.

J'étais assise dans ma voiture, garée sur le parking de l'Assemblée. J'attendais que la pluie se calme pour sortir, tout en essayant de rassembler assez de courage pour affronter la longue journée qui se dressait face à moi.
    Je m'étais réveillée avec une boule au ventre qui ne m'avait pas quitté depuis. J'avais à peine réussi à croquer dans une madeleine. L'angoisse de revoir Gold, de croiser son regard noir et mauvais, en sachant qu'il n'était pas derrière tout ça me hantait. À vrai dire, je le pensais toujours coupable. Il n'y avait que lui pour être capable d'une telle chose. Les enquêteurs n'avaient seulement pas trouvé tous les éléments, ils étaient forcément passés à côté d'un détail infime qui ferait toute la différence.
    Je me retenais de redémarrer et de partir. Je serais tellement mieux chez moi, au chaud dans mon lit, qu'entre tous ces requins de la politique. Mais une petite partie de moi voulait que je reste et que j'affronte. Que je sois forte. Pour une fois.
    Je jetai un coup d'œil à mon téléphone qui m'indiqua que la séance commençait dans cinq minutes et que je ferais mieux de me dépêcher. J'avais ma main droite posée sur la clé. Soit je démarrai et je m'en allai, soit je l'enlevai. J'imaginais le sourire de Gold en me voyant encore absente, la satisfaction que ressentiraient mes ennemis si je ne me présentais pas. Je serais un problème en moins, ils auraient moins de mal à faire passer des réformes à la con, des lois totalement stupides et inégales. C'était hors de questions.
    Alors j'ôtai la clé du contact, attrapai mon parapluie et je me dirigeai vers le grand bâtiment parisien. Je relevai le menton, je marchais fièrement, rassemblant toute la confiance en moi que j'avais pour le paraître. J'avais lu quelque part que, si on faisait comme si on avait déjà ce qu'on désirait, on finissait pas l'obtenir. Je désirais que Gold soit derrière les barreaux et Regina vengée. Je désirais être forte et courageuse.
    Je gravis les marches une à une, respirant à pleins poumons l'air frais et pollué de la capitale. Je pouvais le faire. Mes talons claquaient sur le sol de l'édifice. Je secouai mon parapluie et le rabattis avant de rentrer. J'arpentai le même chemin dont j'avais l'habitude depuis les années que j'exerçais, et c'était bien la première fois que j'y ressentais aussi peu d'enthousiasme. La salle était déjà bien remplie, et je sentis tous les regards se braquer sur moi lorsque je marchais jusqu'à ma place. Habituellement, cela ne me dérangeait pas d'être le centre de l'attention. Cependant, aujourd'hui, cette attention était ponctuée d'un fort jugement, d'une grande haine, ou alors d'une pitié dont je n'aimais pas en être l'objet. Le volume sonore s'était réduit de moitié, des messes basses avaient commencé à se faire.
    Je suis courageuse, je suis forte, me répétai-je. Je n'ai pas peur.
    J'allais m'asseoir au centre de l'Assemblée, comme d'habitude. Mes mains tremblaient. J'espérais que ça ne se remarquait pas. J'avais bandé mon poignet gauche au cas où la douleur se réveillait. Ça arrivait par intermittence, je n'avais pas porté l'attèle aussi longtemps que j'aurais dû, c'était devenu trop handicapant au quotidien. Je sortis mes affaires et j'attendis patiemment le commencement de la séance.
    La porte se ferma quelques secondes après. Mon regard se posa sur l'entrée de la salle d'où je distinguais une silhouette boiteuse qui m'était familière. Mon cœur loupa un battement et je sentais mon corps s'échauffer. Je pris une profonde inspiration. Je pouvais le faire.
    Ses yeux noirs croisèrent les miens. Il sembla surpris de me voir, mais cette surprise ne resta pas longtemps sur son visage. Un sourire malhonnête glissa sur ses lèvres pendant qu'il prit place dans les rangs de droite. Je ressentais énormément de colère envers lui. Je croyais bien ne jamais avoir autant détesté quelqu'un de ma vie auparavant. Les battements de mon cœur s'apaisèrent à mesure que la séance débutait, pour finalement que j'oublie toute mon angoisse.
    Et pour la première fois de ma vie, j'avais réussi à affronter.

     Le bruit régulier de l'électrocardiogramme rythmait mon récit. Ma main tenait la sienne, je me sentais mieux ainsi. La pluie printanière s'abattait contre la fenêtre de sa chambre, produisant un doux son apaisant.
    Ses yeux étaient clos, elle était toujours plongée dans le monde inconnu de l'inconscient. Et moi, pour combler ma solitude et mes remords, je lui racontais ma semaine à l'Assemblée. J'espérais très fortement qu'elle ne m'entendait pas, je n'imaginais pas la honte que je pourrais ressentir si c'était le cas. De toute façon, je partais bientôt. Je venais lui dire au revoir.
    Cette semaine avait été merdique. Les regards insistants n'avaient pas cessé et ils m'avaient hantés durant toutes les sessions. Sans parler de Gold. Cette enflure était venue me voir, tout à l'heure. Il m'avait dit qu'il était désolé pour l'explosion, que Regina soit dans le coma. Que j'avais eu de la chance de m'en être sortie comparé à elle. Que c'était de ma faute si elle était inconsciente.
    J'avais craqué. Je l'avais baffé.
    J'avais été vue, évidemment. De nombreux députés avaient aussitôt accourus pour savoir ce qu'il s'était passé. Je m'étais contentée de quitter l'édifice pour rejoindre le parking. Je ne voulais plus avoir affaire à eux.
    Instinctivement, je m'étais dirigée vers l'hôpital. C'était là que se tenait les deux seules personnes en qui j'avais confiance. Au début, je voulais aller voir Thomas, lui raconter tout ce qu'il s'était passé, qu'il me conseille sur ce que je devais faire. Mais à la jonction des deux couloirs, je n'étais plus sûre d'avoir besoin de lui. J'avais besoin qu'on m'écoute, sans jugement, sans contradiction. Je ne voulais pas de conseils, ça ne ferait que m'obstiner à suivre mon chemin.
    Alors j'avais tourné à droite pour aller à la chambre de Regina, j'avais pris une chaise et j'avais déversé tout ce que j'avais sur le cœur à propos de cette situation plus que merdique.
    Maintenant je la regardais, reniflant toutes les trois secondes parce que je n'avais pas de mouchoirs sur moi. Mon pouce caressait le dos de sa douce main dont la chaleur me réconfortait. Tant mieux qu'elle n'ait pas eu à subir tout ça. Tant mieux qu'elle soit dans un univers reculé de la réalité. J'espérais qu'elle faisait de beaux rêves. C'était tout ce que je lui souhaitais.
    Le soleil déclinait à l'horizon lorsque je reposai les yeux sur la fenêtre, plongeant la chambre blanche dans l'obscurité. J'allais devoir y aller, rentrer chez moi, préparer ma valise.

KALTER || 𝐬𝐰𝐚𝐧𝐪𝐮𝐞𝐞𝐧Où les histoires vivent. Découvrez maintenant