J'ai juste cliqué

Chapitre 21-Comment lui faire avouer ? ADAM

— Et je voudrais bien une dédicace pour ma fille ! Vous savez, elle s'est totalement reconnue en Séraphine qui...

J'ai mal aux mandibules et un putain de mal de crâne est en train de pousser dans mes tempes. J'ai trop parlé. J'ai trop souri. J'ai posé et enlacé un nombre incalculable de tailles féminines. Je n'en peux plus. Cela fait deux jours que je suis noyé sous cette avalanche d'amour et je rêve d'aller me reposer. C'est ce que je me dis alors que ma dernière admiratrice, une quinquagénaire adorable, s'en va, les bras chargés par tous mes livres dédicacés. Je souffle en me relevant de ma chaise. Tout de suite, je cherche Ysé du regard quand Sandrine fonce vers moi, le sourire aux lèvres.

— C'est fantastique ! piaille-t-elle en sautillant. C'est simple, il ne reste plus un seul de tes livres dans la librairie ! Même ceux qu'on avait du mal à vendre, dis-toi ! C'est juste incroyable ! Chapeau l'artiste !

Sandrine s'agite encore en me parlant chiffre et rendement alors que Clotilde distribue des bouteilles d'eau aux auteurs exténués. Le salon a fermé ses portes. Il est 17 heures et je sais que si mon attachée de presse fait danser ses longs cheveux blonds au rythme de sa marche tout en nous abreuvant, ce n'est pas pour être gentille. Elle ne va pas tarder à nous presser et à nous répartir dans les différentes voitures afin de nous ramener au plus vite à l'hôtel. Nous devons nous mettre sur notre 31 et être tous prêts dans moins de deux heures.

Quand Clotilde arrive à ma hauteur pour nous débiter toutes ces informations, je ne peux m'empêcher de lui poser cette question qui me brûle les lèvres.

— Où est Ysé ? Tu sais, mon accompagnatrice ?

Clotilde arque un sourcil avant de me balancer ma bouteille d'Evian que je récupère in extremis. Les autres auteurs, toutes intriguées par notre conciliabule se rassemblent autour de nous en entamant de fausses discussions.

— Ta copine tu veux dire ? Et bien j'ai dû lui dire plusieurs fois d'arrêter de vouloir t'assassiner de ses regards noirs ! Je te jure que c'était tellement flagrant que pas mal de lectrices l'ont remarqué.

Ce que m'apprend Clotilde transforme mes yeux en soucoupe. Quoi ? Pourquoi donc Ysé m'en voudrait ? Sans m'en rendre compte, j'ai prononcé ça à voix haute et l'ensemble des auteurs éclate de rire, Clotilde comprise.

— Adam ! Pourquoi tu nous regardes comme si on avait tous un troisième œil ? plaisante cette dernière. C'est normal que ta nana ronge son frein alors qu'un tas de filles te court après. T'es beau gosse, elle t'aime, elle protège ce qui est à elle mais franchement, là, elle aurait pu être plus discrète. Comme je lui ai dit, ce n'est pas bon pour le bizness !

Nouvel éclat de rire collectif alors que le directeur des éditions Synopsis débarque en nous félicitant pour cette journée de dédicace. Mais si tout le monde m'oublie et se congratule, moi je n'ajoute plus rien et reste un instant en retrait.

Déjà, je regrette qu'Ysé soit restée là à m'observer sans que je n'aie eu le loisir de lui parler ni même de la saluer. J'ai eu beau la chercher parmi la foule entre deux dédicaces, je n'ai pas eu le plaisir d'apercevoir ses yeux vert menthe à l'eau ni le haut de son chignon fou. Et puis, ce qui me taraude le plus, c'est que Clotilde, qui ne connait Ysé que depuis cet après-midi,  prétende qu'elle est amoureuse de moi. Ça, c'est impossible...

Si ?

— Adam ? Tu ramènes tes jolies petites fesses, s'il te plait ? On sait que tu es le sex-symbol de ce festival mais ce soir, le smoking est de mise même pour toi ! Viens vite te préparer, please !

Ranimé par le cri de Clotilde, je me rends compte que je suis seul et que les néons de l'espace sont même déjà éteints. Je m'empresse de regagner la sortie, les tempes bourdonnantes avec cette idée saugrenue qui se répète dans ma tête.