Chapitre 7

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«On est où là ?

— Chez mes parents. Tu sais, la vieille bâtisse où t'es venue me rejoindre, un week-end. T'avais raconté à ton mari qu'on avait un séminaire de "team building". Tu te souviens ?

— Oui répondis-je simplement, encore honteuse face à mes mensonges.

— Je sais pas si tu te rappelles, mais le vendredi soir, quand t'es arrivée, ta bagnole était dégueulasse. Les roues couvertes de boue. Ça remontait jusqu'aux fenêtres. Sur le coup, j'ai pas fait attention. On se retrouvait tous les deux, loin du bureau alors voilà. Mais dans la soirée, j'ai eu un doute, déjà à cette époque en fait. T'avais disparu toute l'après-midi. Ça ne te ressemblait pas. J'ai attendu que tu t'endormes et je suis retourné à ta voiture... Puis j'ai trouvé cette pelle.»

Il se retourne et attrape derrière lui une pelle de chantier. Encore pleine de terre, et en cherchant bien, pleine de sang. Et il me la balance violemment à travers le sous-sol. Elle s'échoue à mes pieds dans un vacarme assourdissant.

«J'ai vu ça dans ton coffre. T'as toujours été quelqu'un de secret et d'étrange. Mais venir à un week-end romantique avec une pelle dans le coffre... Je n'avais encore jamais vu ça !

— Je voulais pas. Je...

— Tu voulais pas ! Mais tu me prends qui là ? m'attaque-t-il.»

Je vois le fond de ses yeux se ternir. Il saisit violemment le manche de la pelle et la frappe puissamment sur ce qui ressemble à une table. Toute sa rage éclate en une fraction de secondes.

«Que tu ai tué une personne. Une. Disons par accident, dans un accès de colère, peu importe, okay. Je peux le comprendre. Ce qu'on voit au boulot tous les jours, les procès, les coupables relâchés. J'aurais pu comprendre qu'un jour pas comme un autre, ça te soit monté à la tête et que tu aies perdu le contrôle. Mais une dizaine ! Non. LAURA. Dix personnes ! Dix vies humaines ! Je comprends pas.

— J'ai aucune excuse, tenté-je faiblement.»

Il me fait à nouveau face. Les sourcils froncés. Je suis incapable de lire son visage ni même anticiper ce qui va suivre.

En soupirant, il replace fermement sa poigne autour du manche. En un éclair il l'envoie en l'air pour prendre son élan et percute avec une brutalité indescriptible le pied de ma chaise.

«T'as pas le droit de faire semblant de te morfondre ! Le mal est fait. Tu les as abattus. Le mal est fait maintenant.»

Il saisit l'accoudoir du siège et m'envoie balader avec. Dans un fracas, je me retrouve projetée au sol, toujours greffée à la chaise. Je balance un cri de terreur. Encore une fois, il cogne à coup de pied dans l'armature métallique en manquant de peu mes jambes et le reste de mon corps. Il s'agenouille à quelques centimètres à peine de mon visage et l'écrase par terre.

À cet instant précis, j'ai l'impression qu'il va me tuer, dans un accès de colère.

«Aller Laetitia ! Mets ce DVD dans le lecteur !

— Mais maman, t'es sûre qu'on regarde celui-ci ?

— Oui ! Moi je veux, se manifeste Salomé. Hein maman ?

— Ça te convient Laeti ?

— Oui oui.

— Alors let's go !»

Ma fille vient nous rejoindre. Je la regarde en souriant et elle se glisse sous le plaid et sous mon bras.

Dès le début du film, on se goinfre de popcorn en riant. On passe un long moment captivées par l'écran. Jusqu'à ce qu'une scène...inappropriée...à leurs âges passe à l'écran. Je gobe une bonne poignée de popcorn et les encercle autour des épaules pour leur cacher la vue. Elles protestent mais je ne cède pas, en rigolant avec elle. Je les relâche enfin et elles me sourient de toutes leurs dents. Je prends le temps d'apprécier leurs regards perçants, remplis de sincérité et d'amour à mon égard. Je lève ironiquement les yeux au plafond.

DoubleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant