Lui ou moi

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Ça fait la dixième fois ,mais cette fois je finis par y arriver. Pourtant j'ai du mal à croire au dicton qui dit qu'il suffit de persévérer.

Alors je glisse une pince pour la resserrer , mes doigts tremblent mais pas parce que je me mets à forcer pour que cette cravate ne puisse pas se désister .
Juste parce que je sais que dans quelques pas , elle sera là.
Sûrement accompagnée par quelqu'un qui ne sera jamais moi.

Un couloir sombre qu'on a davantage l'habitude d'arpenter en journée et une lourde porte à pousser pour entrer dans ce monde où finalement je n'ai peut-être pas tant que ça envie d'aller.

Une musique qui fait vibrer le sol et ce truc en moi qui a tendance à dérailler; je la cherche du regard et fini par la trouver , l'air agacé. Allumant son portable encore et encore , visiblement celui qui devait l'accompagner se fait désirer.
Il pourrait être n'importe où, ce soir , le but est de ne pas se faire démasquer, au sens propre comme au figuré.
Un jeu auquel je joue tous les jours , et dont parfois je suis lassé.
Sauf que ce soir il m'arrange pour que je puisse l'approcher.
Une musique lente invitant justement au rapprochement , et elle qui soudain vient vers moi en m'indiquant l'heure avancée.

Elle ne m'a pourtant jamais vraiment parlé , mais elle avance , et je la laisse faire quand elle attrape ma manche pour m'entraîner au milieu de tous ces duos enlacés.

Mes mains accueillant ses doigts gelés , une glissant lentement pour la rapprocher et puis elle qui sans réfléchir semble s'abandonner. Sa tête qui s'enfoui dans mon épaule , et sa respiration saccadée , peut-être même des larmes que je ne vois pas qu'elle tente d'étouffer.
Et puis le calme , celui qui fait qu'elle respire dans mon cou le parfum que j'ai peut-être mis en trop grande quantité. Pourtant elle y reste et semble même ne plus vouloir quitter cet endroit contre moi où doucement elle s'est apaisée.

Mes mains que je retiens de l'agriper pour ne plus qu'elle puisse s'échapper. Et moi qui cesse de respirer , parce que je me dis qu'elle se meprend sans doute sur mon identité et que je redoute ce moment où elle comprendra qu'elle s'est trompée.

Une deuxième musique enchaînée et elle qui me retient, elle ne veut pas que je m'en aille , et ma joue finit par frôler la sienne ,sa peau un peu plus réchauffée. Un parfum de violette que cent fois j'ai cherché , et je ferme les yeux , mettant dans chacun de mes pas combien je peux l'aimer.

Son menton relevé, et sans que j'ai eu le temps de reagir ses lèvres se posant une demi seconde sur les miennes , avec ma culpabilité. Si j'avais eu le temps je l'en aurai empêché, même si ce moment je l'ai mille fois imaginé.
Ma bouche qui s'ouvre pour l'avertir et mon pied qui recule , mais elle qui recommence un peu plus longtemps cette fois.

Et puis son recule , son regard perdu et ce moment où tout se met à basculer , parce que cet autre que moi vient d'arriver . Ses mains pour me repousser , comme si elle s'apercevait qu'elle s'était trompée d'invité. Mes pieds qui ne savent plus où aller , mon corps qui se perd dans chaque informations à analyser.
Personne n'a pris son coeur ces derniers temps ,elle n'aura fait de mal à personne en particulier avec ce qui vient de se passer.
Mais elle se dépêche de faire comme si je n'avais jamais existé .
Refermer la porte dans ce couloir encore plus sombre que lors de mon arrivée , et chercher de ma main ma cravate à dénouer. M'apercevoir que la pince a disparu , un cadeau , avec mes initiales gravées, qu'il faudrait que je puisse récupérer.

Même si je n'en ai plus envie je dois y retourner. La musique devient ce truc qui se met à cogner , entre colère et douleur d'être effacé, je n'ai pas longtemps à la chercher.
Avec la lumière ma pince envoi des reflets comme le soleil sur un miroir avec signal de détresse affiché.
Ses cheveux attachés ,elle lui serre à présent de pince pour les rassembler.
Bien plus loin de lui que de moi il y a quelques minutes , ses pas de danse semblent moins assurés.
Je reste juste ce qu'il faut pour croiser son regard encore une fois, celui qu'elle soutient quelques secondes. Celui où j'ai envie de croire qu'elle veut revenir encore contre moi.

Pourtant elle détourne la tête et moi mes pas. Je n'en ai de doute façon pas le droit. Elle n'apprecierait sans doute pas ce que le dessous du masque pourrait lui révéler.

Arpenter les rues éclairées pour rentrer ,sous la pluie qui se met à tomber. Mouillant mon visage, ce faux-semblant blanc retiré ne pouvant plus me protéger.

Et cette question , qui a-t-elle réellement embrassé et avec qui pensait-elle danser, ce masque maintenant entre mes doigts ou moi ?



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