Double

Chapitre 6

«Comment as-tu pu cacher ça ? T'as tué des gens, explique-t-il en regardant le plafond, tu t'es débarrassée de leur corps, et tout ça sans jamais éveiller les soupçons ?

— Je sais pas. J'ai t...»

Je suis interrompue par Arthur, il s'approche, le visage fermé. Je sens qu'il est tendu. Mais pas stressé. Plutôt énervé. Moi en revanche, j'ai peur. Il me fait peur. Je ne l'ai jamais vu comme ça.

Soudainement, il se jette en avant. Ses mains s'appuient sur les accoudoirs de la chaise où je suis assise, en manquant de la renverser. Son front touche quasiment le mien et je sens sa respiration haletante sur mon visage. Par réflexe je ferme mes yeux en pressant mes paupières du plus fort que je le peux en détournant la tête. Je bloque inconsciemment ma respiration et me cramponne moi-aussi aux accoudoirs.

Il m'attrape par la mâchoire et me force à le regarder.

«Tu te dégonfles ? T'as peur ou quoi ? Tu vas quand-même pas venir faire le bébé après les horreurs dont t'es capable non ?»

Je suis tétanisée. Mes yeux libèrent quelques larmes que j'essaye de retenir tant bien que mal. Complètement déboussolée, j'en viens à demander ce que je fais là. Totalement détachée de la réalité, dans le déni. Je réalise seulement maintenant la portée de mes actes.

«LAURA !!!»

Il agrippe une poignée de mes cheveux et les tire violemment. Ma tête est ballotée de droite à gauche. De toutes ses forces, il entraîne ma tête en arrière et me regarde droit dans le blanc des yeux.

«Ton mari ! Tes filles ! Moi ! T'as menti à tout le monde. T'as caché ta double vie ! C'est quoi ce bordel ? Avocate le jour, tueuse la nuit. Et t'espérais quoi en faisant ça ? Changer le monde. Le nettoyer des mauvaises personnes ? Je sais pas ce qu'il t'as pris, mais t'es pas meilleure qu'eux. T'es qu'une espèce de lunatique déséquilibrée. C'est pas ton rôle ni ta place de faire ça !»

Enfin il me relâche. Je sens qu'il se retient de m'en coller une. À la place, il met un incontrôlé coup dans le pied de la chaise. Je ressens l'onde de choc à travers tout mon corps, jusqu'à ma tête, encore en arrière. Je n'ose plus bouger.

Je conduis ma voiture du mieux que je peux, pour ne pas attirer l'attention de la police. Si je me faisais ne serait-ce que contrôler, je terminerai en prison sans préavis.

Assez rapidement, j'arrive chez moi. Il fait presque nuit et les volets de la maison sont déjà fermés. J'avance dans l'aller et coupe le contact. Avant de descendre, je m'appuie contre mon dossier et prends une profonde respiration. Je tente de faire disparaître de ma mémoire les dernières heures. Je suis hanté par mes propres actions. Je ne sais pas si je regrette ce que j'ai fait, où si j'ai juste peur de me faire attraper. J'ai les sens emmêlés. Je frotte frénétiquement mes mains sur mon visages pour reprendre le dessus. Mais en reprenant le volant en mains, je vois qu'il y reste des traces de sang. J'ouvre mon pare-soleil et regarde dans le miroir. J'ai une traînée de sang entre mon œil et mon menton. Je soupire et l'essuie comme je peux avec un mouchoir. Puis je regarde à nouveau, il y a deux reflets dans la glace. Une Laura à la vie bien rangée et une Laura qui a totalement perdu le contrôle.

Je me motive une bonne fois pour toutes à sortir de la voiture et récupère mon matériel dans le coffre. Je n'ai plus que quelques pas avant d'atteindre la porte. Je repasse en mode maman et femme. Je colle un sourire radieux sur mon visage et franchit le perron.

«Bonsoir ! Je suis rentrée !

— Salut, marmonne mon mari depuis le salon.»

J'ai aucune idée de ce que sont en train de faire les filles, ni même si elles ont entendu que j'étais rentrée.