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Juste une voix...juste ça

Je ne sais même pas pourquoi je suis là, Jo a mis un certain temps à me convaincre. Oui le sujet m'intéressait , mais non je n'avais pas vraiment envie d'y aller. Je savais qu'une partie de ce long discours risquait de m'agacer ,je savais que j'en ressortirai contrariée alors j'ai freiné pour y aller.

Pourtant Jo s'est mis à argumenter, une longue tirade bien trop détaillée, à tel point que je me suis demandé ce que ça pouvait bien cacher. Une dernière fois non de la tête pour qu'il cesse lui aussi de m'agacer et il semblait résigné.
Mais il savait ,il savait que c'était juste à côté , il savait que je passerai devant l'affiche qui annonçait cette conférence qui ne va pas tarder à commencer.

Tout le monde prend place mais juste de par mon caractère buté,je décide de rester debout pour être sûre de pouvoir plus facilement m'en aller.
Un amphithéâtre peu rempli et les lumières baissent comme un spectacle qui va commencer.

Je lève les yeux au ciel parce qu'en plus ils veulent se la jouer ciné. Et pourquoi pas de bacs de popcorn caramélisés ?
Si je suis déjà en train de râler, c'est que ça signifie que je ne dois pas persister , il faut que je m'éloigne avant de ronger mon frein pour un truc où je n'avais même pas prévu d'aller.
Et c'est ce que je fais , de toute façon ,personne n'est sur l'estrade pour repérer celle qui n'est pas décidée.

Mais les haut parleurs s'enclenchent et une voix semble murmurer , une voix qui, elle, m'oblige à m'arrêter. Mal assurée ,empreinte de timidité,c'est sûrement la première fois qu'elle fait ça.
Pourtant ses mots ont déjà un pouvoir sur moi , celui d'être contrarié mais pas par le discours prononcé. Surtout par le fait que Jo a gagné , et qu'alors que mon corps se dirigeait vers la sortie le reste en moi me tire pour que je m'assieds.

Vingt minutes passent et mon dos me supplie lui aussi de poser mes fesses sur un siège molletonné. Toujours cette voix , un peu plus sûre cette fois mais toujours personne sur l'estrade.
Quelques personnes sont parties , semblant ne pas apprécié ce drôle de mode de ne pas personnifier ce haut parleur qui par moment se met à grésiller.

D'autres se mettent à bailler et finissent eux aussi simplement par quitter les lieux, déçus de ne pas avoir le droit à un show bien préparé.
Ce n'est pas comme ça que ça devait se passer , ce n'est pas moi qui devait rester. Ce n'est pas moi qui ne devait plus être capable de bouger.
Juste s'asseoir, juste un instant au moins pour me reposer , juste pour que mon dos cesse d'hurler. Je cède et décide même de fermer les yeux. Seulement c'est encore pire , sa voix semble m'envouter et je me surprends une seconde à vouloir que ça dure encore un moment parce que je n'ai pas envie qu'elle s'arrête d'avoir cet effet en moi de ne plus rien contrôler.

Et puis je finis par froncer les sourcils, et réaliser que ce n'est pas la première fois que je l'entends parler. Je réalise que l'autre fois aussi je m'étais demandé à qui elle pouvait appartenir.
Pourtant je ne sais pas si j'écoute vraiment ,je ne sais pas ce que j'aurai retenu ou pas et ce que mon cerveau aura trouvé d'intéressant à classer dans les dossiers à ne pas effacer.

Ce que je sais c'est que je veux que ça continue mais que le temps doit passer , tellement que je me retrouve seule dans cet amphithéâtre où les lumières reviennent alors que le peu qui finalement est resté jusqu'au bout a déserté n'attendant même pas qu'elle vienne se présenter.

Je fixe le plafond quand sa voix semble s'être rapprochée :
_ Eh bien ... Une seule personne est restée mais il semble que je l'ai fatigué.
Je baisse les yeux enfin sur elle , découvrant une lumière plus blanche qui semble m'aveugler.

_ Non je ne dormais pas ,au contraire je ...

J'arrête ma phrase parce que je ne peux pas la finir. Qu'est-ce que je suis censé lui dire ? Que je n'ai rien pu retenir parce que le charme de ses cordes vocales ont empêché mon écoute de fonctionner ?

_ Je te taquinais , peu importe de toute façon , je savais que....Peu importe.

Il faut que je descende ,il faut que je la vois , il faut que je vois si ça la peine vraiment ou si elle en fera une force pour recommencer.
_ Tu peux t'en aller tu sais.
_ Et si je veux rester ?
Elle rit et sans savoir pourquoi ça me rassure et me fait du bien.
_ Moi j'ai rien contre mais tu risques de ne pouvoir sortir que demain matin.

C'est à ce moment là que je réalise que je n'ai pas vu le temps passé, que je n'ai aucune idée de l'heure qu'il peut être ni si la nuit est tombée. Je réalise aussi que rien ne m'a contrarié ,rien ne m'a agacé dans tout ce qu'elle a pu raconter.

_ Pourquoi de cette façon là ?

Je ne la vois toujours pas et elle non plus ne doit pas me distinguer dans le noir qu'elle a installé depuis quelques secondes en éteignant les lumières.

_ Pourquoi pas ?

Sa voix ,son calme , et mon envie de l'inviter à continuer , continuer de me parler ,de ce qu'elle voudra , de la Terre , du monde qui ne tourne pas , de n'importe quoi ...
_ Je ne sais même pas quelle heure il peut être ...
_ Aux alentours de vingt heures trente, il fait noir et quelques degrés. Bienvenue dans la réalité.

Je pourrais le prendre mal mais encore une fois ,le ton qu'elle y met ne me vexe pas, elle l'a dit en toute neutralité.

_ En effet je me pose la question si j'y étais bien ces deux dernières heures. Il y a juste quelque chose qui m'a transporté et c'était au delà de cet exposé ,comment tu fais ça ?

Cette fois je suis descendue un peu plus bas , et elle paraît surprise par ma question. Je ressens cette timidité revenir et espère ne pas l'effrayer.
Seulement elle est beaucoup plus forte qu'elle n'y paraît et s'avance enfin pour que je puisse la distinguer.

Mais c'est pour ranger ses derniers dossiers. Je me rends compte alors de ma possible maladresse :
_ Pardon je ne voulais pas...
_ Non c'est juste que je suis peu habituée à...
Elle scrute mon regard , attendant peut-être ce moment où bon nombre de personnes ont dû la juger et finit par sourire :
_ Ce n'est pas que je veuille te mettre dehors mais je dois fermer.
_ Oh... ok ,je comprends.
Je me dépêche finalement de m'en aller et ça y est ,ce moment où je vais sortir contrariée pointe le bout de son nez.
Alors je souffle un coup et ose ce possible scénario de fin de soirée que jamais je n'aurai imaginé :
_ Oh fait tu as déjà mangé ?