Double

Chapitre 13

«J'ai des centaines de questions. Mais je ne veux pas te les poser. Il est hors de question que je rentre dans ton petit jeu sordide.

— Oh ben tu as le temps de te décider, c'est pas comme si j'allais quelque part, lancé-je sèchement.

— C'est juste que je ne te comprends plus... C'était plus simple au début...

— Quand Sarah était là, je sais.

— Après ce que ce salaud lui à fait... Je suis bien content qu'il se soit pendu.»

Soudainement, il réalise. Toutes les lumières s'allument dans sa tête.

«Hugo... C'était toi ! Tu l'as tué et t'as fait passer sa mort pour un suicide !

— Je m'en suis tellement voulu pour Sarah, je n'ai rien vu venir. J'ai pas vu qu'il était dangereux. Et je n'ai pas su la protéger. À l'époque, je pensais avoir fait ça pour me rattraper, pour qu'elle me pardonne, raconté-je en larmes. Et après, quand on a eu fini nos études, je me suis rendue compte que c'était ma façon de faire justice...

— C'est le premier, c'est ça ? déduit-t-il.»

Allongé sur mon lit, je fixe le plafond de ma chambre universitaire. Ça doit faire vingt minutes, ou peut-être deux heures, que mécaniquement, je lance une balle de tennis en l'air. Et la rattrape. Encore et encore.

Les souvenirs de Sarah me reviennent. Les derniers jours avant son suicide. Trois mois après, je cherche toujours ce que j'ai bien pu rater.

Et ça fait clic ! J'entends mes voisins, un couple se disputer, à nouveau. Et la tête de son petit-ami apparaît dans mon esprit. Hugo. Je me redresse sur mon lit. Ma Sarah n'aurait jamais fait ça sans raison. Elle était joyeuse et déterminée à devenir avocate, tout autant que son frère et moi. Du jour où elle a été en couple avec lui, elle a commencé à perdre de son éclat. Quand on allait en soirée, et Dieu sait si c'était fréquent, elle ne venait pas pour rester avec lui. Il l'humiliait. Il la harcelait de texto en permanence. Et sur la fin, elle cachait son corps. Il se défoulait sur elle ce cinglé...

Je fais les cents pas devant la porte de la chambre d'Arthur, qu'il partageait avec Sarah. La balle de tennis me sert maintenant de balle anti-stress. Je ne sais pas si je dois lui dire ce que je pense.

«Nan mais je rêve. Je vais le buter ce connard !»

Des livres volent à travers la pièce. Arthur est complètement enragé. Mais il n'a pas tord... Il lance des insultes plus agressives les unes que les autres et frappe du point dans les murs. Pour autant, je ne regrette pas ma décision. D'un coup, il se jette sur mon manteau et ses clefs de voiture.

«J'te jure que je vais lui faire la peau à ce salaud. Je vais l'éclater ! hurle-t-il.»

Autant que possible je m'interpose entre lui et la porte. Il tremble de la tête aux pieds. La haine et la rage ont pris le contrôle. En évitant mon regard, il s'élance vers la porte. Pour le retenir, je place les paumes de mes mains à plat sur son torse.

«Écoute Arthur... Laisse-toi le temps de digérer la nouvelle. Je comprends bien que c'est injuste ce qu'il a fait. Mais il va payer, je te promets. On va en parler à la police, on va déposer plainte, on va... Je ne sais pas... Mais on va trouver. Fais moi confiance.

— Mais tu comprends pas ! Elle est morte à cause de lui. C'est comme si c'était lui qui l'avait tuée. Il est responsable ! Je veux qu'il meurt. Là ! De suite ! Maintenant !

— Dis pas de bêtise. Tu vas foutre ta vie en l'air pour cet abruti. Tu vas devenir avocat. Tu vas pouvoir aider des gens. Faut que tu fasses confiance à la justice. Il ne va pas s'en sortir comme ça.»