Chapitre 9

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«T'es en train de me dire que tu as kidnappé une femme, tu l'as droguée et t'as fini par la tuer d'une overdose de cette même drogue ? Sur les simples paroles rapportées de son fils ? Mais qu'est-ce qu'il ne tourne pas rond chez toi ?

— Son fils va passer le reste de sa vie en pensant que finalement, sa mère n'a rien fait de mal. Que c'était pas de sa faute. Il va peut-être même culpabiliser d'avoir parlé. Elle a volé les premières années de sa vie. C'est pas juste pour lui. Elle devait payer pour ça.»

Il soupire et me regarde. Désemparé. Il ne comprend pas mon point de vue. Il ne comprend pas pourquoi j'ai fait ça.

«Comment t'as fait pour la faire disparaître ? Enfin je veux dire... Des gens ont dû la chercher ? Un cadavre, ça ne disparaît pas comme ça.»

Toujours dans ma voiture, cette femme est maintenant inanimée à coté de moi. Je me retourne vers la banquette arrière et fouille dans mon sac de gym. Dans une des poches, je prends une enveloppe. Elle contient une lettre, que j'ai écrite moi-même. Dans celle-ci, ma victime s'adresse à son enfant. Elle lui explique comment elle a pris conscience de sa nocivité et de sa toxicité. Au fil des lignes elle fait comprendre qu'elle doit partir. Recommencer sa vie loin de lui. La lettre se termine sur des excuses.

Je retourne à l'intérieur déposer la lettre en évidence sur la table de la salle à manger. Puis je ferme la maison, comme on peut la fermer avant de partir en vacances et j'efface minutieusement les éventuelles traces de mon passage. Une fois que j'ai terminé, je récupère les clefs et verrouille la porte derrière moi. Sans attendre une minute de plus, je démarre ma voiture et roule.

Mes phares éclairent le bitume qui s'étend devant moi. La nuit noire avale le décor et tous les repères qui vont avec. Je me fis plus qu'à mes souvenirs pour me guider. J'ai l'impression de traverser le pays. Ce trajet est interminable. J'ai juste envie de rentrer et dormir. Glisser sous un tapis ce cadavre qui repose à l'avant de mon véhicule.

Enfin, je commence à reconnaître ce qui m'entoure. Les sapins qui bordent la route me semblent familiers. Des souvenirs de mon enfance remontent à la surface mais je les réfrène du mieux que je puisse. Il n'est pas question de se laisser ébranler maintenant.

Une fois le frein à main bien serré, je sors inspecter les lieux. Les chances pour qu'une bande de jeunes ai décidé de venir camper ici ce soir sont infimes mais non nulles. Cependant, aujourd'hui, la zone semble dégagée. Depuis la petite plage où je suis, je peux voir une partie de l'étendue d'eau. Le reste de la vue est obstrué par des arbres, des sapins et autre sorte de branchages. Malgré la brume, j'aperçois la rive d'en face. Habituellement, ce lac est réservé à des activités plus joyeuses, plus festives. Mais ce soir, j'ai besoin d'un endroit où personne ne viendra jamais chercher un cadavre.

Ma vue se trouble un instant et je me souviens des raisons de ma venue ici. Alors je me remets en action. J'ouvre mon coffre et en sort tout ce dont j'ai besoin. Des bâches en plastique, des cordages et des parpaings s'accumulent à côté de la voiture. Si quelqu'un débarque ici, je suis finie. Soigneusement, je remonte mes cheveux en un chignon et j'enfile une paire de gants en latex.

Non sans mal, je parviens à tirer son cadavre du siège de mon auto à la bâche. Je l'allonge sur le morceau de plastique et lui retire tous ses effets personnels. Je balance à l'eau sa montre et un collier. Malgré le temps qui presse, je lui attache délicatement les mains, en prenant soin de ne pas abîmer sa peau déjà livide. Je fais également bien attention à ne pas regarder son pâle visage.

Après avoir noué ses pieds ensembles, je rabats les pans de son linceul, qui recouvrent maintenant son visage et son corps. Autant je déteste faire cela, autant je sais que c'était nécessaire et que c'était la bonne chose à faire.

DoubleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant