Chapitre 5

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«À partir de ce moment, j'ai compris des choses... Les pièces du puzzle se sont assemblées toutes seules.

— Depuis quand ?

— Une semaine, peut-être deux. Quand je t'ai vue partir hier soir, je t'ai suivie. Tu m'as dit que tu rentrais chez toi. Je sais pas où t'allais, mais sûrement pas chez toi.

— Alors t'as envoyé ma voiture dans un ravin, charmant...

— Je devais savoir. Si c'était vrai, si t'avais vraiment fait ça.

— Et t'es pas allé chez les flics ? Tu m'as pas dénoncée ?

— Ah arrête ça Laura ! Tu sais très bien que je peux pas faire ça.

— Pourquoi ? chuchoté-je.

— Parce que... Parce que je t'aime. Et je tiens à toi.

— Arthur, je...

— Et pour Sarah aussi... C'était nous trois, pour toujours... Tu t'en souviens ?

— Evidemment que je m'en souviens. Évidemment.»

Le printemps commence enfin à pointer son nez. Je traverse le campus en respirant l'air frais. Encore suffisamment frais pour me glacer les poumons. En avril, ne te découvre pas d'un fil. Tout sourire, je rejoins Arthur et Sarah qui sont installés à une table, au milieu de l'herbe. Je le vois de loin, elle est encore en train de réviser. Pas possible cette fille !

«Et bonjour ! lancé-je en m'asseyant à côté de ma meilleure amie. Toujours en train de bosser hein ?

— Et oui, contrairement à toi, certaines personnes ne retiennent pas systématiquement tout ce qu'elles lisent.

— Et le frangin, il fait quoi ? observé-je en montrant Arthur d'un signe de la tête.

— Ah, mon cher frère... glousse-t-elle. En train de reluquer le dernier d'une fille, comme tu peux le constater.»

On se met à rire et il tourne enfin la tête. Et remarque ma présence. On le changera jamais celui-là.

«Ne t'inquiètes pas jolie Laura, je te souris pas, j'ai juste le soleil dans les yeux.

— Ben voyons ! Allez, bougez-vous ! On a cours là.»

Sarah se presse de ranger ses fiches colorées et stabilotées de partout. À se demander l'intérêt d'utiliser un surligneur si c'est pour tout surligner. Je suppose que ça la détend. Que ça la rassure, elle est tellement tendue en ce moment. La Sarah joyeuse et enjouée que j'ai rencontré quelques années plus tôt en entrant à l'université est bien loin. En même temps, la fac de droit, c'est pas ce qu'il y a de plus fun...

On arrive dans un grand amphithéâtre où une bonne centaine d'étudiants est déjà présente. En bas, le prof, un vieux monsieur proche de la retraite essaye de faire marcher le système de projection de diapositives. Et nous, comme trois clampins, on s'installe tout en haut, bien loin de l'enseignant, question de discrétion. On se mélange rarement aux autres étudiants de la faculté. On est bien tous les trois. Dans nos rêves les plus fous, on ouvre notre propre cabinet d'avocat. On est tous mariés et heureux. Aucune ombre au tableau.

Le prof commence son cours et nous parle du droit des affaires. Intéressant. Il cite le code pénal. Ainsi que les exceptions. Et les exceptions aux exceptions...

Au bout d'une heure et demi, je commence à saturer. Je regarde plus souvent le plafond que le tableau et mon cours est parsemé des petites croix au crayon à papier pour me signaler un vide. Que je compléterai sur le cours de Sarah. Elle, à ma gauche, est toujours aussi concentrée. Et Arthur, à ma droite, dessine dans les coins de sa feuille.

DoubleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant