Chapitre 1

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«Qu'est-ce que tu racontes ? lui demandé-je, un peu plus rassurée.

— S'il te plaît. Ne rends pas ça plus compliqué que ça ne l'est déjà... T'as menti à tout le monde. BORDEL ! Qu'est-ce qu'il t'as pris de faire ça ?! s'énerve-t-il en tapant du point sur la table.

— Je ne sais pas de quoi tu parles.

— Laura, stop, STOP ! T'es avocate mince. Avocate. T'es censée protéger les gens, les accompagner, les conseiller. Pas les tuer et les faire disparaître.

— Je... Je ne sais pas quoi te dire.

— Et bah dis rien alors!»

Honteuse, je baisse la tête. Je ne supporte pas son regard, plein de déception. S'il continue à me fixer de la sorte, il va finir par lire le fond de ma pensée. Il se tient droit, face à moi, comme un miroir. Et il me renvoie la pire image que je puisse avoir de moi. Il expose ma plus grosse faille. Ma faiblesse.

Je ne sais pas ce qu'il espère en m'enchaînant ici. Mais si son objectif est de me briser, j'ai aucun doute, il arrivera à ses fins.

«Tu te souviens de cet homme ? m'interroge-t-il en brandissant une photo, celle d'un cadavre en salle d'autopsie.

— Oui. Je me souviens de lui.»

«Denis Bler, la cinquantaine, agent immobilier. On n'a absolument rien contre lui, soupiré-je, en tournant en rond.

Laura, calme-toi, on va trouver. Personne n'est infaillible. C'est pas parce qu'il n'a aucun casier judiciaire que je jury va le juger non coupable.

Je sais bien. Mais j'ai l'impression qu'on n'avance pas. On va finir par reculer à ce rythme.»

Je m'affale, presque vaincue sur la chaise de mon bureau. En quinze ans d'expérience d'avocate, ce que j'ai pu apprendre, c'est que la justice n'est pas toujours juste. Une pièce manquante, un témoignage pas assez précis et c'est fini. Un coupable est relâché, et n'aura jamais à répondre de ses actes. Et un rien me fait remettre en cause mes capacités et mon engagement. Nous avons une victime de viol conjugal, on soupçonne son mari de violences mais rien à faire. Notre dossier est aussi mince qu'une feuille de papier à cigarette. Un parfait motif pour l'acquitter pour manque de preuve.

«Arthur, sérieusement, plus on creuse, plus on se rends compte qu'on a rien. L'enquête est à moitié bâclée. On a une victime mais aucune preuve d'agression. C'est sa parole contre celle de son ex-mari.

On va finir par trouver de quoi prouver sa culpabilité. Notre victime, elle a bien dit qu'elle s'était présentée à deux reprises au commissariat ?

Je crois, soupiré-je. Une fois le lendemain de son agression, et un salaud de flic de bureau a refusé de prendre sa plainte. Puis une deuxième fois, où elle a pu enregistrer officiellement sa plainte. C'est pour ça qu'on a aucune preuve matérielle. Aucun ADN, aucun sperme, aucune lésion interne. Tout s'était naturellement effacé.

Exactement ! Ce policier, là. Celui qui a accueilli notre victime la première fois et qui a refusé de prendre sa plainte. On peut le tourner à notre avantage. Il a obligation d'enregistrer toutes les plaintes. Ce n'est pas de son ressort de savoir si une enquête doit être ouverte, c'est le boulot du procureur.

Et ? demandé-je perplexe.

C'est bien la preuve qu'il s'est passé quelque chose. Si la victime s'est présentée deux fois au poste, c'est qu'elle avait vraiment quelque chose à rapporter. C'est pas parce qu'on a pas de preuves qu'elles n'ont jamais existé.

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