Chapitre X

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Du sang, beaucoup de sang... un titan au loin, occupé à broyer les os d'un humain déjà mort. La pluie ne cessait de tomber de plus en plus fort. Son cœur battait à tout rompre, l'inquiétude le rongeant de l'intérieur. Son cheval prit peur et il le fit tomber sur ses genoux. Ce qu'il vit le terrifia ; la tête décapitée de Isabel... elle qui l'avait suivi jusqu'ici aveuglément et qui le voyait comme un grand frère... Isabel qui, malgré son passé douloureux, avait gardé une certaine joie de vivre. Ses yeux étaient grands ouverts et ils ne disaient qu'une chose ; "j'ai peur."

Il avait de plus en plus de mal à respirer, ne comprenant pas ce qui était en train de se produire. Comment en était-il arrivé, là ? Le titan continuait de gesticuler et d'avaler le corps d'un homme. En observant de plus près, il vit que c'était uniquement la moitié d'un homme... Et pas n'importe lequel, celui de... Farlan, son meilleur ami. Traumatisé par la scène chaotique qui se jouait devant lui, il ne bougea pas quand le titan s'approchait de lui. Il ne fit rien non plus quand le titan le prit dans sa main immense. Il avait été inutile...il n'avait pas été présent lorsqu'ils avaient eu le plus besoin de lui. Son cœur se comprima de douleur ou c'était peut-être dû à la main qui le serrait de plus en plus fort... Ses os se broyaient à son tour... il accepta ce sort funeste et ferma les yeux, prêt à rejoindre la seule famille qu'il avait. 

Livai se réveilla en sursaut, tremblant et en sueur. Les draps étaient humides de sa transpiration. Haletant, il eut du mal à réaliser que ce n'était qu'un cauchemar. C'était toujours pareil, il revivait cette scène, celle qu'il tentait à tout prix d'oublier tellement ces images étaient encore choquantes à ce jour, malgré les années... rien ne changeait. Il avait été traumatisé et il n'oublierait jamais ce qu'il avait pu vivre ce jour-là. Dans son rêve, au moins, il était mort avec les autres, sans devoir subir la douleur de leurs pertes plus longtemps. Peut-être aurait-il dû se laisser aller à ce sort funeste, ce jour-là.

Il se leva de son lit, épuisé et encore sous le choc, comme si il venait de revivre cette horrible journée. En torse nu, son corps était malgré tout bouillant. Peut-être faisait-il de la fièvre... Il n'en avait que faire. Que la maladie l'emporte, après tout. Il ne savait toujours pas où il trouvait la force de se battre chaque jour et comment il pouvait être encore de ce monde alors que tous ceux qui l'entourait finissait par mourir les uns après les autres.

Ses mains posées sur son bureau, la tête baissée, il se retint de pleurer. Il grommela, contrarié de se laisser emporter par ses sentiments à cause d'un foutu cauchemar. Il voyait bien qu'il tremblait encore, il essayait de se calmer mais c'était trop tard. La paperasse qui se trouvait sur le bureau finit au sol d'un geste brusque et d'un cri rageur. Tout ce qu'il voulait, c'était dire merde au monde entier et de se casser loin d'ici, de ces murs. Un monde sans humains, sans titans, juste lui et le poids de sa culpabilité. 

***

Les membres du Bataillon d'Exploration s'aligna en rang, tous disciplinés et dans le calme absolu. Mikasa appréhendait de revoir le caporal-chef après la soirée de la veille où il l'avait considérée comme une ivrogne. Elle le vivait mal et espérait qu'il fasse abstraction de cet évènement. Mais ce n'est pas lui qui apparut, à son grand étonnement. Keith marcha dans leurs directions, d'un pas décidé et l'air sévère.

La plupart étaient surpris et tentaient tant bien que mal de ne rien laisser paraître. Cela faisait un moment que Keith ne les avait plus entraîné en manœuvre tridimensionnelle. Mikasa se retenait de montrer sa déception. Elle n'aimait pas cet homme qui ne faisait que passer son temps à rabaisser les recrues au lieu de les encourager. Le caporal Livai, lui, était silencieux, certes mais il n'hésitait jamais à montrer plusieurs fois certains passages qu'ils ne comprenaient pas. Il y avait des jours où il était imbuvable mais cela faisait partie du personnage. Dire qu'il y a quelques mois à peine, elle détestait le voir et la voilà aujourd'hui, en train de se demander où il pouvait bien être.

Ce regardOù les histoires vivent. Découvrez maintenant