Chapitre 10

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«Laura, m'interpelle-t-il, alors que je commence à succomber à la fatigue et à la douleur. Hey ! Je te parle !

— Oui, je suis là, articulé-je à peine.

— Ben alors écoute-moi, hausse-t-il le ton en s'approchant. T'as entendu ce que je t'ai demandé ?

— Je... Non. Désolée, dis-je en baissant la tête.

— Je te demandais si à un seul instant t'as pensé à moi. À nous, dans tout ça.

— Evidemment !

— Ah oui ? T'es vraiment sûre, insiste-t-il en tirant une mèche derrière mon oreille. T'es venue chez moi. Tu m'as regardée droit dans les yeux, ajoute-t-il en ponctuant chacune de ses phrases par une prise de plus en plus dure sur mes cheveux. Et tu m'as menti, le plus naturellement du monde !

—J'ai toujours été sincère avec toi...»

Je suis interrompue par une violente gifle à travers la figure. Je me fige un instant, mi-sonnée, mi-surprise.

À l'extérieur, je sens ma joue chauffer. Comme si elle allait s'enflammer, je l'imagine rouge écarlate et parsemée de petits boutons. Cette sensation désagréable provoque une épouvantable envie de frotter, et de poser la paume de ma main, fraîche, dessus. Seulement, mes poings liés m'empêchent tout mouvement. À l'intérieur, je discerne un goût âpre, ferreux. Je devine facilement que c'est du sang. Et il commence à s'échapper par le de ma bouche. Il ruisselle jusqu'à mon menton et les gouttes pleuvent sur mon haut.

«T'as pris des décisions qui ne t'appartenaient pas ! Toi aussi t'as ruiné des vies ! Tu ne vaux pas mieux qu'eux tu sais. On avait quelque chose de beau tous les deux. Il y avait peut-être ton mari entre nous, mais c'était sincère. Et toi. T'as tout brisé, conclut-il.»

L'écran de mon ordinateur comme à vraiment me brûler les yeux. Je soupire fortement et bascule en arrière, contre le dossier de ma chaise de bureau. Cette semaine au cabinet a été extatique. Des nouveaux clients dans tous les sens, des procès qui approchent, et le pire, la machine à café en panne. Plus d'effort pour moins de réconfort. Je commence à saturer et heureusement que je fais un métier qui me plaît. Quelqu'un frappe à ma porte. Sauvée par le gong ! Je vois Arthur, un immense sourire sur le visage, passer sa tête dans l'entrouverture de la porte.

«Bonsoir Madame !

— Hey ! J'avais pas vu le temps passer.

— Quelle ironie ! Si je me souviens bien, à la fac t'était incapable de passer plus de cinq minutes focalisée sur la même chose.

— Quelle évolution remarquable ! Renchéris-je.

— Bon. Dîner ? propose-t-il en pointant sa montre.

— Avec plaisir. Chez toi ?

— Hummm, je pensais plus à un restaurant.

— Ah oui ? demandé-je en feignant la surprise.

— Des spécialités savoyardes en plein milieu de notre métropole.

— Aller, va pour un air de vacances, confirmé-je. Laisse-moi le temps d'envoyer un message à Rémi pour lui dire que je passe une soirée entre filles.

— Une soirée juste, répète-t-il.

— Demain matin je lui enverrais un message pour lui dire que j'avais trop bu et que j'ai préféré dormir chez Yaëlle, développé-je naturellement.»

Bien emmitouflée dans mon manteau et mon écharpe, je me dirige vers l'entrée du restaurant au bras d'Arthur. Il y a quelques étoiles visibles dans le ciel. La seule animation qui vient perturber cette image est un groupe qui joue une balade à la terrasse d'un bar. Le pianiste sourit en nous voyant, bras dessus, bras dessous. La porte est discrètement dissimulée sous le porche d'une maison à pan de bois. En entrant, je suis frappée par la chaleur des lieux. Derrière le comptoir, des bûches crépitent dans une imposante cheminée de briques rouges. Je ne prête même pas attention au serveur qui vient à notre rencontre. C'est la main d'Arthur derrière ma nuque qui me tire de ma rêverie. Mains dans la main, le jeune homme nous conduit à une table parfaitement dressée et nous tend les cartes.

DoubleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant