Je souffle et comme un enfant, dessine un rond et me met à souffler pour faire fondre un peu de givre sur cette vitre glacée.
Elle est là, dans son atelier, ça fait des jours que j'approche et l'observe pour comprendre ce qui peut m'attirer. Quelque chose me fait hésiter mais aujourd'hui, cet effet qu'elle provoque me dit d'y aller.Un soupir de vapeur pour réchauffer mes mains dans mes mitaines neuves mais déjà blanchies de ce que le vent y a déposé.
La neige qui craque sous mes pieds, je me racle la gorge alors que je ne sais même pas ce que je vais bien pouvoir lui dire pour commencer. Mes doigts tendus vers la poignet et mon cœur qui veut me souffler quelque chose quand une main se pose sur mon épaule:_ Tu ne peux pas y aller.
_ Quoi ? Mais...
Cet homme bienveillant, un sourire navré, commence alors à m'expliquer.
_ Ne rentre que ceux qui ont besoin d'un des outils exposés et qui...
Quelque chose se resserre en moi et je prend une mine contrariée :
_ Et comment savez-vous que je n'en ai pas besoin ?
_ Je n'ai pas dit ça, je voulais juste t'expliquer. J'allais te révéler autre chose mais finalement c'est bien que tu m'ai coupé parce que ce que je vais te dire n'est peut être pas ce que tu veux entendre.Je retourne à la vitre, et mon rond s'est déjà un peu refermé. Pourtant, il est encore assez grand pour que je puisse la discerner. Penchée sur une pièce, elle semble l'examiner. Et puis je cesse de respirer parce qu'une fille y est déjà rentrée. Comment ai-je pu croire que je serais la seule à vouloir la rencontrer ?
Mon reflet se dessine, mes joues rouges et mon petit nez sur lesquels je passe mes doigts sur ma peau froide, mon sourire s'efface sous ce visage qui me fait face d'une telle banalité.Mais avant que j'ai pu faire demi-tour, cet homme de nouveau pose sa main sur ma veste :
_ Attends, ce n'est pas ce que tu crois.
_ Et comment savez-vous ce que je...
Il fixe l'intérieur de l'atelier et j'essaye de comprendre ce qu'il veut me faire regarder. Assise sur son tabouret, elle observe cette fille tendre la main vers un outil et affiche un sourire fatigué. Comme si elle savait ce qui allait se passer.Alors cette fille, la regarde et semble la remercier, avant de s'en aller.
_ Mais elle n'est pas...
_ C'est ce que je voulais t'expliquer. Si tu veux, si tu le dois, de toute façon tu va rentrer. Mais je dois te prévenir, que tout ceux qui rentrent finissent toujours par s'en aller.
_ Quoi ? Mais.. Et si je veux rester ?
_ Tu ne choisira pas. C'est le destin des Horlogers, être seule et l'accepter.
_ Je ne suis pas d'accord, j'ai le droit de...
Mais soudain, mon cœur et ma respiration semblent oppressés parce que mon rond vient de s'effacer, comme les traces de mes pas vers cet atelier qui ne semble jamais avoir exister. Cet homme lui aussi s'est évaporer et le blizzard se met à tomber.
Affolée, j'avance vers cette vitre et met met à frotter, j'y met toute ma colère et mon énergie mais plus rien, plus d'outils, plus de cette Horloger, plus de cet atelier.Les larmes aux yeux, j'enrage comme une petite fille qu'on vient de gronder quand un vent glacial m'oblige à une longue inspiration. Pourtant je n'ai pas froid, quelque chose semble me réchauffer.
Mes yeux fermés, sous ma clavicule, quelque chose a augmenté la chaleur de ma peau de quelques degrés. Un souffle chaud à mon oreille, un secret murmuré, c'est elle j'en suis persuadée.Alors, je décide enfin d'y aller même si tout semble avoir disparu. Ma main tremblante je tourne la poignet, la pièce est vide et ne semble jamais avoir été habitée.
J'ancre mes pieds, croise les bras, comme une petite fille déterminée :
_ Je m'en fiche je resterais jusqu'à ce que tu réapparaisse et me laisse entrer dans ton atelier.Comme un tic tac, le blizzard redouble dehors, et je me met à frissonner. Et puis mes larmes se mettent à couler sans que je comprenne vraiment pourquoi. Après tout cette fille je ne la connais pas. Pourtant quelque chose me dit qu'il faut que je puisse l'approcher.
_ Tant pis si je dois repartir tu m'entends ! Tant pis si je dois pas rester ! Je prendrais juste ce temps que tu veux bien me donner. Mais si j'ai pu voir ton atelier à un moment donné c'est que je devais te rencontrer.Je ne sais pas combien de temps je vais tenir, la nuit se met à tomber et la tempête à résonner. Alors je ferme les yeux, comme pour la ressentir de nouveau et la retrouver.
Une main se pose alors sur mon épaule, et je n'ose pas me retourner.
Parce que dans tous les cas, soit c'est cet homme qui me dira de m'en aller, soit cette Horloger que je verrais enfin mais avec qui j'aurais enclenché ce compte à rebourg avant d'en être séparé.
YOU ARE READING
Textes L, G, B, T ou toutes les lettres que vous voudrez
De TodoSimples textes, romances ou réflexions... Toujours avec ma plume teintée d'émotions "Écrire avec mon âme et mes émotions est la seule façon ! Pourquoi ? Demandez-moi de faire autrement et je ne saurais pas."