J'ai juste cliqué

Chapitre 10-Moi aussi YSé

— Papa ? Tu es là ?

Je pénètre la maison en reniflant. C'est incroyable mais...

Mais ça sent bon ! Moi qui m'attendais à trouver cette horrible odeur d'urine de chat, étant donné que mon père ne m'a pas donné signe de vie depuis deux bonnes semaines, je suis agréablement surprise par la senteur vanillée qui s'émane de cet endroit devenu décidemment très propret. Je laisse mon regard se balader sur tout cet ordre, m'étonnant de chaque détail, de chaque arrangement que papa semble avoir apporté à sa demeure dans le but tout neuf de rendre son espace soigné et personnel.

— Je suis dans le bureau ma Schtroumpfette ! me crie mon paternel.

Je me dirige vers la pièce indiquée en me retenant de pousser un cri de joie en passant devant la litière des chats propre du jour. De plus, les panières et les gamelles au nom de chacun des matous me rassurent dans le fait que papa continue à se prendre en main. Pinioufou vient m'accueillir en se frottant contre mes jambes, chose qui finit de me convaincre que tout va pour le mieux dans la maison de mon enfance. J'attrape le félin ronronnant et après lui avoir fait un bref baiser dans le cou, j'ouvre la porte de cette pièce qui était réputée pour être l'endroit le plus malodorant de la demeure. Aujourd'hui, je découvre un lieu cossu et rangé dans lequel la flamme tranquille d'une bougie d'ambiance beige danse sous le vent de l'ouverture de la porte. Mon père est là, le sourire aux lèvres.

Complètement gaga devant l'écran de son ordinateur.

— Papa ! C'est magnifique ici ! le complimenté-je.

Il décolle enfin le nez de son ordinateur pour m'accorder ce même sourire radieux qui ne le quitte décidemment pas. Ça me fait drôlement plaisir de le voir comme ça. Je relâche Pinioufou pour venir embrasser mon père. Pour une fois, mon cœur ne se serre pas en le faisant. Tout m'indique qu'il va mieux et tout me dit que cela a un rapport direct avec son inscription sur Dating. En même temps, je l'admets, je suis dans le même état. Cela fait deux semaines que les discussions entre Adam et moi se sont enchainées. Si certaines étaient prévues et d'autres impromptues, toutes ont été un moment unique pendant lequel j'ai souri, j'ai soupiré et j'ai laissé l'espoir me gonfler le cœur.

— Tu as l'air heureux, papa, fais-je sans desserrer notre étreinte. Et si tu me racontais ?

Je lui embrasse une nouvelle fois la joue et me relève pour tirer une chaise à moi afin de lui faire face. Je roule le regard en direction de l'ordinateur et papa comprend le message.

— Oui, ça a à voir avec Dating, si tu veux savoir. Enfin, si on peut dire ça comme ça.

— Raconte ! Tu vas me faire crever d'impatience !

En guise de réponse, papa s'empare de l'ordinateur portable et soupire, le sourire aux lèvres. Il finit par me le tendre et le profil Facebook d'une femme me fait face. Je fronce les sourcils d'incompréhension.

Roselyne MILARD

— Je ne sais pas ce qui m'arrive. Vraiment je ne sais pas, répète mon père sur un ton badin.

Je lui souris à mon tour, touchée par ses émotions de jeune amoureux. Je découvre en m'emparant de l'ordinateur l'identité de celle qui parvient à maintenir la tête de mon père hors de l'eau. Seulement, je ne comprends pas bien ce que cette page Facebook a à voir avec Dating.

— Tu sais papa, si tu ne m'expliques pas plus, je ne vais pas pouvoir comprendre le rapport avec le site de rencontre, grimacé-je, amusée par sa joie touchante.

— J'ai rencontré quelqu'un ! me lâche-t-il d'un souffle sans surprise. Virtuellement, je veux dire !

Je sais qu'il parle de cette femme dont le sourire ravageur s'affiche toujours sur l'écran de l'ordinateur. C'est une jolie créature, quinquagénaire, les yeux verts, la peau mate, les cheveux noirs. Une vraie beauté mâture. Elle tient entre ses mains une paire de lunettes sophistiquées et son chemisier blanc ne fait que renforcer l'effet saisissant de l'aura qui se dégage de sa personne. Elle pose devant une rangée de livres, sans doute un meuble bibliothèque.