KALTER || 𝐬𝐰𝐚𝐧𝐪𝐮𝐞𝐞𝐧

𝐕

 Noelia et moi arrivâmes dans un restaurant espagnol très chic du centre-ville. Une agréable odeur de sauce tomate et de fruits de mer emplit mes narines lorsque j'entrai. Une serveuse nous accueillit poliment, Noelia lui glissa quelques mots dans sa langue maternelle que je ne comprenais pas. Je la laissai se débrouiller, elle m'avait dit pendant le trajet en voiture être une habituée des lieux. La serveuse, rassurée de croiser une de ses semblables, fut encore plus chaleureuse envers nous. Elle nous guida vers une table non loin d'une cheminée allumée pour nous réchauffer du froid de novembre.
Je les suivis docilement, jetant un coup d'œil à l'architecture du restaurant qui me paraissait bien plus asiatique qu'espagnole. Il y avait des lampions rouges qui étaient accrochés aux poutres de bois, l'ambiance était tamisée, sombre, romantique. Sur le mur, des fresques aux motifs japonais étaient encore présentes. Je n'avais pas beaucoup de savoir dans la culture japonaise, pourtant ces sigles ne m'étaient pas inconnus, même si je ne saurais dire où je les avais déjà aperçus.
On s'asseya sur la banquette moelleuse d'un rouge foncé et la serveuse alluma une bougie sur la table pour nous éclairer qu'elle rangea dans une cabine en verre. Elle fit un aller-retour pendant qu'on enlevait nos manteaux pour nous donner les cartes du menu. Une fois qu'elle fût éloignée, Noelia me demanda :

— Alors, que pensez-vous de l'endroit ?
— C'est...

Je cherchais un mot pour le décrire. Je m'y sentais bien, il faisait bon et c'était beau mais je n'aurais jamais deviné que c'était un restaurant espagnol.

— ... atypique, terminai-je, trouvant que le mot était très juste.
— C'est un ancien restaurant chinois qui a été racheté par l'oncle et la tante de Mira, la demoiselle qui nous a placé. Ce sont des vieux amis de mes parents. Ils n'ont pas encore touché à la décoration, je ne sais même pas s'ils comptent le faire. Peut-être refaire la peinture, mais l'ambiance est tellement... atypique, comme vous l'avez dit. J'aime beaucoup venir ici.

Je lui offris un petit sourire amical avant de me pencher sur le menu. J'avais eu une grosse journée et j'avais très peu mangé ce midi, mon ventre me criait famine depuis plus de deux heures. De voir tous ces noms de plats aussi appétissants les uns que les autres ravivait la faim que j'avais étouffée. Je demandais conseil à Noelia qui connaissait bien les spécialités de son pays d'origine et qui m'aida donc à faire mon choix.
On nous servit l'apéritif puis on prit nos commandes. Le restaurant était étrangement bien rempli pour un mardi soir. Je remarquai pas mal de couples, de familles mais surtout de retraités qui mangeaient avec appétit. Mon ventre émit un bruit, me témoignant de son besoin urgent d'être alimenté.

— Ça fait combien de temps que vous n'avez pas mangé ? ricana ma collègue.
— Depuis ce midi, mais je n'ai quasiment rien avalé.
— Vous avez des difficultés à manger ?
— Non, du tout. Je mange beaucoup le matin, et je tiens généralement jusqu'à quatorze heures, c'était l'heure de ma pause à l'Assemblée. Donc quand je dois manger à midi, je n'ai pas grand faim, expliquai-je.

La discussion se poursuivit sur le sujet de mon poste de députée. Noelia n'avait pas beaucoup de savoir en politique, j'essayai de lui expliquer les choses de la manière la plus simple possible. On dévia ensuite sur mon arrivée au lycée, ma relation avec Borne. Je lui appris que je le connaissais de mes années lycées, elle m'avoua qu'elle avait beaucoup entendu parler de moi à cette époque.

— Je sais, j'avais ma réputation, soupirai-je.
— Ne nous attardons pas sur ça, je sais que vous n'êtes plus comme ça.
— D'ailleurs, vous êtes restée au lycée tout ce temps ?
— Non, j'ai été traînée dans la région encore quelques années après, le temps que je me fasse une ancienneté. On m'avait ramené ici, puis j'ai rencontré quelqu'un donc je me suis posée. Peu de temps après, ou devrais-je dire trop peu de temps après, j'ai eu ma fille et c'était plus simple que je reste. J'avais mes petites habitudes, l'établissement est bien placé, c'est que du bonheur pour une mère célibataire.