Textes L, G, B, T ou toutes les lettres que vous voudrez

Un Colis Prédestiné

La porte à peine refermée, je pose le colis. Je sais parfaitement que je n'ai rien commandé. Et je sais aussi que le nom dessus n'est pas celui du recommandé.

Un bouton d'enlevé comme si l'air devenait trop lourd à respirer, et ce tatouage se remet à me brûler. Mes doigts semblent le dessiner sur mon poignet et font pourtant bien attention de ne pas le toucher.

Je me suis dit une seconde que le colis devait être pour le second palier, avec leur habitude de tout oublié. Mais pourquoi dans ce cas mon nom sur ce papier à signer ?

Une longue inspiration parce que je sais que je vais l'ouvrir, parce que je redoute ce que je vais y découvrir.
Une main dans mes cheveux courts qui refusent de m'écouter, ils décident qu'aujourd'hui rien ne pourra être contrôlé.
De toute façon je devrais le savoir, tout est déjà écrit, il y a juste à accepter chaque pièce qui nous compose, les tourner et trouver leur place réservée.

Je fini par me lever, en me disant que de toute façon, s'il me l'a donné c'est qu'il devait arriver à cet instant entre mes doigts. J'essaye de me convaincre que c'est un hasard, je me remémore ses traits quand il me l'a présenté et un détail vient tout changer.

Mes mains se dépêchent maintenant de l'ouvrir comme si le temps était compté. Je souris à la pensée de cette expression parce que je sais que dans quelques secondes elle n'aura jamais aussi bien portée son nom.

Et quand le contenu m'est enfin révélé, un second bouton de ma chemise vient d'être déboutoné par ma main mal assurée.
Je ne sais pas si je dois déjà le sortir ou lire le mot anoté. Mais quand je soulève le pan de carton, il se révèle à moi comme ce tatouage sur mon avant bras qui paraît avoir toujours existé.

" Même le mécanisme le plus abîmé peut marcher. Il suffit de le laisser résonner et accepter que son tic tac sera juste un peu décalé. La vie l'a déjà entièrement  façonné, il faut simplement  le dessiner. Alors, prêt à l'enclancher ?"

Mon mécanisme sous ma clavicule, lui, se met à accélérer. Quand je la sort elle semble pourtant  cassée et ne plus vouloir marcher. Je pose la montre à gousset  et lui tourne le dos comme à la vie qui continue à m'imposer cette douleur trop sourde pour pouvoir s'exprimer.

Je frotte cette fois mon poignet,  mon mécanisme est bien trop fatigué. Chaques rencontres faites semblent trop avoir joué avec celui, qui aujourd'hui, refuse de se déverrouiller.
Les mains dans les poches de mon jean j'y trouve un papier plié sec et non froissé alors que mon pantalon vient pourtant d'être lavé.

" Heureuse de t'avoir croisée. Et encore désolée pour le café renversé sur ton jean. En espérant que le temps finisse par l'enlever. À moins que rien ne soit fait pour être effacé. Après tout, le temps, lui, ne s'est jamais arrêté."

Je me fige parce qu'à cet instant un tic tac pas vraiment ordonné se met à résonner. Je me précipite sur le colis, ma respiration cette fois se suspend, l'écriture sur les papiers sont identiques, et cette montre est la même que celle sur mon poignet tatouée.

Les aiguilles ont bougé mais ce n'est pas elle que j'entends fonctionner. Ça vient de dehors ; arrivée près de la fenêtre, une silhouette se tient dans le parc en face. Sous l'ombre d'un arbre, je ne distingue pas son visage, mais je sais qui se tient à côté : le livreur, manche de pull relevé et même tatouage dessiné.

La silhouette sort son téléphone et le mien se met à sonner.

" Désolée, il s'est trompé, la montre m'était destinée. Mais garde-la, après tout, on a tous un tic tac décalé n'est-ce pas ? Et puis on va dire que ça sera un cadeau pour ton jean abîmé. En espérant un jour te recroiser, parce que je dois avouer que tu ne m'a pas laissé indiffente. Oh fait tu m'a demandé ce que je faisais dans la vie avant l'incident du liquide chaud renversé : je suis une Horloger. "