Textes L, G, B, T ou toutes les lettres que vous voudrez

Un air de jazz 3

Un jus de pomme épicé chaud entre les mains j'ai demandé un ajout de poivre pour bien le relever et me forcer à avaler qu'il ne veut plus jouer.
Me forcer à accepter que je l'ai perdu ce soir , comme il y a un an sur ce même trottoir.

J'avance d'un pas plus hésitant ,le jus de pomme est brûlant. Si quelqu'un me bouscule, je risque bien de me faire hurler dessus pour l'avoir ébouillanté.
Seulement je n'ai pas le temps d'imaginer les mots que j'utiliserai pour m'excuser si ça devait arriver parce que j'hurle moi aussi.

Je crois qu'on a le droit tous les deux à cette brûlure qui nous envahi mais je me tais avant lui :

_ Bordel de merde ! C'est toi ou c'est moi qui y voit le moins ?! Hein? T'aurai pas pu regarder où tu mets les pieds et faire gaffe à....Eh merde ! Laisse tomber !

Je n'ai pas le temps de répondre,parce qu'il a décidé que la coupable désignée n'aurai pas le droit de plaider. Mais surtout parce que le son de sa voix m'a paralysé.
Il faut que je trouve un endroit où poser le verre ,tant pis pour mes doigts qui eux aussi me crient de leur donner du froid. Il est hors de question qu'il m'échappe une seconde fois.
Un peu plus enroué par l'hiver ou à force de jouer , ça ne m'a pas empêché de reconnaître ce son qu'après ses notes, je voulais tant retrouver.

Trouver un endroit où poser le reste du verre encore chaud , faire plus attention à ne bousculer personne pour ne pas me faire remarquer et ne plus lâcher l'odeur de ma boisson sucrée sur sa chemise ou sa veste probablement tachée.

La cannelle m'emmène devant une porte, aux clochettes qui viennent de tinter ; celle d'un café . Je reprends mon souffle ,il ne pourra plus disparaitre cette fois. Il sera sûrement rentré pour se nettoyer.

Pourtant je ne veux pas qu'il enlève ce parfum qui m'a permis de le rattraper.

_ Salut Martha ! Le temps de me changer et je passe en salle. Une imbécile m'a renversé sa boisson encore brûlante dessus. Une encore qui a pas pris le temps de regarder ce qui pouvait l'entourer.

Quelque chose se serre en moi , comment la vie a pu le rendre aussi amer ? Je me dépêche de m'asseoir et de cacher son instrument tout près de moi. Peut-etre que ce soir ne sera pas le bon moment ni le bon endroit. Même s'il ne peut pas le voir , c'est comme un réflexe ,cacher ce que je suis , ce que je ressens. Tout murer ,pour mieux se protéger ,ne rien montrer autre qu'un mur en béton armé.

Alors je me pose la question de savoir si à un moment j'ai aussi basculé. Est-ce que moi aussi je suis devenue si dur dans mes mots et ma façon de penser ?

Mon coeur accélere , si c'est lui qui vient prendre ma commande je serai incapable de parler. Mais une de ses collègues le devance de justesse, je le devine au parfum féminin qui se rapproche mais pas de voix pour demander quoi que ce soit.

Je sens qu'elle m'observe sans comprendre pourquoi :

_ Vous devriez peut-être passer vos doigts sous l'eau froide mademoiselle.

Maintenant qu'elle y fait référence,mon cerveau donne l'ordre de les marteler pour qu'ils crient qu'enfin quelqu'un semble les écouter.

_ Je...
_ Les toilettes sont au fond à droite.
Une effluve nous rejoint et se fige un instant, ce sont ses pas qui traînent en râlant :
_ J'ai pourtant changé ma chemise mais cette odeur écoeurante ne veut pas partir et ...
Sa collègue semble exaspérée :
_ C'est peut-être parce qu'il n'y a pas que toi qui la porte Oliver.

Ma respiration s'arrête bien trop longtemps et trop dangereusement. Une musique se met en marche et Oliver s'agace .

_ Je t'avais dit de ne plus passer cette musique ....

Une mélodie à la trompette , quelque chose qu'il jouait avant. Sa voix s'éteint , et s'en est trop pour moi. J'attrape son instrument,et le bouscule une nouvelle fois murmurant un pardon que même moi je n'entends pas.

_ Mademoiselle attendez ,il faut passer de l'eau froide sur vos doigts maintenant sinon ...

Mais je ne la laisse pas finir , et Oliver non plus :
_ Elle a les doigts brûlés ?! C'est elle qui a renversé son truc sur moi ? Et qui vient en plus de me bousculer ? Mais qu'est-ce qu'elle a contre moi ?

Le temps de tâtonner les tables et chaises sur mon chemin et de retrouver la sortie , je sais que la serveuse ne m'a pas quitté des yeux et vient de comprendre. Et j'ai la confirmation avec ce que je fini par entendre :

_ Parce que celle que tu traites d'imbécile vit dans le même monde que toi Oliver ! Et que vu ton état de mec énervé , ça ne m'étonnerait pas que ça soit toi, qui ai causé cet incident en la bousculant !

Peu importe la douleur de mes mains , mes jambes, elles, me disent d'avancer sans me retourner.

Même si dans la neige qui commence à tomber , une porte s'ouvre et des clochettes se mettent à teinter avec la voix d'un :" Attends ! Je.... " , semblant vouloir s'excuser.

Note : il y a toujours ces chapitres, où je sais que ça y est ,ils deviennent de nouveaux protégés ...

On dirait bien que celui-là est en train de me le murmurer 🥰🥰🥰