Une semaine s'était écoulée depuis l'incident. Une longue semaine passée seule, entre les quatre murs de mon appartement quasiment vide puisque toute la décoration avait volé en éclat durant le cambriolage. Je me sentais mal, ici. Je n'étais plus en sécurité, je n'étais plus à l'abri. Seulement, partir me demanderait trop d'effort, et je m'étais promis de rester, au moins jusqu'à ce que Thomas s'en aille. Le médecin m'avait arrêtée pendant une semaine, j'étais censée retourner à l'Assemblée demain. Je n'en avais pas la moindre envie. J'étais terrifiée à l'idée de croiser le regard de Gold, ses yeux dépourvu de lumière, reflétant sa cruauté. Je l'imaginais me sourire de ses dents en or, claudiquant avec sa canne en bois. C'était une vision d'horreur. Je ne voulais pas croiser le regard du type qui avait envoyé Regina dans le monde de l'inconscient, à la délicate limite entre la vie et la mort.
En songeant à Regina, mon cœur se serra et une boule dans ma gorge se forma. Je commençais à réaliser qu'elle était dans un état de lutte infinie, et qu'elle n'en sortira probablement jamais. Je ne voulais toujours pas aller la voir à l'hôpital. J'avais encore la trouille à l'idée de la voir dans des draps blancs, le visage pâle, les yeux clos. Pourtant je le devrais. Je devrais l'aider. Elle avait été si gentille avec moi, si patiente, que je lui devais au moins une visite à l'hôpital. Même si ça me brisait le cœur, peut-être que ça aidera le sien à se raviver, à la ramener auprès de moi. Je ne comprenais pas pourquoi j'étais autant affligée par son absence. On ne se connaissait pas, je ne croyais même pas qu'on était amies. Juste les mères d'Henry. On collaborait, tout simplement. Et c'était parfait comme ça, ça nous suffisait. Peut-être que sans cet accident, on serait amies à l'heure qu'il est. On aurait peut-être franchi ce cap. On aurait pu être autre chose, si je n'avais pas accepté ce qu'elle m'avait proposé.
Allongée sur mon canapé, je fixai le plafond blanc. La télévision était allumée pour me fournir un fond sonore et étouffer mes pensées envahissantes. Je voulais arrêter de penser.
Noelia m'appelait régulièrement pour prendre de mes nouvelles. On ne discutait jamais très longtemps, elle était occupée par sa fille et Henry. Je l'écoutais plus que je ne lui parlais, à vrai dire. Bien souvent, les seules choses que je disais durant l'appel étaient "ça va, et toi ?" et "à bientôt, bonne soirée". Je n'avais rien à dire de toute façon. Je ne faisais rien de mes journées. Je prenais à peine une douche, quand j'en avais la motivation et je mangeais pour survivre. Je n'avais pas non plus beaucoup parlé à Henry. Je pensais qu'il m'en voulait pour ce qui était arrivé à sa mère, pour l'accident. Et je le comprenais. Je m'en voudrais aussi à sa place. Comme je m'en voulais actuellement.
C'était aussi pour ça que je n'allais pas voir Regina. Je culpabilisais de son sort. Je savais qu'à la seconde où je la verrais, je me mettrais à pleurer et à l'implorer de me pardonner. Je me disais aussi qu'elle n'avait pas envie de me voir, qu'elle m'en voulait elle aussi, sans doute.
Et sans que je ne sache pourquoi, mon esprit se mit à me rappeler le jour où on s'était rencontrées. Un matin de novembre, où il faisait nuit et froid, où elle était apparue au seuil de la salle des profs, vêtue de son tailleur gris. Ses cheveux étaient plus courts que maintenant et elle avait une mèche sur le côté. Elle paraissait détestable à cette époque, et pourtant je l'aimais déjà. J'aimais sa prestance, son charisme, son sarcasme, quand elle m'appelait Miss. Et son parfum. Son doux parfum à la fleur d'oranger que je sentais au tournant d'un couloir, signe qu'elle était passée quelques secondes avant, ou quand elle se tenait face à moi, me faisant la morale sur ma conduite. Puis son sourire éclatant, qui pourrait faire tomber n'importe qui, et la douce mélodie de son rire. Ses jambes, ses fesses, sa taille, sa poitrine. Tout était parfait chez elle. Absolument tout.
Et il avait fallu qu'on se retrouve là pour que je m'en rende compte.
Un cognement à ma porte me fit sursauter, me sortant de mon état léthargique pour me faire entrer en état de stress. Etait-ce mon heure ? Gold était venue m'achever ?— Madame Rey, c'est le lieutenant Crochet. J'ai besoin de vous parler.
La pression redescendit aussi rapidement qu'elle était montée. Je poussai un léger soupir de soulagement. Il fallait que j'arrête d'imaginer le mal partout. Surtout que j'étais protégée et surveillée. Un gardien avait été nommé en bas de mon immeuble et vérifiait qui entrait et sortait, et on m'avait installé un bouton d'urgence sur mon nouveau téléphone. Je n'avais normalement aucune raison de m'inquiéter. Seulement, mon cerveau ne pouvait s'empêcher de créer les pires scénarios.
Je me levai péniblement de mon canapé qui avait pris la forme de mon corps tellement j'étais restée dessus longtemps. Je me redressai doucement pour ne pas avoir la tête qui tourne, éteignis la télévision, puis je m'avançai vers ma porte. Je regardai quand même dans l'œillet pour être sûr qu'il s'agisse bien du lieutenant Crochet ; c'était le cas. J'ouvris la porte, sans me soucier de si j'étais présentable ou non. On se salua poliment, et je l'invitai à entrer. Je lui demandai s'il voulait boire quelque chose, il accepta un café noir, sans sucre.
Mon cœur se serra en se rappelant Regina me dire la même chose, en novembre, après m'avoir traité de secrétaire. Pourquoi je me souvenais de ça ? Je ne croyais pas que ça m'avait tant marqué.
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KALTER || 𝐬𝐰𝐚𝐧𝐪𝐮𝐞𝐞𝐧
FanficEmma Rey se voit devenir professeure pendant un mois pour remplacer un de ses vieux amis gravement malade. Ce dernier l'a prévenu que l'ambiance n'était plus la même qu'à l'époque où elle y était élève, à cause d'une certaine Regina Kalter, femme de...